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Niger

Alerte alimentaire au Niger

 

Entretien avec Modibo Traoré,

Chef de bureau du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) au Niger

15 Février 2010

 

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L’enquête nationale rapide sur la situation alimentaire des ménages au Niger est alarmante : 20 % de la population, soit environ 2,7 millions de personnes, nécessite un appui alimentaire urgent ; 38 % des ménages sont modérément vulnérables (ayant besoin d’une assistance à moyen terme) et 32 % des ménages sont faiblement vulnérables. Selon ce classement, les ménages les plus vulnérables disposent d’un stock alimentaire de dix jours seulement.

 

 

Qui sont ces populations vulnérables ?

 

Une campagne agro-pastorale médiocre a mis 7.8 millions de personnes en situation de vulnérabilité sévère ou modérée (soit 58,2 % de la population). Selon l’enquête publiée le 25 janvier par l’Institut National des Statistiques, la campagne 2009 a connu un déficit de production agricole de 25 % et fourrager de 67 %.

Les populations les plus touchées vivent en milieu rural et en zone agro-pastorale (26,8 % de personnes sévèrement vulnérables en zone agro-pastorale contre 16,3 % en zone agricole). Les régions de Tahoua (au nord-est de Niamey) et de Diffa (à l’extrême est du Niger) sont les plus affectées, avec respectivement 33,9 % et 32,0 % de la population en situation de vulnérabilité sévère.

 

Vous ne parlez pas des ménages urbains à faibles revenus qui à l’évidence souffrent de prix beaucoup trop élevés.

 

Vous avez raison. Les prix des céréales de base (mil et sorgho) ne cessent d’augmenter au fil des semaines (augmentation de 5 % du prix du sac de mil en février 2010 par rapport à la même période en 2009). C’est pourquoi le plan de soutien s’adresse à l’ensemble de la population vulnérable au Niger, urbaine comme rurale.

 

Comment l’aide s’organise-t-elle pour répondre à cette urgence humanitaire ?

 

Le gouvernement a élaboré un plan de réponse qui constitue le cadre de référence des actions à mener. Il s’agit notamment de ventes des céréales à prix modérés, de distribution de vivres durant la campagne agricole, de la prise en charge des enfants malnutris, de la subvention des prix des aliments complémentaires pour le bétail. Le coût global de ce plan est de 104 milliards de F CFA (~158.8 millions d’euros). En avril, un gap de 75.8 milliards de F CFA (~115 millions d’euros) restait à couvrir.

 

Le gouvernement coordonne les interventions par le biais du dispositif national de prévention et de gestion des crises alimentaires placé sous la tutelle du cabinet du Premier ministre. Ce dispositif a ses démembrements au niveau de chaque région et les départements assurent l’exécution des activités du plan de réponse, en collaboration avec les acteurs de la société civile, les ONG nationales, internationales et des agences du Système des Nations unies.

 

Les populations pastorales au Nord du Nigeria (notamment les villages nigérians frontaliers des États de Katsina et Daoura) sont également touchées. Y a-t-il une coopération avec les autorités nigérianes ?

 

Entre les autorités des États du Nord du Nigéria et celles des régions frontalières du Niger (Diffa, Zinder, Maradi) un certain niveau de coopération existe : partage de l’information, préparation des transhumances des éleveurs et vaccination du cheptel. Une mission transfrontalière a été organisée au Nigeria en janvier 2010 par OCHA, avec la participation des autorités régionales nigériennes et des services techniques. Des distributions de vivres sont en cours dans le département de Daoura (État de Katsina).

 

Qu’en est-il de la coordination de l’aide ?

 

L’État nigérien assure, à travers le Dispositif National de Prévention et de Gestion des Crises Alimentaires, le leadership en ce qui concerne la fourniture de l’aide dans le cadre du plan de réponse élaboré par le gouvernement. La mise en application du plan de réponse tient compte de l’impact des différentes opérations sur les marchés locaux et régionaux à travers le Système d’Information sur les « Marchés Agricoles », qui est une structure du dispositif. Un grand effort de coordination et d’harmonisation de la fourniture de l’aide est fait par le gouvernement et mérite d’être soutenu.

 

Le Bureau de Coordination des Affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) assiste le gouvernement du Niger dans la coordination de la réponse des ONG et des agences du Système des Nations unies afin de couvrir les besoins des personnes vulnérables. OCHA participe à la production régulière d’information sur la situation humanitaire générale et sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle en particulier. OCHA participe également à la mobilisation de ressources en faveur des agences onusiennes et des ONG afin de fournir rapidement une aide efficace à ceux qui en ont le plus besoin.

 

Assistons-nous à une nouvelle crise de 2005 ?

 

Des leçons ont été tirées de la situation de 2005 au cours de laquelle le gouvernement et les partenaires n’étaient pas bien préparés. Depuis, des mécanismes de suivi et de réponse ont été mis en place ou renforcés et la coordination de l’assistance s’est considérablement améliorée. Si les ressources financières manquantes sont fournies à temps, le pays peut répondre de manière adéquate à l’insécurité alimentaire des populations et au problème de malnutrition des enfants de moins de 5 ans, avec l’appui des partenaires.

 

La production agro-pastorale du Niger étant principalement dépendante de la pluviométrie, elle restera tributaire des aléas climatiques qui, de plus en plus, subissent l’influence du changement climatique bien constaté dans ce pays sahélien. Le problème structurel s’aggrave du fait d’autres facteurs qui, eux, sont conjoncturels (hausse des prix, réduction de l’aide au développement).

 

Des alternatives aux cultures pluviales devront être développées (cultures irriguées), le développement de variétés à cycle court, la récupération des terres. Au niveau global, la lutte contre le changement climatique doit être renforcée.

 

Pour en savoir plus sur les travaux de l’OCHA : http://ochaonline.un.org et www.reliefweb.int

 

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