Soutenir la compétitivité et la cohésion sociale de la France

 

Angel Gurría, Secrétaire général de l'OCDE, présentation du rapport « France: Redresser la compétitivité », atelier OCDE/AJEF


Paris, 13 novembre 2013


Mesdames, Messieurs


C’est un plaisir de vous accueillir à l’OCDE aujourd’hui pour vous présenter les résultats de notre réflexion sur la compétitivité et la productivité de la France. La Brochure France : Redresser la compétitivité rassemble le travail de recherche de l’Organisation dans un ensemble de domaines: le capital humain, l’emploi, l’innovation, la concurrence, et la fiscalité. Permettez-moi de vous présenter les principaux résultats de cette analyse.


Comme vous le savez, la France est un pays riche en termes économiques. Sa productivité horaire est élevée, le 7ème des 34 pays de l’OCDE. Le pays a relativement mieux résisté à la crise financière que nombre de ses partenaires.


Mais, depuis 2000, l’écart entre les pays les plus riches et la France ne cesse d’augmenter. La croissance de la productivité en France a été inférieure à la moyenne de l’OCDE, tandis que le nombre d’heures travaillées par habitant –déjà le plus bas de l’OCDE - continue de diminuer. Ces tendances expliquent la faible croissance du PIB par habitant en France depuis 2000, de 0,5 % en moyenne, comparé à 1 % au Royaume Uni, 1,2 % en Allemagne ou 1,6 % en Suède.


Aujourd’hui, la croissance en France reste fragile (0.3% en 2013 d’après nos dernières estimations, mais ce chiffre sera très probablement revisé un peu à la baisse) et l’environnement international demeure pour le moins incertain. Les marchés financiers peuvent se retourner rapidement contre les pays vulnérables.


Pour combler cet écart économique et récupérer le temps perdu, la France doit maintenir le cap des réformes structurelles.
Depuis un an, le gouvernement a lancé une importante série de réformes. Ceci a permis d’avancer sur des sujets majeurs tels que la réduction du coût du travail, le soutien de l’emploi des jeunes et des seniors, la sécurisation des parcours professionnels avec l’accord « compétitivité – emploi », la simplification des procédures administratives ou les investissements d’avenir.


Il est important que le gouvernement mette en place, dès l’entrée en vigueur de ces mesures, une évaluation rigoureuse de leur impact. Afin d’en améliorer les résultats, il conviendra d’apporter les ajustements nécessaires. Des efforts supplémentaires sont par exemple nécessaires pour continuer à réduire le dualisme du marché du travail, pour rééquilibrer le financement du système de retraite et pour rationaliser la dépense publique.


Le document que nous vous présentons ce matin dresse un bilan de la situation actuelle et propose une série de recommandations. Les dispositions que nous identifions sont non seulement complémentaires, mais elles ont vocation à se renforcer mutuellement.


Je voudrais concentrer mon propos autour deux sujets principaux, qui seront évoqués plus en détail par mes collègues : les compétences de la population et la concurrence.


Construire les infrastructures pour les compétences du futur

Notre document met en évidence que la France est un pays de grandes inégalités d’opportunités dans l’acquisition des compétences. Or, une population active dotée des compétences adéquates est un moteur essentiel de la productivité et un facteur déterminant de la cohésion sociale.


La France doit moderniser son système éducatif, tout comme l’apprentissage et la formation continue, afin notamment d’en améliorer l’accès aux plus vulnérables.


Réformer le système éducatif et accompagner les jeunes vers l’emploi

Nos études PISA ont mis en évidence l’inégalité du système éducatif français. Les disparités entre les élèves les meilleurs et les plus faibles sont grandes, et l’impact de l’origine sociale des parents sur la performance des élèves est parmi les plus élevés des pays de l’OCDE.


L’échec scolaire pèse sur l’économie et a des conséquences sociales graves: chaque année près de 150 000 jeunes quittent l’école sans diplôme, se retrouvant en situation de précarité sur le marché du travail. 2 millions de jeunes français ne sont ainsi ni en emploi, ni en éducation ni en formation (NEET) ; la moitié d’entre eux n’ayant aucun diplôme. C’est donc dès l’enfance qu’il convient de corriger les inégalités d’opportunités.


Le Ministre de l’Éducation a proposé des pistes de réformes qui sont dans l’ensemble en ligne avec nos recommandations. Nous recommandons qu’elles soient complétées par :

  • Une formation adaptée des enseignants, l’affectation des meilleurs enseignants dans les établissements difficiles, et une plus grande autonomie donnée aux chefs d’établissements.

  • La France doit aussi mettre en place un système de deuxième chance plus ambitieux, et recentrer davantage l’apprentissage sur les jeunes sans diplôme. Les « emplois d’avenir » auront d’autant plus d’impact qu’ils incluront un fort contenu en formation.



Renforcer la qualification des adultes

L’évaluation des compétences des adultes est un autre domaine où d’importants progrès doivent être faits. Les résultats des Français dans l’enquête PIAAC sont parmi les plus bas des 24 pays participants, en particulier pour les séniors. 21,6 % des adultes ont de faibles scores en ‘littératie’, contre 15,5 % en moyenne dans les pays étudiés. De plus, les scores des Français varient plus qu’ailleurs en fonction de leur niveau de formation et de leur origine sociale.


Ce qui est en cause ici est l’efficacité du système d’éducation et de formation professionnelle. Des ressources conséquentes sont pourtant consacrées à la formation professionnelle : EUR 32 milliards en 2012, soit 1.6 pour cent du PIB - autant que les allocations chômage versées sur une année! Cependant, au lieu de corriger les inégalités héritées du système scolaire, la formation professionnelle semble les creuser : seulement 12 % des ressources sont destinés aux demandeurs d’emploi. Or 45% des chômeurs n’ont aucun diplôme et 80% n’ont pas dépassé le lycée.


La réforme de la formation professionnelle


La réforme de la formation professionnelle initiée par le gouvernement offre une occasion unique de remédier à cette situation. Nous invitons à cet égard l’ensemble des partenaires sociaux à considérer les recommandations suivantes, formulées dans de plus amples détails dans la brochure :

  • de remplacer le système « payer ou former » par un système mieux ciblé de « vouchers » destinés aux chômeurs et aux salariés faiblement qualifiés.

  • Un meilleur contrôle des fonds alloués et des dispositifs d’évaluation des formations doivent être mis en place.



Renforcer la concurrence

Le deuxième champ d’action pour accroître la productivité consiste à renforcer la concurrence. Cela passe par une réduction des contraintes et des charges pesant sur les entreprises. La réglementation des marchés de produits est particulièrement restrictive en France dans les industries de réseau et le commerce de détail. Un renforcement de la concurrence supposerait, entre autre :

  • de passer au crible les réglementations existantes dans un certain nombre de secteurs clés de l’économie, pour éliminer ou réduire sensiblement les obstacles à la concurrence.

  • d’alléger les obligations réglementaires associées aux seuils sociaux dans les entreprises.


Mesdames, Messieurs,

J’ai conscience que mettre en œuvre de telles réformes est une entreprise vaste et complexe. Néanmoins, ces réformes sont essentielles pour réduire les inégalités existantes et soutenir la croissance de demain en France.


Le dialogue social, essentiel pour le bon fonctionnement de la démocratie, est l’une des clés pour faciliter la mise en œuvre des réformes. Les différents acteurs doivent définir des objectifs ambitieux, qui correspondent à la vision d’une société qui s’engage pour tous ces citoyens, y compris en faveur des plus fragiles.


Nous restons mobilisés et disponibles pour accompagner le gouvernement et ses partenaires dans cette voie, et partager l’expérience de nos États Membres.

 

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