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Agriculture durable

Présentation des Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO 2008-2017 - Remarques de M. Angel Gurría

 

Remarques de Monsieur Angel Gurría, Secrétaire général de l’OCDE, à l’occasion de la présentation des Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO 2008-2017.

Paris, Centre de conférence de l’OCDE, le 29 mai 2008

 

Regardez la vidéo de la conférence de presse (Anglais - French)

 

Mesdames et Messieurs, bonjour et bienvenue à l’OCDE


La crise internationale actuelle des produits alimentaires, de même que ses multiples causes et conséquences, placent le monde devant un défi majeur. Cette crise appelle une réponse mondiale rapide pilotée par les organisations internationales qui devront agir en étroite coordination. Je suis donc particulièrement heureux d’accueillir mon ami de longue date, Monsieur Jacques Diouf, Directeur général de la FAO, afin de vous présenter d’une seule voix, à vous et au monde, une publication qui tombe aujourd’hui à point nommé : les “Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO 2008-2017”.


Voici déjà quatre ans que nos deux organisations travaillent de concert sur les Perspectives agricoles. La mise en commun des informations et compétences a été particulièrement utile pour analyser et comprendre la situation exceptionnelle que connaissent actuellement les marchés agricoles et formuler les recommandations qui s’imposent pour y faire face.


Venons-en maintenant aux faits. Pour commencer, je voudrais dire que nous ne pensons pas que les prix vont se maintenir longtemps à leurs niveaux actuels. L’offre et la demande vont s’ajuster et induire une évolution à la baisse. Toutefois, la moyenne des prix de la plupart des produits agricoles au cours de la prochaine décennie devrait dépasser la moyenne des 10 dernières années, de 10 à 50 % en termes réels, selon les produits.


Pour construire ces projections nous avons établi une distinction claire entre les facteurs transitoires et les facteurs permanents qui influent sur les prix actuels. Nous considérons que les récentes baisses de rendement dues aux conditions météorologiques sont temporaires. Lorsque les rendements seront revenus à la normale et que les agriculteurs réagiront aux niveaux de prix élevés, l’offre connaîtra une poussée qui fera baisser les prix. Cette évolution devrait calmer les réactions de panique des acteurs sur le marché mais aussi de certains gouvernements qui ont contribué à l’escalade des prix.


Toutefois, une fois passé cet épisode de flambée, d’autres facteurs, plus permanents, vont entrer en jeu. Les prix élevés du pétrole, la croissance de la production de biocarburants et la hausse du pouvoir d’achat dans les pays émergents ralentiront le fléchissement à long terme des prix réels.


Selon nous, la volatilité des prix des produits agricoles devrait s’accentuer à l’avenir, en raison du niveau des stocks qui devrait rester bas. L’arrivée massive d’investisseurs non traditionnels sur les marchés à terme des produits de base pourrait aussi jouer un rôle, mais il est difficile de dire actuellement dans quelles proportions.


Ces distinctions entre facteurs transitoires et permanents aident à mieux comprendre les causes de l’actuelle envolée des prix. Or une telle analyse est essentielle pour déterminer les mesures à prendre par les pouvoirs publics. J’en citerai quelques unes :


A court terme, une aide alimentaire et humanitaire doit être accordée d’urgence pour éviter que les populations pauvres se trouvent en situation de famine. Jusqu’à présent, la communauté des donneurs a répondu promptement et généreusement à l’appel des Nations Unies et du Programme alimentaire mondial.


A moyen terme, il est absolument indispensable d’améliorer le pouvoir d’achat des populations pauvres qui doivent acheter des produits alimentaires. A ce sujet, nous devons multiplier par deux nos efforts de lutte contre la pauvreté ; renforcer nos travaux en faveur du développement ; et honorer nos engagements en matière d’aide. Nous devons donner aux populations les moyens de se procurer suffisamment de nourriture même si les prix sont appelés à rester à des niveaux plus élevés que les moyennes enregistrées par le passé. La fin de l’alimentation bon marché dans un monde où la moitié de la population vit avec moins de deux dollars par jour pose un grave problème. En conséquence, l’OCDE a lancé un projet pluridisciplinaire associant plusieurs secteurs de l’Organisation afin d’analyser les différentes options envisageables par les pouvoirs publics pour mener à bien cet ambitieux programme d’appui au développement.


La réforme des politiques agricoles doit par ailleurs être poursuivie. Les mesures de restriction des échanges ont des effets indésirables et souvent imprévus, surtout à moyen et long terme. Les subventions à l’exportation de produits agricoles ont contribué à affaiblir la capacité agricole et la stabilité sociale dans les zones rurales de nombreux pays en développement. Une avancée décisive des négociations du cycle de Doha à l’OMC vers une issue ambitieuse pourrait libérer la capacité des marchés à équilibrer l’offre et la demande au niveau mondial.


Du côté de l’offre, le changement climatique pose un sérieux problème. Les investissements dans la R-D, le transfert de technologie et les services de vulgarisation, notamment dans les économies moins développées, pourraient jouer un rôle important en faveur de l’amélioration de la productivité et de la production. Le recours à la transgénèse (OGM) ouvre aussi des perspectives qui pourraient être exploitées plus avant.


Du côté de la demande, l’accroissement rapide de la demande de biocarburants, sous l’effet principalement des mesures prises par les pouvoirs publics, mérite d’être examiné de près. Les analyses effectuées conjointement avec l’Agence internationale de l’énergie (AIE) montrent qu’il est peu probable que les politiques actuelles de soutien des biocarburants permettent d’atteindre les objectifs visés. D’autres options pourraient se révéler plus avantageuses ; par exemple encourager la réduction de la demande d’énergie et des émissions de GES, faire en sorte que les échanges de biocarburants soient plus libres et accélérer l’introduction de technologies de production de « deuxième génération » qui ne font pas appel aux productions alimentaires actuelles.


La hausse récente des prix alimentaires est un problème véritablement mondial. L’évolution actuelle des marchés mondiaux des produits alimentaires a de graves conséquences pour la sécurité alimentaire des plus pauvres. Dans le même temps, les facteurs spéculatifs et les politiques de repli contribuent à la nervosité et la volatilité des marchés. Ce qu’il faut à présent, c’est une réponse objective, efficace et cohérente au plan mondial pour éviter d’aggraver une situation déjà difficile.


Le renforcement de la coordination entre les gouvernements et entre les organisations internationales compétentes est essentiel. L’OCDE se félicite de participer au Groupe à haut niveau des Nations Unies sur la crise alimentaire mondiale. M. Diouf a été nommé hier vice-président de ce Groupe par le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki Moon, lors d’une conférence téléphonique, et nous travaillerons en étroite collaboration avec lui pour faire avancer cette importante initiative.


L’OCDE pourrait aussi organiser une série de manifestations à haut niveau avant la fin de 2008, où les gouvernements des pays membres et des grands pays non membres pourront examiner ensemble les différentes solutions envisageables. Un premier forum examinera les ajustements qui pourraient permettre d’accroître l’offre de nourriture à court terme. Ces questions seront examinées à la réunion du Conseil de l’OCDE au niveau ministériel qui se tiendra la semaine prochaine.


Les liens entre la pauvreté structurelle mondiale, le changement climatique, l’impasse de Doha, les migrations internationales, les OMD manqués, la crise alimentaire actuelle et la récente diminution des flux mondiaux d’aide au développement sont aujourd’hui plus évidents, plus explicites. Le message est clair : nous naviguons tous dans le même bateau et par gros temps, seule une action collective bien coordonnée, bien planifiée et bien exécutée nous mènera au port sains et saufs. Je suis convaincu que cette publication commune des travaux de l’OCDE et de la FAO facilitera la recherche d’une solution.


Je vous remercie.

 

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