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Examens par les pairs des membres du CAD

L'Australie (2004), Examen du CAD par les pairs : Principales conclusions et recommandations

 

 Voir aussi l'aide de l'Australie - aperçu synthétique    

Examens par les pairs des membres du CAD

L’Australie et son environnement très particulier, le Pacifique

Sa situation géographique, au cœur de la région Asie-Pacifique, confère à l’Australie une place à part dans la communauté des donneurs du fait du rare défi que représente la proximité d’autant de pays confrontés à la pauvreté, à des déficiences dans la gestion de leurs affaires publiques et à l’instabilité politique. La sécurité et la prospérité économique de l’Australie sont donc largement tributaires de l’intérêt qu’elle porte au développement de ses voisins. Dans ces conditions, définir et mettre en œuvre des politiques efficaces de coopération pour le développement avec les pays de sa région est pour l’Australie une préoccupation essentielle, qui va dans le sens des intérêts nationaux mais soulève aussi de grandes difficultés. La situation, dans la région se situant aux abords immédiats de l’Australie, reste fragile. Depuis 2000, quelques évolutions prometteuses ont commencé à se dessiner (Indonésie, Timor-Leste, Bougainville) mais dans le même temps les problèmes se sont aggravés en Mélanésie. Dans les Iles Salomon, le climat de sécurité s’est à ce point détérioré que le Premier Ministre a demandé à l’Australie et à ses partenaires régionaux d’intervenir pour aider au rétablissement de l’ordre et de la stabilité financière. Les autorités de la Papouasie Nouvelle Guinée ont, elles aussi, requis le concours de l’Australie pour renforcer les bases de l’ordre public et les structures administratives. Pour des raisons humanitaires, par souci du développement et pour des considérations plus générales de sécurité, l’Australie est dans l’impossibilité de se détourner de ces pays à faible revenu en difficulté et a donc dû adapter ses modalités d’action à leurs besoins. Le fait pour l’Australie d’être la source d’aide la plus importante pour un certain nombre de ces pays lui offre des opportunités, mais représente également un défi en matière de partenariat et de coordination.

1.  Cadre général et orientations nouvelles

Des réformes stratégiques et organisationnelles majeures, qui vont dans le sens des principes d’efficacité de l’aide

Le cadre stratégique et les structures et processus organisationnels sous-tendant la coopération australienne pour le développement ont évolué pour s’adapter aux problèmes nouveaux que connaissait la région ainsi qu’à l’impératif d’efficacité de l’aide. Il en est résulté un ciblage plus pointu de la ligne d’action, dans le cadre d’une approche innovante associant plus étroitement l’ensemble de l’administration. L’Australie a entrepris de prendre en compte les questions d’harmonisation et d’alignement, et a commencé à adopter des modalités d’aide qui témoignent d’un plus grand souci de la coordination avec les autres donneurs, de l’efficacité de l’aide et de l’appropriation locale.

L’élaboration, en 2001, d’un document intitulé Reducing Poverty: The Central Integrating Factor of Australia’s Aid Program visait à renforcer le ciblage sur la pauvreté des programmes d’AusAID. Dans sa déclaration de 2002 Australian Aid: Investing in Growth, Stability and Prosperity, le gouvernement, tout en entérinant ce document, réaffirme que l’objectif affiché de l’aide australienne est de « promouvoir les intérêts nationaux de l’Australie en aidant les pays en développement à réduire leur niveau de pauvreté et à parvenir à un développement durable ». Il y indique en outre que les efforts de l’Australie s’articuleront autour de cinq grands axes : i) promouvoir un gouvernement démocratique et responsable et une administration efficace ; ii) aider les pays en développement à accéder aux échanges internationaux et aux nouvelles technologies de l’information et à en tirer le plus de profit possible ; iii) améliorer les services de base ; iv) renforcer la sécurité à l’échelle régionale ; v) encourager des modes durables de gestion de l’environnement et d’exploitation des ressources rares.

Un engagement actif dans les Etats fragiles

Afin d’apporter une aide aux pays voisins qui se heurtent à de graves problèmes de développement, l’Australie a mis au point une approche graduelle et intégrée qui vise, d’une part, à atténuer les retombées sur les pauvres des défaillances de l’appareil d’Etat et, d’autre part, à encourager les gouvernements à entreprendre des réformes. L’idée est de mettre en avant les buts mutuels de paix, de sécurité, de respect de l’Etat de droit et des droits de l’homme ainsi que de développement économique et social, en s’appuyant sur les principes définis dans le cadre du Forum du Pacifique Sud ainsi que sur le soutien des partenaires de l’Australie au sein de ce dernier. Renforcer la sécurité à l’échelle régionale en améliorant la capacité des gouvernements partenaires en matière de prévention des conflits, de maintien de la stabilité et de gestion des problèmes transfrontaliers est aussi devenu un aspect important du programme australien de coopération pour le développement. A cet effet, l’Australie a adopté en 2002 une stratégie intitulée Peace, Conflict and Development Policy qui traite de la prévention et de la gestion des conflits ainsi que de la reconstruction au sortir d’un conflit.

Un impératif : accentuer le ciblage sur la pauvreté

Le lien étroit établi par l’Australie entre les objectifs de son aide et ses intérêts nationaux n’est pas sans conséquence. Il conduit l’Australie à privilégier la concordance entre ses intérêts nationaux et les intérêts en matière de développement des pays partenaires, sur le court comme sur le long terme. En particulier, la mise en place de politiques efficaces de développement dans les pays fragiles de la région est cruciale pour la viabilité politique et l’essor économique de la zone à long terme. Il reste qu’une attention accrue à l’impact des activités en matière de développement sur l’objectif premier de réduction de la pauvreté et d’instauration d’un développement durable serait incontestablement profitable en termes de mobilisation du public et des instances politiques australiens.

Au cours des cinq dernières années, l’Australie a renforcé le ciblage de son action sur les questions de gouvernance, économique et d’une manière plus générale – notamment dans les domaines de l’application de la loi et de la justice – dans le cadre de sa coopération avec ses principaux partenaires. Cette orientation est le fruit d’une analyse convaincante des principaux obstacles auxquels se heurte le développement de ces pays. Toutefois, le lien entre gouvernance et lutte contre la pauvreté devrait être davantage mis en évidence. De plus, le souci général d’amélioration de la gouvernance qui anime l’Australie la conduit à inclure en tant qu’aide publique au développement des activités qui relèveraient plutôt de la lutte contre le terrorisme et les migrations illicites. De tels éléments additionnels devraient faire l’objet d’un suivi étroit, afin de s’assurer qu’ils ne conduisent pas un affaiblissement du ciblage sur la lutte contre la pauvreté.

Aussi bienvenu que soit le document de 2001 sur la lutte contre la pauvreté, il est maintenant nécessaire de se baser sur celui-ci pour établir plus clairement comment les principes et valeurs qui guident le programme d’aide australien contribuent à la réduction de la pauvreté. Il conviendrait de donner plus d’importance à la lutte contre la pauvreté au niveau de la programmation de l’aide australienne, en sorte d’assurer plus de cohérence avec les objectifs d’AusAID. L’Australie devrait également rendre plus explicite le lien entre la lutte contre la pauvreté, et la gouvernance, la sécurité et l’approche à l’échelle de l’ensemble de l’administration dans ses futures déclarations d’orientation ainsi qu’au niveau de la programmation de son aide et de ses activités à l’échelon des pays. Il serait par ailleurs souhaitable d’opérer un suivi attentif et une évaluation soigneuse des efforts de lutte contre la pauvreté et du respect des priorités transversales. Le rapport en cours d’élaboration sur l’OMD8 et la participation d’AusAID au débat mondial sur les moyens à mettre en œuvre pour avancer vers les OMD sont à cet égard bienvenus.

L’importance d’utiliser le cadre des OMD en tant que référence pour les programmes d’aide et le renforcement du consensus international sur la nécessité d’améliorer l’efficacité de l’aide en matière de lutte contre la pauvreté rendent d’autant plus indispensables des éclaircissements sur la manière dont l’Australie peut assurer que son APD est pleinement ciblée sur la réduction de la pauvreté.

En Australie, l’aide extérieure recueille de la part du public un soutien vigoureux et grandissant. Cela dit, un renforcement des efforts d’information sur les questions de développement ne serait pas inutile. Etant donné le nombre réduit d’ONG qui mènent des activités de sensibilisation et l’apparent désintérêt du secteur privé pour ce qui touche à la promotion de l’aide et à la mobilisation du soutien du public pour cette dernière, un rôle essentiel incombe à cet égard à AusAID. Son programme d’éducation au développement semble constituer un instrument efficace pour atteindre les segments isolés de la population et faire passer des messages clés sur toute une série de problèmes de développement. AusAID devrait s’interroger sur les moyens d’étendre le champ de son action de sensibilisation à un public plus large que le seul secteur de l’éducation.

Appliquer les stratégies relatives aux questions transversales au niveau du terrain

Ces dernières années, AusAID a élaboré toute une série de documents stratégiques portant sur les questions transversales, sur les politiques thématiques et sectorielles ainsi que sur les modalités de mise en œuvre. Pour ce qui est des questions transversales, la principale modalité de mise en œuvre est la prise en compte systématique des politiques, qu’il s’agisse notamment des problèmes d’environnement, de la problématique homme-femme ou du VIH/sida. La totale mise en pratique sur le terrain des politiques transversales et thématiques n’en reste pas moins un défi pour de nombreux organismes bilatéraux, y compris AusAID. L’Australie devrait activement chercher à partager son expérience dans ce domaine avec les autres donneurs membres de l’OCDE afin que les succès et les échecs de chacun profitent aux autres.

AusAID a officiellement fait de l’égalité entre les hommes et les femmes une de ses priorités. En 1997, ont été exposées dans une ambitieuse déclaration intitulée « Gender and Development » les raisons pour lesquelles l’Australie tenait, par son aide, à œuvrer à cette égalité et la démarche qu’elle comptait adopter à cet effet. En vertu de cette déclaration, AusAID devait veiller à intégrer la problématique homme-femme dans toutes les composantes de son programme, en tenant compte des besoins, des priorités et des intérêts des femmes aussi bien que des hommes à tous les niveaux et à toutes les étapes des activités à l’appui du développement. Le passage à la pratique n’a pas été, on le comprendra, sans soulever de problèmes. Les efforts déployés par AusAID pour promouvoir l’égalité entre hommes et femmes à travers l’ensemble de son programme d’aide sont particulièrement bienvenus et importants étant donné que ses activités visent avant tout des pays où la situation des femmes est spécialement difficile et délicate.

La stratégie sur le VIH/sida a été révisée en juillet 2004, sur la base de l’expérience accumulée par l’Australie en matière de lutte contre la pandémie. Cette stratégie s’inscrit dans la ligne des engagements inscrits dans la Déclaration des Nations unies sur le VIH/sida. Outre la nécessité d’une ferme volonté politique, cette nouvelle stratégie met en avant l’importance qu’il y a à œuvrer dans le cadre de partenariats régionaux pilotés par les pays, à renforcer les capacités locales de lutte contre la maladie, à faire porter les efforts tout à la fois sur la prévention, le traitement et les soins, et à investir dans la recherche d’armes plus efficaces contre la pandémie. Elle fournit l’occasion de consolider la place accordée à la lutte contre le sida dans le programme et d’en faire un élément plus systématique en intégrant cette question dans les stratégies par pays, en tant que domaine d’action transversal, au lieu de recourir à des projets spécifiquement axés sur le VIH/sida. Préserver la détermination actuelle de l’Australie à agir dans ce domaine et faire en sorte que tous les éléments de la stratégie trouvent un écho dans les programmes d’envergure mondiale et régionale et par pays nécessitera une supervision rigoureuse, une révision des instruments de programmation et des ressources humaines adéquates, avec notamment de grandes compétences techniques. AusAID œuvre activement dans ce sens.

Recommandations

  • L’Australie s’efforce, dans le cadre d’une approche à l’échelle de l’ensemble de l’administration, de promouvoir ses intérêts nationaux en œuvrant à faire reculer la pauvreté et à instaurer un développement durable. De ce fait, elle doit maintenir la cohérence, au plan stratégique, entre ses intérêts nationaux et ses objectifs et programmes en matière d’aide.
  • Le lien entre la lutte contre la pauvreté et la gouvernance, la sécurité et l’approche à l’échelle de l’ensemble de l’administration devrait être reflété dans les documents d’orientation à venir. Le ciblage sur la lutte contre la pauvreté devrait transparaître plus systématiquement au niveau de la mise en œuvre, du suivi et de l’évaluation des programmes.
  • AusAID est encouragée à poursuivre les activités d’évaluation de l’impact de ses programmes de gouvernance sur la réduction de la pauvreté, le renforcement des capacités et l’appropriation, ainsi qu’à exploiter au mieux les possibilités offertes par les approches intégrées de lutte contre la pauvreté.
  • En s’appuyant sur son programme d’éducation globale, AusAID devrait renforcer son investissement dans la sensibilisation aux questions de développement, y compris lorsque cela est approprié en appuyant les organisations de la société civile, afin de favoriser un débat public plus large et mieux informé sur les problèmes de développement international.
  • Conserver une présence dans les Etats fragiles est essentiel, à la fois pour la réalisation complète des OMD et pour la préservation de la sécurité mondiale, et il faut saluer les efforts déployés par l’Australie dans ce sens. L’Australie est incitée à mettre son expérience au service de la communauté des donneurs afin de favoriser l’adoption de bonnes pratiques en la matière.
  • AusAID a mis au point tout un ensemble de stratégies thématiques et sectorielles. Il sera fondamental dans les années qui viennent de surveiller la mesure dans laquelle les nouvelles orientations et approches sont reflétées dans les programmes opérationnels. Le traitement des priorités transversales soulève des défis tout particuliers et nécessite des directives adéquates, des compétences appropriées, des mécanismes de mise en œuvre cohérents et des instruments de suivi pertinents.

2. Volume et répartition de l’aide

La performance de l’Australie n’est pas ce qu’elle pourrait être au niveau du volume de l’aide

L’économie australienne traverse depuis treize ans une phase d’expansion, mais cette évolution ne s’est pas reflétée au niveau du rapport APD/RNB. Il faut certes se féliciter de l’accroissement de l’APD australienne, qui a représenté 9 % en termes réels entre 1999 et 2003, mais celui-ci reste considérablement inférieur aux 13 % de croissance économique enregistrés au cours de cette période (et 17 % pour la croissance du PIB). Le rapport APD/RNB de l’Australie a donc diminué peu à peu pour tomber à 0.25 % en 2001, niveau auquel il est revenu en 2003 après avoir légèrement augmenté en 2002 (à 0.26 %). Le chiffre de 2003 est identique à celui obtenu pour l’ensemble du CAD (0.25 %) mais bien inférieur au niveau de l’effort moyen des membres du CAD (0.41 %). L’Australie se place au 15ème rang des 22 pays membres du CAD par le volume de son APD et au 13ème par son rapport APD/RNB.

L’Australie a souscrit à l’objectif de 0.7 % pour le rapport APD/RNB, mais n’a toujours pas fait connaître l’échéance qu’elle se donne pour l’atteindre. A la Conférence de Monterrey en 2002, elle est un des rares pays du CAD à n’avoir pas pris d’engagement précis concernant le maintien ou l’accroissement de son APD. Elle devrait repenser cette question étant donné tout ce qu’elle peut apporter en tant que donneur bilatéral, et compte tenu des besoins de ses partenaires et de son ambitieux agenda dans la région. Une augmentation régulière du volume de son APD lui permettrait de faire davantage pour remédier aux nombreux problèmes urgents de développement qui se pose dans sa région.

… mais la répartition géographique et sectorielle de son aide est appropriée…

En 2003, sur le total de l’APD bilatérale australienne, 47 % d’après les estimations sont allés à la Papouasie Nouvelle Guinée et aux îles du Pacifique, et 42 % à l’Asie. Cette concentration sur la région Asie-Pacifique est une conséquence logique de la situation géographique de l’Australie et du rôle que ce pays entend jouer, et elle contribue à une répartition rationnelle des tâches entre les donneurs. Elle a aussi conduit l’Australie à réduire le nombre de pays bénéficiant de son aide, ce qui aide l’Australie à agir efficacement là où elle intervient. L’Australie consacre 76 % de ses apports d’aide aux pays les moins avancés (PMA) et autres pays à faible revenu (PFR), part bien supérieure à la moyenne du CAD (55 %) ; le fait que cette aide soit ciblée sur le Pacifique permet en outre à l’Australie d’apporter un soutien constant à de nombreux petits pays insulaires, et donc de contribuer à la concrétisation de la cible 14 de l’OMD 8 concernant les besoins spécifiques des petits Etats insulaires en développement.

La nouvelle approche stratégique d’AusAID privilégiant un ciblage sectoriel plus pointu du programme d’aide est la bienvenue et doit être maintenue ; il s’agit en l’occurrence d’exploiter les avantages comparatifs de l’Australie tout en tenant compte des secteurs dans lesquels d’autres donneurs interviennent déjà dans chaque pays partenaire. Le recentrage sur la gouvernance, essentiel dans le contexte de la région Asie-Pacifique, coûte cher, surtout quand il nécessite le déploiement de forces de police et l’intervention en ligne de fonctionnaires australiens comme dans les cas de la mission d’assistance régionale aux Iles Salomon (RAMSI) et du programme de coopération renforcée (ECP) en Papouasie Nouvelle Guinée. Cela se reflète d’ailleurs dans l’augmentation de la part de cette composante dans l’aide (laquelle est passée de 6 % en 1997-98 à 15 % en 2002-03, et à 33 % selon les estimations en 2004-05).

… et son approche stratégique est satisfaisante pour ce qui est de la répartition des ressources entre les organisations multilatérales

Les relations de l’Australie avec les différentes organisations multilatérales sont guidées par des considérations stratégiques, en même temps que par la reconnaissance du rôle important que ces organismes peuvent jouer dans la région Asie-Pacifique. La répartition de l’aide multilatérale est opérée en fonction des performances respectives des diverses organisations au niveau des pays. Pour cela, l’Australie conduit des évaluations régulières, afin de se constituer une base de connaissances sur les activités et les accomplissements des organisations multilatérales, de mieux informer ses décisions de financement, de disposer d’éléments plus solides pour étayer le dialogue avec les instances multilatérales et, en définitive, de mieux s’acquitter de ses obligations de comptes à l’égard du parlement. Toutefois, la part de l’aide multilatérale dans l’APD australienne a régulièrement diminué au fil de la dernière décennie, revenant de 29 % en 1991-92 à 20 % en 2003, contre 27 % pour la moyenne du CAD.

Recommandations

  • Les autorités australiennes devraient maintenant accroître le pourcentage  du RNB alloué à l’aide et annoncer des objectifs à moyen et à long terme en vue de remplir leur engagement d’atteindre l’objectif international de 0,7% pour le rapport APD/RNB. Le coût des interventions induites par le regain d’attention porté à la bonne gouvernance et à l’instauration d’un développement durable dans la région proche serait un facteur important à prendre en compte.
  • L’Australie est encouragée à continuer d’améliorer la qualité du cadre étayant ses évaluations des organisations multilatérales. Un partage systématique des résultats de ces exercices permettrait aux autres donneurs de tirer, eux aussi, profit de cette caractéristique de l’approche australienne.
  • L’Australie pourrait s’interroger sur les raisons du déclin régulier de part de l’aide multilatérale dans son programme et réfléchir à l’équilibre qu’il conviendrait, sur un plan stratégique, de trouver à moyen terme entre les canaux bilatéraux et multilatéraux.

3. Cohérence des politiques au service du développement

La cohérence des politiques, un souci de premier plan pour l’Australie

La cohérence des politiques occupe une place de choix dans les priorités de l’Australie, laquelle est bien consciente que ses investissements dans le développement doivent être étayés par des politiques cohérentes propres à maximiser l’impact de son aide. Elle est facilitée par l’attachement que manifestent à cet égard les plus hautes sphères du gouvernement. Dans l’esprit de l’Australie, la cohérence des politiques au service du développement implique la prise en compte des besoins et intérêts des pays en développement dans le façonnage de l’économie mondiale. Elle passe par une coordination systématique des politiques et actions de tous les segments de l’administration en vue de favoriser la croissance économique et le recul de la pauvreté dans les pays en développement, ce qui nécessite bien davantage qu’une aide extérieure. De ce point de vue, les priorités de l’Australie sont les suivantes : i) pousser plus avant la libéralisation des échanges et faciliter l’accès aux marchés pour les exportations des pays en développement ; ii) encourager des réformes de la gouvernance économique ainsi que du cadre juridique et du système judiciaire grâce à un resserrement des relations avec ses partenaires du Pacifique ; iii) nouer des accords formels de partenariat stratégique avec les principales instances de l’administration australienne ; et iv) promouvoir la cohérence des politiques à l’échelon international.

Des mécanismes institutionnels novateurs : l’approche à l’échelle de l’ensemble de l’administration et les partenariats stratégiques

L’effort de cohérence des politiques s’inscrit dans le cadre d’une approche associant l’ensemble de l’administration, qui vise à améliorer la coordination entre les différentes instances gouvernementales grâce à un traitement plus intégré des questions qui débordent le champ de compétence d’une seule instance. Au niveau de l’exécutif, la coordination est principalement assurée par le Cabinet, et pour ce qui est des travaux impliquant l’ensemble de l’administration, elle est confiée à des commissions interministérielles qui s’appuient à cet effet sur divers mécanismes, par exemple des groupes de travail spéciaux. Si la gestion globale des relations extérieures de l’Australie relève du DFAT, la conduite des négociations internationales concernant un certain nombre de questions spécifiques peut néanmoins relever  d’autres instances. Dans ce cas, la coordination des travaux repose généralement sur les dispositifs mis en place pour assurer la participation de tous les segments de l’administration aux décisions relatives à la politique intérieure. Mettre en place une culture solide de consultation pour les activités internationales est important pour améliorer la prise de décision et la mise en œuvre du programme, étant donné les liens de plus en plus étroits qui unissent les questions internationales et les questions de politique intérieure. Les accords de partenariat stratégique conclus entre AusAID et de grandes instances gouvernementales comme le ministère des Finances sont à cet égard les bienvenus.

L’approche à l’échelle de l’ensemble de l’administration : une chance mais aussi un défi

L’approche à l’échelle de l’ensemble de l’administration offre un bon canal pour améliorer l’efficacité de l’aide car elle garantit que la cohérence des politiques se place au centre des préoccupations de toutes les instances gouvernementales et elle constitue une reconnaissance de l’importance qu’il y a à nouer des liens institutionnels avec les pays bénéficiaires. Les efforts déployés pour « intégrer » les considérations de développement dans les décisions de tous les segments de l’administration méritent d’être loués et cette nouvelle approche pourrait en fait fournir à AusAID un moyen de promouvoir la cause du développement au sein des priorités de l’ensemble de l’administration.

Un partenariat aussi étroit et étendu ne va cependant pas sans risque. Le principal est que le programme d’aide soit dominé par les priorités de l’Australie elle-même en matière de respect de la loi et de l’ordre et non par un souci plus général du développement dans le respect de l’appropriation locale. Les déclarations récentes témoignent que les autorités australiennes sont conscientes de ce risque et reconnaissent l’importance de l’appropriation locale et du renforcement des capacités locales. Comme on l’a vu dans l’introduction, en Papouasie Nouvelle Guinée et dans les Iles Salomon, l’aide de l’Australie est motivée à la fois par des considérations de développement et des considérations de politique étrangère. Les intérêts sécuritaires de l’Australie et les besoins de développement de ces pays – qui ont demandé à un soutien à l’Australie dans les domaines aussi bien de la police que de l’administration – sont étroitement liés. Un autre facteur de risque tient aux nouvelles modalités d’acheminement du programme d’aide. Une part croissante de l’APD australienne – 20 % de l’enveloppe annoncée pour 2004-05, ce qui représente 74 % des crédits supplémentaires alloués au programme d’aide pour cette année là – est en effet administrée par des ministères et des organismes publics autres qu’AusAID. S’il y a incontestablement de la place pour d’autres instances gouvernementales dans l’acheminement de l’aide, cela n’en constitue pas moins un facteur de risque dès lors que ces autres instances ne sont pas tenues d’intégrer des objectifs de développement (durabilité, renforcement des capacités, appropriation locale) dans leurs plans stratégiques et leurs systèmes de suivi et de notification des performances.

Il est approprié qu’AusAID soit investie d’un rôle de premier plan dans la formulation, à l’échelle de l’ensemble de l’administration, de la politique concernant les relations avec les principaux pays partenaires en développement. Non seulement elle dispose d’une importante base de connaissances sur le renforcement des institutions/capacités dans des contextes difficiles, mais elle est outre bien placée pour inciter à l’alignement sur les meilleures pratiques internationales. AusAID est en conséquence encouragée à intervenir plus activement, sur la base de solides travaux analytiques s’appuyant sur la connaissance approfondie des problèmes de développement et des pays en développement qui lui procure son expérience directe. Ces atouts la rendent apte à assumer un rôle de premier plan dans les débats au sein du gouvernement, et, lorsque ceux-ci portent sur des questions en rapport avec les pays en développement, le fait de lui confier le tout premier rôle contribuera à assurer que les décisions du gouvernement sont guidées avant tout par le souci du développement.

Poursuivre les efforts d’alignement sur les bonnes pratiques convenues à l’échelon international
L’Australie est très engagée en matière de libéralisation du commerce et elle a déployé des efforts louables vis-à-vis des pays en développement, avec, à partir de juillet 2003, l’accès en franchise de droits et de contingents à tous les produits en provenance des PMA – ainsi que des Iles du Pacifique et de la Papouasie Nouvelle Guinée – et, depuis 2001, l’intensification de ses activités d’assistance technique liée au commerce et à l’appui du renforcement des capacités commerciales. Le principe du déliement de la coopération technique pure en faveur des PMA a par ailleurs été adopté en janvier 2004. Dans d’autres domaines, l’Australie devrait encore améliorer la cohérence de ses politiques. L’élaboration d’une stratégie nationale à l’appui du développement et de la réduction de la pauvreté pourrait à cet égard se révéler utile afin de fournir aux différentes instances de l’administration un cadre stratégique et structurel pour guider leur action dans et avec les pays en développement.

Recommandations

  • L’Australie bénéficie d’une opportunité de pousser plus avant son « approche à l’échelle de l’ensemble de l’administration » de telle sorte que celle-ci favorise un meilleur ciblage sur la pauvreté, l’instauration d’un développement durable et l’appropriation par les pays partenaires; c’est à la fois une chance et un grand défi. AusAID est bien placée pour continuer à contribuer à cette approche, et devrait poursuivre ses efforts en faveur d’une cohérence renforcée des politiques. Elle doit continuer de renforcer ses capacités analytiques pour être en mesure de faire profiter les commissions interministérielles de ses compétences et influer ainsi sur les priorités de l’ensemble de l’administration.
  • Afin que l’approche à l’échelle de l’ensemble de l’administration contribue de façon importante à l’amélioration de l’efficacité de l’aide, le CAD encourage AusAID à continuer de s’investir activement dans le processus de décision à l’échelle de l’ensemble de l’administration, en ce qui concerne les questions de développement. Elle pourrait aussi favoriser l’intégration des OMD et du principe de réduction de la pauvreté dans le cadre global de cette approche.

4. Gestion et mise en œuvre de l’aide

Des structures de gestion renforcées

Le plan stratégique d’AusAID, paru en décembre 2001, a fourni un cadre solide pour structurer les efforts d’AusAID autour de trois grands objectifs : i) améliorer la qualité des programmes ; ii) renforcer les capacités de formulation des politiques et d’analyse ; iii) améliorer la gestion des ressources humaines et les systèmes internes. Il a permis à AusAID de réorganiser ses structures, ses politiques et ses programmes, d’où des gains d’efficacité et un meilleur positionnement stratégique.

L’évolution des modes de gestion des connaissances offre un bon exemple des changements constructifs qui ont été opérés. Un certain nombre de dispositifs et d’outils ont été mis au point à AusAID afin d’améliorer la communication et le travail en équipe, avec les bureaux extérieurs et au sein de l’agence. Le fonds de connaissances (Knowledge Warehouse – AKWa) d’AusAID fournit un cadre où rassembler les enseignements tirés de la mise en œuvre du programme d’aide, tandis que le manuel électronique pour la gestion des activités (AusGuide) et la base de données sur les programmes-pays (Country Programme Infoshare) facilitent le partage des connaissances. Des réseaux thématiques ont été créés, et un processus renforcé d’examen par les pairs, qui est appliqué au stade de la conception et à celui de l’évaluation préalable, a été mis en place en mars 2002. Ces innovations se sont traduites par une amélioration de la conception des nouveaux programmes et un réel effort de prise en compte des enseignements de l’expérience.

Le plan stratégique d’AusAID a démarré il y a trois ans, et sa mise en œuvre vise à : i) déléguer davantage la gestion des activités aux bureaux locaux ; ii) renforcer l’orientation stratégique des programmes ; iii) recourir à des modes plus souples et novateurs de programmation et de sous-traitance ; iv) rationaliser les méthodes de travail ; v) inscrire dans une optique plus stratégique les relations avec les autres instances de l’administration, les institutions multilatérales et les ONG. Des avancées importantes ont été obtenues, et la poursuite de la mise en œuvre du plan devrait permettre de renforcer le processus de décentralisation et celui de transformation d’AusAID en un organisme davantage axé sur l’orientation de l’action. Il devrait également conduire à renforcer la position d’AusAID dans le processus de décision à l’échelle de l’ensemble de l’administration.

Aligner les pratiques de gestion, du personnel en particulier, sur le nouveau paradigme de l’aide

AusAID a commencé à décentraliser la gestion du programme d’aide vers ses bureaux dans les pays partenaires. Ce processus est facilité par la compétence et l’engagement du personnel, expatrié aussi bien que d’origine locale, de ces bureaux et se révèle fructueux. Le processus est en cours d’approfondissement dans un certain nombre de pays ainsi qu’en voie d’élargissement sur la base d’une analyse au cas par cas de la situation de chaque pays. Cela nécessite un renforcement des capacités des bureaux extérieurs, à travers notamment les éléments suivants : i) augmenter la proportion d’agents d’AusAID basés dans les pays partenaires ; ii) déléguer davantage de responsabilités au personnel de terrain et de préciser les fonctions respectives des services de Canberra et des bureaux locaux, de même que leurs rôles respectifs au niveau de la prise des décisions ; iii) améliorer la stabilité et la permanence des effectifs nationaux ; iv) fournir un soutien additionnel au personnel de terrain à travers un renforcement des capacités de conseil technique ; et v) poursuivre les efforts d’amélioration de la communication entre le terrain et les services centraux. AusAID a testé différents modèles institutionnels pour accroître les moyens mis à la disposition des bureaux locaux, et il conviendrait de procéder à une évaluation soigneuse de ces expérimentations au vu de la nécessité où elle se trouve de se doter de solides capacités d’orientation de l’action et d’analyse.

AusAID a par ailleurs apporté des améliorations, qui étaient souhaitables, à ses dispositifs d’évaluation, avec un recentrage sur les résultats des programmes et la progressive mise en place de modalités de gestion axées sur les résultats. Afin de garantir l’indépendance de la fonction d’évaluation, elle devrait envisager que le Bureau d’analyse et d’évaluation (ORE) rende directement compte au Cabinet du Directeur général – au lieu que ses rapports remontent par le groupe des Politiques et programmes globaux.

Dans la mise en œuvre de sa stratégie de gestion des ressources humaines pour la période 2002 à 2006, AusAID a cherché à renforcer son accès aux compétences dont elle a besoin en matière de formulation des politiques et sur le plan technique, en nouant des partenariats à long terme avec des instituts de recherche et en recourant à des consultants extérieurs de haut niveau. Elle devrait continuer à investir dans ses propres capacités internes et devrait aussi rechercher des moyens propres à assurer une utilisation efficiente et efficace des compétences spécialisées qui existent déjà au sein du programme. Le taux relativement élevé de rotation du personnel, ajouté à la grande mobilité interne de ce dernier, constitue un réel obstacle à l’établissement de relations constructives avec les principaux partenaires, ce qui risque d’avoir des retombées néfastes sur la qualité de la mise en œuvre de l’aide. AusAID s’emploie actuellement à remédier à ce problème, et elle pourrait en parallèle envisager la possibilité d’allonger la durée des affectations à l’étranger. Celle-ci est actuellement de deux ans, qui peuvent être portés à trois (à la demande des intéressés), ce qui permet certes la circulation en permanence de connaissances concernant les politiques, les pays et les programmes entre le terrain et les services centraux, mais qui risque aussi d’entamer l’aptitude des bureaux locaux à faire face aux responsabilités élargies dont les investit la décentralisation. Un accroissement de la durée des affectations, associé à une plus grande délégation de pouvoirs au profit du terrain, pourrait avoir un effet positif sur le taux de rotation du personnel car les responsables d’AusAID ont constaté que la possibilité d’acquérir une expérience du terrain est un des facteurs qui contribuent à attirer de nouvelles recrues et à inciter le personnel à rester.

Une démarche en pleine évolution à l’égard de l’acheminement de l’aide, de l’harmonisation et de l’alignement

A l’échelon local, l’Australie applique activement les principes du partenariat, alignant ses stratégies-pays sur les priorités des gouvernements partenaires, œuvrant au renforcement des capacités analytiques de ces derniers et participant aux dispositifs de coordination de l’aide. Elle a aussi resserré sa collaboration avec les autres donneurs, avec notamment la mise en place de stratégies-pays conjointes, de fonds communs et d’accords de coopération déléguée. L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont entrepris de coordonner étroitement leurs programmes d’aide dans le Pacifique Sud, comme en témoigne l’élaboration d’un programme d’aide conjoint pour les Iles Cook. Ce genre de partenariat est un exemple de bonne pratique qu’il convient de suivre attentivement afin de recenser les modalités les plus efficaces de cofinancement ou de coopération déléguée de telle sorte que celles-ci puissent être étendues à l’ensemble de la région Asie-Pacifique. L’Australie participe par ailleurs activement, dans le cadre du Forum du Pacifique Sud et d’autres instances régionales, à l’élaboration de stratégies pour la région du Pacifique dans divers domaines clés, et depuis 1999 elle a entrepris d’expérimenter de nouveaux instruments et de nouvelles modalités d’aide (approche sectorielle, notamment), en laissant de côté les projets au profit d’une approche davantage fondée sur des programmes dans certains de ses principaux pays partenaires, tendance qu’il convient de généraliser dès lors que les conditions locales le permettent.

Certains principes restent toutefois difficiles à appliquer, en raison surtout de l’absence d’une véritable prise en main des opérations par les autorités locales et de la difficulté de concilier un alignement plus poussé avec les impératifs de reddition de comptes dans certains pays partenaires. Ces derniers manquent souvent de capacités et présentent des institutions défaillantes, de sorte qu’il n’y existe pas de cadre crédible pour l’alignement. L’insuffisance des capacités et la faiblesse des institutions sont aussi une porte ouverte à la corruption. Tel est le genre de problèmes délicats auxquels l’Australie cherche à remédier par son action à l’appui de la gouvernance. Elle devrait continuer à tirer profit des relations étroites qui l’unissent à certains de ses pays partenaires pour aborder ces questions dans le dialogue avec ces derniers. Cela nécessite une approche équilibrée et une bonne coordination entre les donneurs. La démarche régionale préconisée par l’Australie dans la région Pacifique semble bien adaptée à cet égard.

Même dans des pays en difficulté, les modalités d’acheminement de l’aide doivent contribuer au premier chef à renforcer les capacités locales et, dans la mesure du possible, à favoriser l’appropriation locale. Dans cette optique, il conviendrait de s’assurer que les méthodes de travail d’AusAID, qui, jusqu’à présent, se fondent principalement sur l’apport d’une assistance extérieure – la coopération technique a absorbé 46 % de l’APD australienne totale en 2003 – et le recours à des maîtres d’œuvre australiens, concourent effectivement à l’atteinte de ces objectifs. Il paraît également nécessaire de renforcer la capacité des bureaux locaux dans le domaine de la gestion de la mise en œuvre du programme, afin d’assurer un reflet plus fidèle des orientations stratégiques d’AusAID dans les programmes et projets ainsi qu’un meilleur respect des principes de durabilité et d’appropriation. La place plus importante désormais faite par AusAID aux approches sectorielles et l’approche à l’échelle de l’ensemble de l’administration ont conduit à un réexamen du rôle des maîtres d’œuvre australiens. L’évaluation de l’assistance technique extérieure entreprise en PNG devrait fournir des informations utiles en ce qui concerne le recours efficace à cette modalité dans le cadre des approches programmes.

AusAID est consciente des risques que ses interventions plus directes opérées ces derniers temps dans certains pays en difficulté comme les Iles Salomon ou la Papouasie Nouvelle Guinée – avec notamment le placement de fonctionnaires australiens à des postes clés au sein de l’administration des pays partenaires – peuvent faire peser sur les objectifs de renforcement des capacités et d’appropriation locale. Le nombre, la fonction, la composition et les compétences des fonctionnaires australiens ainsi détachés devraient continuer à être soigneusement examinés afin d’éviter tout effet de substitution. A cet effet, le mandat des expatriés placés à des postes clés et de ceux faisant office de conseillers devrait continuer à intégrer l’obligation de former leurs successeurs, de ne mettre en place que des dispositifs qu’ils seront capables de gérer, et de mettre au point des critères de performance simples. L’Australie doit en outre s’appliquer dès maintenant à concevoir, pour le moyen ou long terme, des stratégies de retrait de nature à assurer la durabilité des résultats de ses initiatives récentes en faveur des Iles Salomon et de la Papouasie Nouvelle Guinée.

Les ONG jouent un rôle complémentaire important dans l’acheminement du programme australien de coopération pour le développement. Environ 15 % du total des fonds gérés par ces organisations émanent de l’Etat. Les pouvoirs publics ont entrepris de mettre en place une procédure d’accréditation et de conclure avec les ONG des accords de coopération afin d’inscrire les relations avec ces dernières dans une démarche plus stratégique, davantage axée sur le long terme.

Recommandations

  • AusAID devrait approfondir et élargir son processus de décentralisation lorsque la situation le permet, en précisant les rôles respectifs des services de Canberra et des bureaux locaux et en délégant davantage de pouvoirs à ces derniers. Cela nécessitera des ajustements appropriés de la politique de gestion des ressources humaines, une communication forte et l’apport d’un soutien adéquat aux représentations sur le terrain.
  • AusAID devrait examiner les moyens de s’assurer que les compétences techniques qui existent au sein du programme sont utilisées efficacement et que la capacité interne de l’organisation est ajustée aux besoins du programme.
  • Afin de garantir l’indépendance de la fonction d’évaluation, AusAID devrait envisager que le Bureau d’analyse et d’évaluation (ORE) rende directement compte au Cabinet du Directeur général.
  • Le rôle de l’assistance technique extérieure, compte tenu de son ampleur relative, et le recours important à des maîtres d’œuvre australiens devraient être soigneusement analysés et leur impact évalué au regard des principes de partenariat et d’appropriation locale. Il conviendrait de s’appuyer sur les enseignements de l’expérience pour revoir les systèmes de sous-traitance et de gestion financière afin d’en assurer la compatibilité avec les approches davantage fondées sur des programmes désormais utilisées ainsi qu’avec les objectifs de renforcement des capacités et d’appropriation.
  • La volonté manifestée par l’Australie de rester présente dans des situations de conflit et des environnements fragiles est bienvenue, et son approche sert l’ensemble de la communauté du développement. La démarche novatrice, plus interventionniste, adoptée dans ces pays ouvre des possibilités intéressantes mais comporte aussi des risques. L’assurance donnée par l’Australie que son action s’inscrit dans le long terme est positive et renforce l’importance de la durabilité et du renforcement des capacités des pays partenaires, grâce notamment au transfert progressif des responsabilités aux fonctionnaires nationaux et à la consolidation des mécanismes locaux de reddition de comptes.

5. Action humanitaire

Une nouvelle approche de l’aide humanitaire…

Les crédits alloués par l’Australie à l’aide humanitaire ont doublé au cours des trois dernières années. Les versements au titre de l’aide d’urgence sont passés de 25 millions USD en 1993 à 113 millions USD en 2003. La part de l’aide d’urgence dans les versements bruts d’APD a, elle aussi, augmenté, de 3 % en 1993 à 11 % en 2003. Cette évolution atteste incontestablement de l’importance grandissante accordée à l’action humanitaire dans la politique étrangère de l’Australie, ce qui a conduit à une remise à plat de sa stratégie dans ce domaine afin d’en améliorer la cohérence.

En 2004, l’Australie a adopté une nouvelle politique en matière d’action humanitaire. Celle-ci s’inspire des Principes et bonnes pratiques pour l’aide humanitaire qu’elle a entérinés en 2003 et fait de ces derniers le critère qui servira de référence pour l’évaluation de la cohérence, de l’impact et de la transparence de l’action humanitaire de l’Australie. Cette nouvelle politique témoigne en outre de l’abandon d’une démarche purement réactive au profit d’une reconnaissance grandissante que « l’impératif humanitaire a sa place dans le développement » et montre comment l’aide au développement se raccorde à l’action à l’appui du règlement des conflits. Les critères de répartition des ressources entre les canaux multilatéraux et bilatéraux ne sont pas expressément précisés mais il est indiqué que l’Australie entend accroître son soutien aux organismes humanitaires multilatéraux.

L’action humanitaire est pour l’essentiel gérée par AusAID. Il faut reconnaître et renforcer le rôle dévolu à cette dernière en matière de coordination et de communication dans ce domaine. La nouvelle politique fera peser des exigences accrues sur les systèmes de gestion et de suivi, lesquels devront être ajustés pour qu’elle puisse être appliquée dans tous ses aspects. L’Australie pourrait aussi affiner ses procédures de façon à assurer un degré satisfaisant d’association des bénéficiaires à la conception, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation des réponses aux urgences humanitaires complexes.

… la prise de responsabilité au niveau régional …

Comme l’ensemble de son programme d’aide, du fait de sa situation géographique particulière, l’action humanitaire de l’Australie est avant tout centrée sur la région Asie-Pacifique. Ce choix est important car il met en ligne de mire des situations d’urgence qui n’auraient autrement guère de chances d’attirer l’attention des sphères internationales. Les intérêts de l’Australie en matière de sécurité et le ciblage régional de son programme pourraient aller à l’encontre du principe selon lequel les interventions humanitaires doivent être dictées par les besoins, ainsi que des principes de neutralité et d’impartialité. Compte tenu de ce risque, un soin particulier doit être apporté à la définition et à la conception des réponses aux situations d’urgence.

La perspective à long terme dans laquelle l’Australie inscrit son action face aux urgences complexes dans la région se traduit par une approche constructive de la relation entre assistance humanitaire et coopération pour le développement, qui permet la prise en compte des problèmes de transition dans les stratégies de coopération pour le développement par pays et à l’échelle de la région. Celle-ci se reflète aussi dans la politique de l’Australie concernant la paix, les conflits et le développement.

L’Australie admet en outre qu’apprendre à prévenir les catastrophes naturelles et à s’y préparer est une mission essentielle de l’action humanitaire, et AusAID fait beaucoup pour le renforcement des capacités propres à atténuer la vulnérabilité aux catastrophes naturelles dans la région Pacifique. L’Australie a joué un rôle majeur dans la mise en place, en collaboration avec les principaux donneurs intervenant dans le Pacifique, de mécanismes régionaux de déclenchement en temps réel de secours d’urgence.

… et des possibilités de faire davantage et de s’attaquer aux défis de demain.

Dans le cadre de sa nouvelle politique d’action humanitaire, l’Australie s’est engagée à fonder ses réponses aux situations d’urgence sur les besoins. Etant donné la vigueur de la croissance qu’a connue l’économie australienne ces derniers temps et compte tenu des expériences positives de son programme humanitaire, l’Australie devrait être en mesure d’améliorer sa performance en matière d’aide humanitaire et d’accroître les ressources affectées à la satisfaction des besoins humanitaires d’autres régions.

Dans la nouvelle politique, il est stipulé que l’Australie « améliorera l’efficacité, l’efficience et la coordination des efforts déployés par les acteurs militaires et humanitaires ». Dans cette optique, il est fondamental que l’Australie établisse clairement la primauté des organisations civiles dans la mise en œuvre de l’action humanitaire, en particulier dans les situations de conflit armé et au cours des interventions de maintien de la paix et/ou militaires.

Une des conclusions générales qu’on peut tirer de l’examen de l’aide de l’Australie est que le manque de données pertinentes rend difficile un suivi de la performance en matière d’aide humanitaire et que l’imprécision actuelle des définitions et des notifications constitue un sérieux obstacle à l’harmonisation des pratiques des donneurs et à l’amélioration de l’efficacité de l’action collective des membres du CAD.

Recommandations

  • Le CAD reconnaît et apprécie le fait que l’Australie soit parvenue à mettre au point une stratégie pour son action humanitaire. L’expérience accumulée par l’Australie dans le cadre de ses interventions régionales pourrait apporter des éléments utiles pour le recensement, à l’intention de l’ensemble de la communauté internationale, de pratiques optimales, notamment pour ce qui est de la prévention des catastrophes naturelles, de la préparation à ces dernières et de la transition entre l’aide d’urgence et la coopération pour le développement.
  • Lorsqu’elle accroîtra le volume de son aide, l’Australie devrait envisager d’augmenter aussi les subsides destinés à l’action humanitaire.
  • L’Australie devrait établir officiellement la primauté des organisations civiles dans l’acheminement de l’aide humanitaire et veiller à ce qu’il soit donné suite, au niveau de la mise en œuvre, aux principes de neutralité et d’impartialité mis en avant dans sa stratégie d’action humanitaire. Dans le même ordre d’idée, l’Australie pourrait aussi renforcer ses procédures afin de garantir le respect des Directives de 1994 sur l’utilisation des ressources militaires et de la protection civile dans le cadre des opérations de secours en cas de catastrophe et des Directives de 2003 sur l’utilisation des ressources militaires et de la protection civile à l’appui des activités humanitaires des Nations unies.


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