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France

Construire la métropole d’Aix-Marseille : un enjeu pour relancer une croissance inclusive

 

Remarques d’Angel Gurría, Secrétaire Général de l'OCDE, prononcées à l’occasion du lancement de l’étude de l’OCDE sur l’aire métropolitaine d’Aix-Marseille


Marseille, villa Méditerranée, 5 décembre 2013


Madame la Ministre, Mesdames, Messieurs les Ministres, Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs,

C’est un plaisir pour moi d’être ici avec vous à Marseille, alors que se termine l’année de Marseille Provence, capitale européenne de la culture 2013. On ne peut que se réjouir de voir le succès rencontré (7 millions de visiteurs !) , et l’impact positif sur la troisième métropole française. 


Il y a un peu moins d’un mois, j’ai eu l’honneur de remettre au Président Hollande un rapport sur la compétitivité de la France. Ce rapport souligne l’importance de poursuivre sur la voie des réformes structurelles pour redresser la compétitivité. La réforme des collectivités territoriales en est une priorité !


Aujourd’hui, je suis particulièrement heureux de présenter les conclusions d’une étude de l’OCDE sur la Métropole d’Aix-Marseille, qui souligne l’importance d’agir pour les territoires et avec les territoires pour renouer avec la croissance inclusive. 


Le rapport sur Aix-Marseille s’inscrit dans une longue série de travaux déjà engagés par l’OCDE sur près de 25 aires métropolitaines. Aix-Marseille est une aire urbaine intégrée : les territoires qui la composent ont un destin largement partagé, et porteurs de nombreux potentiels ! Mais aujourd’hui, ils demeurent insuffisamment exploités. 


Je voudrais vous faire part de quelques points clefs du rapport:

Tout d’abord, je tiens à le souligner, la métropole d’Aix-Marseille reste une métropole dynamique ! Sa croissance de l’emploi la classe au 2ème rang des métropoles européennes entre 2000 et 2012 et au 1er rang des métropoles françaises. C’est aussi une métropole qui a amélioré son positionnement en matière d’innovation, d’attractivité internationale et de création d’entreprises. 


Mais les défis sont nombreux ! L’emploi a certes beaucoup progressé ces dernières années mais il faudrait encore gagner plusieurs dizaines de milliers d’emplois pour atteindre le niveau des métropoles comparables . À 12% , le chômage est plus élevé à Aix-Marseille qu’au niveau national (10.%). Il est aussi supérieur à la moyenne des métropoles de l’OCDE (7.6%). 


Plus inquiétant, la métropole d’Aix-Marseille est aujourd’hui l’une des plus inégalitaires de France. Ainsi, le taux de chômage dans les arrondissements du nord de Marseille avoisine les 30%, et ces disparités sont encore plus marquées pour le chômage des jeunes, qui atteint 50% dans certains quartiers. Ces disparités à la fois sociales et territoriales sont étroitement corrélées avec les disparités en matière d’éducation. Plus du tiers de la population n’a pas de diplômes dans certains arrondissements de Marseille ! 


Comme l’a souligné le rapport de l’OCDE sur la compétitivité de la France, le caractère inégalitaire du système éducatif français pèse fortement sur l’économie du pays et a des répercussions sociales et locales graves. Cela appelle des réformes importantes en matière d’éducation et de formation, mais qui ne seront pas suffisantes si l’on n’adresse pas le désenclavement de certains quartiers.


Par exemple, l’offre insuffisante de transports publics au sein de la métropole Aix-Marseille contribue à amplifier les inégalités d’accès à l’emploi. 90% des déplacements à l’échelle de la métropole se font en voiture. C’est un niveau équivalent aux grandes métropoles américaines. Non seulement cela limite l’accès au marché du travail de ceux qui ne possèdent pas de voiture, mais cela contribue à faire d’Aix-Marseille la métropole la plus embouteillée de France !


Compétitivité, inégalités, chômage, exclusion… La fragmentation de l’action publique ne permet pas d’apporter des réponses adéquates à ces défis. 


À l’échelle de l’OCDE, la métropole d’Aix-Marseille – comme pour l’ensemble des métropoles françaises – fait partie des zones urbaines les plus fragmentées. Le nombre de municipalités qui compose la métropole est plus du double de la moyenne de l’OCDE ! Plus encore que la fragmentation municipale, c’est la superposition de différents niveaux d’administration qui est problématique. Dans le domaine des transports par exemple, il y a près d’une dizaine d’autorités agissant sur le territoire. Les plans de déplacement ne sont toujours pas élaborés à l’échelle de la métropole. 


Les dynamiques de coopération existent pourtant et se sont même intensifiées au cours de la dernière décennie, mais le morcellement des politiques publiques constitue des freins pour le développement d’Aix-Marseille.


Alors, comment améliorer la gouvernance à l’échelle de la métropole ? Que peut-on apprendre de l’expérience de l’OCDE ? C’est un des axes phares du rapport, dont je voudrais dire quelques mots pour terminer.


Renouer avec une croissance inclusive implique d’aborder les questions liées au développement économique et au bien-être des habitants à l’échelle correspondant à la réalité du bassin de l’emploi. Cet enjeu est partagé par de nombreuses métropoles de l’OCDE. Ces dernières années, nombre d’entre elles ont mis en place des réformes de leur gouvernance – Francfort, Barcelone, Manchester, Copenhague, Vancouver ou Portland, mais aussi plus près de nous Lyon. 


Différentes réponses sont possibles – l’important est de s’adapter le plus possible à la configuration locale. La réforme initiée par le gouvernement français pour la métropole d’Aix-Marseille prévoit la fusion des 6 intercommunalités et la création d’une entité métropolitaine au 1er janvier 2016, dotée de compétences stratégiques dans les domaines des transports, de l’environnement, de l’aménagement du territoire, et du développement économique. C’est donc une réforme ambitieuse à l’échelle de l’OCDE. Mais la loi n’est qu’une première étape, et c’est bien le « comment » qui sera déterminant pour en assurer l’impact.


La future métropole devra montrer qu’elle apporte une réelle valeur ajoutée, institutionnelle et financière.

  • Financière, parce qu’elle doit apporter une plus-value en termes de ressources nouvelles et de solidarité, mais également de gains d’efficience. 

  • Institutionnelle, parce que la métropole ne doit pas être un échelon de plus sur le territoire. Elle doit traiter de questions qui ne sont pas ou qui sont insuffisamment traitées par d’autres collectivités et, ce faisant, contribuer à résoudre des problèmes demeurés jusque-là sans réponse. L’autorité du Grand Londres, Metro Portland ou Barcelone sont représentatifs de la création d’institutions ayant apporté une plus-value institutionnelle.


Madame la Ministre, Monsieur le Maire, Mesdames, Messieurs,

La culture a rassemblé la métropole d’Aix-Marseille en 2013, et le résultat a été spectaculaire. L’enjeu est de taille pour la réforme de la gouvernance, mais elle doit être à la hauteur des attentes des habitants, des entreprises et des potentiels de ce territoire. C’est à ce titre qu’elle permettra de renouer la confiance avec les citoyens et de contribuer à construire une croissance inclusive et durable sur le territoire.

Merci pour votre attention.

 

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