Partager

Pourquoi les subventions gouvernementales nuisent à la concurrence mondiale

Pourquoi les subventions publiques nuisent à la concurrence mondiale

15 avril 2019 | Jehan Sauvage

Depuis sa création il y a 20 ans, l’Agence mondiale antidopage (AMA) a suivi des milliers d’affaires de lutte contre le dopage dans le sport professionnel. Avec son slogan, « Franc jeu », elle s’est donnée pour mission de promouvoir l’absence de dopage dans le milieu sportif, tandis que son logo, qui représente le signe « égal » (=) évoque l’égalité et la loyauté sur les terrains de sport. Pour la seule année 2016, l’AMA a supervisé plus de 1 300 affaires de violations des règles antidopage concernant des sportifs et des professionnels du secteur dans 113 pays et plus de 100 sports différents.

En tant qu’amateurs de sport, nous souhaitons assister à des compétitions sportives loyales. Le dopage remet en cause la loyauté et la compétitivité du jeu, en jetant le discrédit sur les victoires obtenues et en trompant les concurrents honnêtes.

En tant que membres d’une communauté mondiale, nous apprécions aussi la loyauté et la compétitivité sur les marchés internationaux. Les règles qui gouvernent les échanges internationaux ont été créées précisément pour instaurer des conditions équitables à l’échelle mondiale et garantir une concurrence loyale qui favorise l’innovation et profite aux consommateurs. Pourtant, certains États continuent de soutenir (ou de subventionner) des entreprises ou des industries nationales afin de leur conférer un avantage face à la concurrence étrangère. Leurs motivations sont multiples, mais de telles décisions sont en définitive préjudiciables aux consommateurs, aux entreprises et à l’emploi. Souvent, nous ignorons qui seraient les « vrais gagnants » si la concurrence était véritablement équitable.

Les subventions sont d’ampleur et de formes très diverses

L’OCDE s’emploie depuis de longues années à cerner et à évaluer le soutien public dont bénéficient certains secteurs de l’économie. Après avoir commencé dans les années 80 à mesurer le soutien à l’agriculture, elle a élargi ses travaux à la pêche, aux combustibles fossiles, et plus récemment aux subventions industrielles, notamment à celles qui visent la filière de l’aluminium.

Bien que le soutien public générateur de distorsions des marchés ait quelque peu baissé, les États continuent de verser chaque année des centaines de milliards de dollars de subventions pour aider certaines entreprises ou certains secteurs. Cet argent qui vient en fait de la poche des contribuables pourrait être affecté à d’autres usages, par exemple au financement des retraites d’une population de plus en plus âgée, à l’amélioration de l’enseignement dispensé aux générations à venir ou à la lutte contre le changement climatique.

Comme le dopage dans le sport, les subventions sont de toutes formes et de toutes tailles : subventions directes, allégements fiscaux, prêts à taux réduit, intrants subventionnés (énergie par exemple), exemptions et exceptions réglementaires et même injection de capitaux par les pouvoirs publics.

Les autorités ne dressent pas de rapports réguliers sur ces mesures en général. Il faut donc mener un travail de détective pour repérer et estimer le montant des subventions. C’est le cas par exemple pour les prêts à taux préférentiels et les dépenses énergétiques subventionnées parfois bien cachés dans les rapports financiers des entreprises.

Éviter la surenchère

Dans toute compétition, la présence d’un tricheur peut inciter les autres concurrents à tricher à leur tour de crainte de se trouver complètement hors jeu. Afin d’influer sur les décisions commerciales et d’investissement des entreprises, les autorités nationales et locales peuvent être amenées à s’engager dans une course aux subventions, en rivalisant entre elles pour attirer des investissements ou obtenir des contrats au moyen de subventions, d’incitations fiscales ou d’autres avantages de nature à faciliter la conclusion d’accords.

Le dopage et les subventions soulèvent ainsi un autre problème : si rien n’est fait, ils peuvent rapidement prendre des proportions plus préoccupantes et pénaliser tout le monde, y compris ceux qu’ils devaient au départ avantager. Le dopage présente des risques réels pour la santé – notamment de crise cardiaque ou de cancer du foie. De la même façon, les subventions et les autres mesures de soutien public peuvent, à long terme, porter préjudice à leurs bénéficiaires en incitant les entreprises à céder à la facilité et en étouffant l’innovation, et se répercuter in fine sur le potentiel de croissance des pays.

Quelles mesures prendre pour renforcer la concurrence sur les marchés mondiaux ?

Pour commencer, les autorités devraient communiquer davantage d’informations sur les subventions qu’elles accordent, notamment au moyen de notifications à l’OMC. Si, comme on le dit, la transparence est le meilleur des remèdes, toute réforme des mesures qui faussent les échanges devrait commencer par une évaluation exacte de la situation, comme on procéderait à un contrôle antidopage. Il est possible que certaines subventions trouvent en définitive une justification, si elles répondent à des objectifs publics louables – améliorer le bien-être des citoyens ou remédier aux dysfonctionnements du marché par exemple – alors que d’autres constituent un gaspillage coûteux de l’argent public. Le manque d’information qui subsiste empêche à l’heure actuelle de se prononcer à ce sujet.

Une deuxième étape d’importance cruciale suivra alors : les pays devront s’entendre sur un armistice en matière de subventions qui soit mieux respecté qu’aujourd’hui. Les organisations comme l’OCDE peuvent y contribuer en fournissant des données indispensables pour que les pouvoirs publics fassent porter leurs efforts sur la réforme des mesures de soutien les plus dommageables pour la concurrence mondiale. Mais l’analogie avec le dopage s’arrête là : s’il ne peut y avoir qu’un seul gagnant dans les compétitions sportives, l’instauration de règles du jeu équitables profite à tous dans les échanges.

Travaux connexes

Harmoniser les règles du jeu commercial

Mettre les échanges commerciaux au service de tous implique aussi de répondre à celles et ceux qui, dans le monde entier, déplorent une concurrence mondiale non « équitable », faussée par des obstacles commerciaux et des mesures publiques favorisant des entreprises et des produits qui ne sont pas nécessairement les meilleurs. L’harmonisation des règles du jeu signifie dans ce contexte que l’ensemble des pays et des entreprises se fassent concurrence sur un pied d’égalité afin d’offrir aux consommateurs du monde entier le plus large choix possible et le meilleur rapport qualité-prix.

Lire la suite...

Suivi et évaluation des politiques agricoles

Les pays ont considérablement modifié leur politique commerciale et de soutien interne à l’agriculture au cours des vingt dernières années. Certains accordent aux agriculteurs un soutien davantage découplé de la production – autrement dit bon nombre d’exploitants ne perçoivent plus de versements au titre de la production d’un produit donné – et qui commence désormais à cibler des résultats environnementaux. Quelques pays développés continuent toutefois de dispenser un soutien élevé et lié à la production, tandis que certaines économies émergentes ont pour leur part considérablement multiplié les mesures de nature à fausser les décisions de production. Dans les deux cas, le soutien pourrait avoir été mieux mis à profit en étant affecté à des services publics offrant des avantages aux producteurs, aux consommateurs et à la société dans son ensemble.

Lire la suite...