Demain, l’après crise: l’émergence de nouvelles autorités

 

Université d'été du MEDEF
Discours de M. Angel Gurría, Secrétaire Général de l'OCDE

 

Jouy-en-Josas, 2 septembre 2010
 
Madame Parisot,
Mesdames et Messieurs,

C’est un grand plaisir de me joindre à vous lors de cette Université d’été du MEDEF. Je suis aussi très heureux de retrouver Messieurs Lamy et Somavia pour un débat sur le monde de demain.

Nouveaux centres de gravité

La gouvernance économique mondiale dont nous allons parler aujourd’hui doit faire face à l’émergence d’une nouvelle ère. Le Brésil, la Chine et l’Inde, qui ont fait l’objet de vos débats hier, sont devenus des acteurs majeurs du XXIe siècle et ont eu un retentissement significatif sur le reste des pays en développement.

Cet essor s’accompagne d’avancées importantes sur le plan de la croissance, la lutte contre la pauvreté et les inégalités dans le monde en développement. Depuis 1990, le nombre de personnes en extrême pauvreté a diminué de plus de 25 %. Grâce à la croissance rapide des économies émergentes, leurs gouvernements peuvent se permettre désormais d'augmenter les dépenses publiques dans un secteur tel que la protection sociale.  Et certains pays commencent à mettre en place des initiatives innovantes, par exemple pour contrer les inégalités ou promouvoir la coopération économique Sud-Sud.

De surcroît, les pays émergents affectent les perspectives de développement mondial. Ils influencent de plus en plus la situation et les perspectives macro-économiques, la compétitivité, l’emploi, les prix des biens et des services sur le plan global. Ce recentrage de l’économie mondiale sera encore plus perceptible à l’horizon 2030 quand, selon nos analyses, ces pays représenteront près de 60 % du PIB mondial. 

C’est une opportunité pour que l'économie mondiale passe à la vitesse supérieure et nous devons la saisir. L’architecture économique mondiale doit reconnaître ces mutations et en effet, elle est en train de changer. Le simple fait que le G20 soit actuellement « le principal forum pour la coopération économique » en est l’exemple. Les nouveaux acteurs rejoignent les puissances reconnues au sein du G20 pour apporter les meilleures réponses aux défis que nous devons affronter. Il y a vingt ans, ceci aurait été impensable, aujourd’hui c’est inéluctable.

Une nouvelle gouvernance mondiale, fondée sur la coordination et l’analyse objective

Le G20 a prouvé sa pertinence face à la crise économique et financière. Les principales puissances économiques qui le constituent ont soutenu la croissance mondiale de façon coordonnée et efficace. Représentant 80 % de l’économie mondiale, et renforcé par le soutien et l’expertise des organisations spécialisées, le G20 a ainsi bâti un capital de confiance, de dialogue et d’entente.

Dans ce processus d’innovation institutionnelle, le G8 prend toute sa place en concentrant ses efforts sur le développement, la paix, la sécurité internationale et le changement climatique. En même temps, nous sommes témoins de l’émergence de « nouvelles autorités » qui s’attellent à résoudre des défis majeurs, comme le changement climatique, la réforme du système de régulation financière et la lutte contre la pauvreté.

Prenons, par exemple, le cas de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques qui a pour objectif de définir de nouvelles réponses à la menace environnementale. L’action dans le cadre de cette Convention étant indispensable, mais complexe, le Forum des Économies Majeures (mieux connu en tant que « Major Economies Forum ») a été établi pour apporter un leadership stratégique en faveur d’une énergie propre et de la diminution des émissions de gaz à effet de serre (GES).

Le Conseil de Stabilité Financière (« Financial Stability Board ») constitue un autre exemple pertinent.  Avec une composition élargie depuis 2008, il bénéficie d’une crédibilité renforcée et fait preuve d’une efficacité renouvelée en œuvrant pour un cadre de réforme financière cohérent au niveau international. Le Comité de Bâle, le FMI et la Banque Centrale Européenne sont aussi appelés à jouer un rôle important dans ce domaine.

Les organisations internationales s’inscrivent aussi dans ce processus d’innovation institutionnelle. Elles travaillent étroitement avec les principales autorités associées à cette nouvelle architecture globale, en soutenant le retour au multilatéralisme et à une coopération internationale renforcée. Elles apportent notamment leur expertise, fondée sur des faits documentés et sur une analyse objective.

Prenons l’initiative des États Unis sur les subventions aux combustibles fossiles. L’OCDE, en co-opération avec l’OPEP et la Banque Mondiale, a montré qu’une telle initiative permettrait d’accroître la production économique et de réduire les émissions de GES de 10% en 2050. Sans être suffisante en soi, cette initiative ferait partie d’un ensemble de mesures efficaces contre la menace du changement climatique.

Un autre exemple, parmi tant d’autres, est l’engagement du G20 contre le protectionnisme. Les travaux de la CNUCED, du FMI, de l’OCDE, et de l’OMC, ont constitué le socle analytique sur lequel les leaders mondiaux se sont appuyés pour rappeler l’importance de l’ouverture des marchés pour la vitalité de l’économie mondiale.

L’après-crise et l’impératif de la cohérence

Comment, en présence de tous ces acteurs, ne pas poser la question de la légitimité et de l’efficacité des nouvelles autorités de l’architecture économique mondiale?

Dans un tel contexte, co-opération, coordination et cohérence - ce que j’appellerais « les trois C» - sont des conditions sine qua non de la réussite et de la crédibilité de l’action internationale.

Dans l’après-crise, le leadership du G20 et son engagement en faveur de la coordination des politiques économiques reste d’autant plus nécessaire. Dans cette phase de consolidation de la croissance, l’urgence est passée, mais la concertation demeure indispensable. Elle doit rester étroite, mais souple, permettant aux gouvernements à la fois la différence dans les choix de politiques économiques, tout en évitant leur divergence.

La coordination est également une priorité française pour la présidence du G20 en 2011. Comme l’a mentionné le Président Sarkozy la semaine dernière, «la France entend jouer collectif». C’est aussi le mot d’ordre de l’OCDE.

Afin de renforcer la coordination des contributions des différentes organisations internationales, nous avons proposé, il y a déjà deux ans, d’établir un réseau d’organisations internationales. Cette idée rejoint la réflexion du Président Sarkozy sur l’opportunité de mettre en place un Secrétariat du G20. 

Le réseau que nous proposons pourrait fonctionner comme tel sans pour autant impliquer la création d’une nouvelle structure bureaucratique. En travaillant mieux ensemble, les membres de ce réseau apporteraient encore plus de crédibilité et d’efficacité au sein du G20, qui sans être une institution universelle, est devenue inclusive, plurielle et de plus en plus incontournable.

Mesdames et Messieurs, 
Les nouvelles règles du jeu resteront caduques si elles ne prennent pas vie dans le quotidien des entreprises. Elles seront inefficaces, si elles ne traduisent pas l’expérience du monde des affaires. Le secteur privé est, dès lors, un partenaire important des nouvelles autorités associées à la nouvelle architecture économique mondiale, mais aussi un acteur de la globalisation, une locomotive de la croissance et un incubateur d’idées.

A l’OCDE, nous continuerons à travailler avec nos partenaires du secteur privé, du G20 et des autres organisations internationales au service d’une économie plus forte, plus saine et plus juste. Forts de nos 50 ans d’expérience, et avec les 40 pays - membres et partenaires - représentant presque 90 % de la production mondiale - nous mettrons tout en œuvre pour apporter des solutions innovantes aux défis du XXIe siècle.

 

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