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France

Les réformes structurelles en France

 

Présenté par Monsieur Angel Gurría, Secrétaire général de l'OCDE, lors d'une conférence de presse conjointe avec Mme Christine Lagarde, Ministre de l'Économie, de l’industrie et de l'emploi.


4 juin 2009, Paris


Madame le Ministre, Mesdames et Messieurs,


C’est un grand plaisir d’être ici avec vous aujourd’hui et un grand honneur pour l’OCDE d'accueillir Mme Lagarde. Mme le Ministre nous a déjà fait l’honneur de présider notre réunion ministérielle de 2008 et ce sera une joie de la revoir dans trois semaines lors de la prochaine réunion.


Nous sommes réunis au moment où des signes font espérer une dégradation moins rapide de l’économie mondiale. Cela ne veut pas dire que la récession soit arrivée à son terme. Le timide redressement de la production que nous  observons  ici et là peut tout à fait n’être que le révélateur d’un cycle d’ajustement des stocks. Cela sera-t-il suffisant pour soutenir la croissance ? Il faut rester prudent, et cela sera un thème central des discussions de notre Réunion ministérielle à la fin du mois.

La France résiste mieux à la crise que les autres pays du G7, même si la croissance y restera assez proche de zéro pendant encore plusieurs trimestres. Cela signifie que le chômage et le déficit des administrations publiques continueront de progresser, comme d’ailleurs dans les autres pays de l’OCDE.

Dans un tel contexte, quelles sont les marges de manœuvre dont dispose le gouvernement? En premier lieu, il convient de ne rien faire qui puisse détériorer davantage la situation, et donc éviter toutes mesures protectionnistes.


À court terme, un plan de relance bien conçu a déjà été mis en place. Il comprend notamment un soutien important à l’investissement public et privé, ainsi que des mesures pour faciliter les embauches, réduire temporairement les charges sociales et mieux indemniser le chômage partiel. Il s’accompagne également de mesures d’urgence pour l’emploi des jeunes annoncées fin avril par le Président Sarkozy. Ce plan devrait suffire pour soutenir l’activité et l’emploi étant donné la force des stabilisateurs automatiques tels que l’assurance-chômage et la fiscalité progressive. À moyen terme, il serait sans doute approprié de lancer un débat à grande échelle autour des finances publiques compte tenu du vieillissement démographique à venir. Du côté des recettes, même si la fiscalité peut être perfectionnée, une augmentation éventuelle des impôts  doit prendre en compte les effets adverses sur la compétitivité et sur les investissements. Il conviendra donc d’agir prioritairement sur les dépenses en tentant d’identifier celles qui sont les moins efficaces afin de les réduire. 

Quelles sont, selon l’OCDE, les réformes structurelles les plus importantes à mener en France?

Augmenter le taux d’emploi reste la priorité. Les progrès réalisés en matière de fonctionnement du marché du travail depuis deux ans sont indéniables, mais la France peut faire davantage.

L’écart de taux d’emploi par rapport aux autres pays de l’OCDE est le plus marqué pour les jeunes et les plus de 55 ans. Le départ à la retraite à un âge moyen de 58 ans n’est plus tenable dans un monde où l’espérance de vie est de l’ordre de 80 ans. De nombreuses mesures ont bien été prises pour inciter les travailleurs âgés à demeurer actifs plus longtemps. Mais un relèvement progressif de l’âge de départ à la retraite prenant automatiquement en compte les gains d’espérance de vie, comme cela est le cas dans de nombreux pays de l’OCDE, pourrait contribuer à la sauvegarde du système de retraite par répartition.

Les travaux de l’OCDE montrent que les jeunes sont les premières victimes du dualisme du marché du travail. Ils subissent actuellement de plein fouet les effets de la crise. Réduire la segmentation du marché du travail demeure donc une priorité, notamment  en  favorisant le passage plus systématique de CDD  en CDI comme c’est le cas ailleurs.  Un pas a bien été franchi dans cette direction avec la mise en place de la rupture par consentement mutuel.

Les jeunes qui quittent le système scolaire chaque année sans aucune qualification sont bien entendu les plus vulnérables et l’accent mis actuellement par le gouvernement sur les formations en alternance va précisément dans la direction que nous préconisons dans notre rapport sur l’Emploi des Jeunes. Mais au-delà, beaucoup de jeunes diplômés de l’enseignement supérieur éprouvent également des difficultés pour s’insérer professionnellement en France. Des réformes importantes sont en cours ou prévues, notamment concernant l’autonomie des universités et l’évaluation de la recherche. Nous nous en réjouissons.

Naturellement, ces réformes ambitieuses engendrent des résistances. Il convient toutefois de poursuivre les efforts engagés afin d’aller plus loin en matière de pouvoirs alloués aux institutions dans le choix de leurs étudiants et la fixation de leurs frais d’inscription. Cela pourrait s’accompagner d’un système de bourses et de prêts plus généreux.

Quant au marché des biens et services, nous soutenons le gouvernement dans sa volonté d’y insuffler davantage de concurrence et nous nous réjouissons de l’établissement cette année de la nouvelle Autorité de la concurrence regroupant toutes les responsabilités en la matière. Les efforts engagés doivent être poursuivis s’agissant de certains secteurs de services où un ensemble de règlementations conduit parfois à des rentes de situation. Je citerais en exemple le commerce de détail et certaines professions libérales. Le nouveau statut d’auto-entrepreneur devrait cependant entraîner une plus vive concurrence dans les services.

Il me faut citer un dernier défi : celui de l’environnement. L’OCDE  travaille actuellement pour aider ses pays membres à créer les conditions  nécessaires  à une croissance plus verte. À la fin 2007, le Grenelle de l’environnement avait suscité beaucoup d’espoir et il a effectivement abouti à des résultats tangibles. Les réformes devraient  être poursuivies. Nous pensons que la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers pourrait être transformée en une vraie taxe verte. Les autorités françaises pourraient également mettre fin aux prix réglementés  de l’électricité, qui augmentent la demande  par les ménages et déforment la structure de l’industrie vers des secteurs électro-intensifs.

Je souhaiterais terminer en abordant la question épineuse des stratégies pour  faire accepter les réformes. La leçon la plus importante que nous avons apprise est que toute action en la matière nécessite un mandat clair de la population. Pour l’obtenir, il faut connaître --  et faire connaître -- non seulement les avantages de la réforme, mais également les inconvénients du statu quo. C’est le rôle de l’OCDE que de faire les analyses nécessaires pour identifier ces deux aspects. C’est le rôle des hommes et des femmes politiques de les communiquer clairement à l’opinion publique et, pour un gouvernement comme le vôtre, Madame Lagarde, avec beaucoup de cohérence et de pédagogie. Ensemble, nous y arriverons, j’en suis sûr !

 

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