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Examens par les pairs des membres du CAD

L'Allemagne (2005). Examen du CAD par les pairs : Principales conclusions et recommandations

 

Examen des politiques et programmes de l'Allemagne en matière de coopération pour le développement

Voir également l'aide de l'Allemagne - aperçu synthétique                                           

Cadre général et orientations actuelles

Depuis le dernier examen du CAD en 2001, le processus de remise à plat de l’approche allemande de la coopération pour le développement s’est étendu, ce qui a permis d’adapter cette dernière à l’évolution du contexte international pour ce qui est des politiques et des pratiques en matière de développement en même temps que d’y tenir compte des recommandations formulées par le CAD. Comme la plupart des autres donneurs, l’Allemagne s’est engagée à accroître ses apports d’aide publique au développement (APD) à l’appui de la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et à améliorer la qualité de son aide selon les axes énoncés dans la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement adoptée en 2005. Relever les défis qui se posent actuellement dans le domaine du développement nécessitera que des ajustements supplémentaires soient apportés aux modalités d’acheminement de l’aide, ce à quoi les autorités allemandes sont tout à fait prêtes.

La questions fondamentale de la mise en œuvre du programme d’action à l’appui de la réduction de la pauvreté

Le Programme d’action à l’horizon 2015 pour la réduction de la pauvreté (PA2015), que le conseil des ministres venait d’adopter au moment du précédent examen du CAD, définit en matière de développement un projet ambitieux s’inscrivant dans une perspective globale. L’Allemagne est une des premières, parmi les membres du CAD, à s’être dotée d’une telle stratégie intégrée à l’échelle de l’ensemble de l’administration qui, caractéristique tout à fait novatrice, fasse de la lutte contre la pauvreté une mission primordiale de la coopération pour le développement et une considération importante à prendre en compte dans toutes les politiques nationales. Faire reculer la pauvreté n’est pas le seul objectif de la politique allemande de développement, laquelle se veut aussi de promouvoir la paix et une mondialisation équitable et est guidée par le souci d’un développement durable. La philosophie sous tendant le PA2015, lequel repose sur une conception large de la lutte contre la pauvreté, est que la croissance économique et une bonne gestion des affaires publiques sont indispensables, à côté d’un développement social, pour progresser vers les OMD. Cette multiplication des ambitions et des thèmes d’intervention, il est vrai complémentaires à certains égards du PA2015, risque de semer la confusion quant aux objectifs prioritaires de l’Allemagne. Ce qu’implique, dans les faits, la mise en œuvre d’une approche aussi globale n’a été réellement appréhendé qu’en 2004, lorsqu’a été mis au point un plan d’exécution assorti d’échéances précises et d’un dispositif interne de suivi.

Dans son souci de tenir ses engagements internationaux, notamment au regard des OMD, le gouvernement allemand a déployé un effort considérable d’adaptation de ses politiques et de ses approches. Il doit persévérer dans cette voie en s’appliquant à mettre effectivement et efficacement en œuvre ces nouveaux principes d’action et, par ce biais, à affiner encore le ciblage sur la lutte contre la pauvreté. L’Allemagne mérite d’être saluée pour les initiatives qu’elle prend en faveur d’un certain nombre de domaines qui tendent à attirer moins de financements de la part des autres donneurs, notamment la gouvernance et l’environnement. Ce qu’il lui faut maintenant c’est apporter la preuve qu’elle a trouvé le bon équilibre entre les approches directes et indirectes de la lutte contre la pauvreté et que sa démarche globale est fructueuse. L’action de l’Allemagne à l’appui de la réduction de la pauvreté et des OMD est désormais intrinsèquement liée à sa ligne de conduite dans les domaines de l’harmonisation et de l’alignement, laquelle fournit une base prometteuse pour l’amélioration de l’efficacité de la stratégie de lutte contre la pauvreté.

La rationalisation du cadre institutionnel

Le système allemand de coopération pour le développement fait intervenir plusieurs organismes. Le ministère fédéral de la coopération économique et du développement (BMZ), qui y assume un rôle central, a été réorganisé en 2003 afin de permettre une meilleure intégration des missions bilatérales, multilatérales et sectorielles. Il s’appuie sur deux organismes d’exécution : l’Agence de coopération technique (GTZ) et la Banque de développement (KfW). L’éventail des institutions par lesquelles transitent des financements d’APD ne se limite pas à ce noyau et englobe plus de 30 autres instances, parmi lesquelles d’autres ministères fédéraux, des organismes publics et des organisations extérieures à l’administration (fondations politiques, organismes reliés à des églises et organisation non gouvernementales) ainsi que les Etats fédéraux et les municipalités.

Du point de vue des pays partenaires, en cette ère où, en matière de coopération pour le développement, on privilégie le partenariat et l’appropriation locale, le modèle allemand peut paraître obsolète. La séparation institutionnelle qui en résulte entre la coopération financière et la coopération technique et entre les composantes de la coopération technique elle-même a des répercussions majeures sur l’ensemble du processus de coopération pour le développement. Tout d’abord, compte tenu du nombre d’organisations, d’instruments et d’approches sur lesquels repose le dispositif allemand, la conception des stratégies et des programmes risque fort d’être dictée avant tout par des considérations liées à la structure du système du pays donneur. Ensuite, la coordination interne que cela suppose absorbe un temps et une énergie considérables au détriment de missions stratégiques autrement plus importantes. Enfin, les partenaires en développement doivent traiter avec de multiples interlocuteurs, avec chacun leurs procédures, ce qui pèse inutilement sur leurs capacités souvent déjà limitées.

Ces dernières années, le BMZ a pris un certain nombre de mesures d’ordre pratique, qui contribuent à une meilleure intégration des divers instruments de la coopération allemande pour le développement, en vue d’améliorer le fonctionnement du système. Il ressort de l’examen par les pairs qu’au sein de la structure existante, la possibilité de réaliser de nouveaux gains d’efficience est limitée. Des changements structurels devront être effectués pour permettre à l’Allemagne d’affronter efficacement les défis qui se posent actuellement dans le domaine du développement. La modernisation du dispositif allemand, depuis toujours cloisonné, n’est pas un sujet nouveau et a fait couler beaucoup d’encre au fil des années aussi bien dans les sphères allemandes de la coopération pour le développement qu’en dehors de ces dernières. L’arrivée d’un nouveau gouvernement pourrait être l’occasion d’entreprendre une refonte en profondeur de l’ensemble de la structure du système et une remise à plat des complexes questions politiques, financières, administratives et culturelles qui y sont associées.

Recommandations

  • Afin de préserver le ciblage sur la pauvreté de l’ensemble de son action à l’appui du développement, l’Allemagne est encouragée à poursuivre l’ajustement de ses politiques et approches. S’impose en particulier l’intégration dans les programmes bilatéraux par pays d’un cadre cohérent d’évaluation systématique de l’impact sur la pauvreté de la démarche globale appliquée par l’Allemagne pour s’attaquer à la pauvreté.
  • Les autorités allemandes sont incitées à pousser plus avant leurs efforts de réforme en vue d’associer les différentes structures intervenant dans la coopération pour le développement au sein d’une force plus cohésive au service du développement. Cela pourrait impliquer l’abolition de la distinction, de plus en plus artificielle, entre la coopération financière et la coopération technique.
  • L’exécution des engagements internationaux nécessitera un large soutien de la part des pouvoirs publics et de la société civile, et devra notamment s’appuyer sur les fondations politiques, les organismes reliés à des églises et les ONG. L’Allemagne est encouragée à repenser ses efforts de communication de façon à de mieux faire comprendre au public les questions de développement et les résultats des activités menées dans ce domaine en général, en particulier les motifs justifiant l’adoption de modalités d’acheminement de l’aide plus à même d’assurer l’efficacité de celle-ci.

Volume et répartition de l’aide

Mobiliser le soutien politique requis pour tenir les engagements souscrits concernant l’accroissement de l’APD

Le nouveau gouvernement a réaffirmé, dans son contrat de coalition, l’engagement de longue date de l’Allemagne de porter son rapport APD/RNB au niveau de 0.7 % que les Nations unies ont fixé comme objectif, conformément à l’accord conclu dans le cadre de l’Union européenne (UE) en mai 2005, en vertu duquel ce rapport est censé atteindre 0.51 % en 2010 et 0.7 % en 2015. Cette confirmation est la bienvenue compte tenu de la situation globalement tendue des finances publiques allemandes et de la nécessité d’équilibrer le budget fédéral dans un contexte de difficiles réformes économiques et sociales. Même si tous les partis sont favorables à la coopération pour le développement et à son ciblage sur la lutte contre la pauvreté, il sera important pour le BMZ de parvenir à mobiliser le soutien politique indispensable à l’accroissement du budget de la coopération allemande pour le développement. Cela pourrait nécessiter d’intensifier la publicité autour des activités de coopération pour le développement et des résultats qu’elles produisent dans le contexte actuel de mondialisation et de renforcement de l’interdépendance entre les nations.

Le respect des engagements qu’elle a souscrits à l’échelon international appelle, de la part de l’Allemagne, un effort budgétaire considérable. Pour que l’objectif de 0.51 % soit atteint en 2010, il faudrait que le volume net de l’APD soit porté à 15.5 milliards USD, c’est-à-dire soit multiplié par deux par rapport à ses 7.5 milliards USD de 2004. Après avoir fléchi pendant une dizaine d’années, l’APD allemande s’est quelque peu accrue, en termes réels, depuis 2000, ce qui a fait remonter le rapport APD/RNB de 0.27 % à 0.28 %. Etant donné les contraintes qui pèsent sur ses finances publiques, l’Allemagne compte, pour remplir ses engagements à plus long terme, certes dégager des ressources budgétaires additionnelles mais aussi recourir à des allégements de dette et à des ressources mobilisées par le biais de mécanismes de financement nouveaux et novateurs. Or, les allégements de dette, qui ont représenté 9 % de l’APD brute en 2004, contre 18 % en 2002 et 2003, iront vraisemblablement diminuant d’ici 2008. Par ailleurs, les possibilités de mobilisation de ressources d’APD par le biais de dispositifs novateurs demeurent encore incertaines.

La concrétisation de l’objectif de 0.51 % soulève un double défi : dégager les ressources nécessaires, d’une part, et parvenir à utiliser ces dernières de manière efficace, d’autre part. Le nouveau gouvernement doit encore définir et adopter un plan directeur pour l’accroissement de l’APD. L’existence d’un tel plan permettrait une meilleure vue d’ensemble des perspectives d’évolution future de l’APD et la vision à long terme nécessaire pour programmer efficacement un surplus aussi important de dépenses et en faire le meilleur usage. Ce plan devrait clairement indiquer quelle fraction du surcroît d’APD proviendra, respectivement, du budget et de sources novatrices de financement. Comme une expansion rapide du budget de l’APD suscite des interrogations quant à l’adéquation globale des capacités organisationnelles et accentuera la pression à l’adaptation des modalités d’acheminement, le plan doit aussi préciser comment l’APD sera dépensée et sur quels critères se fondera sa répartition (entre pays, secteurs, instruments et modalités, y compris pour ce qui est du choix entre les canaux bilatéraux et multilatéraux). Enfin, un tel plan serait également utile eu égard à l’intensification attendue de l’effort mondial d’APD, laquelle requiert une amélioration de l’échange d’informations entre donneurs afin d’assurer la prévisibilité des apports extérieurs pour les pays en développement et la complémentarité des actions menées par les différents donneurs.

Un mouvement tendant à privilégier les pays les plus pauvres, mais dans le cadre duquel une plus grande sélectivité stratégique s’impose

L’Allemagne n’a jamais affiché de préférence pour des groupes particuliers de pays. Elle admet que les pays les plus pauvres doivent bénéficier de l’entier soutien des donneurs mais estime également que la coopération avec des pays économiquement plus avancés est primordiale pour assurer la réalisation des OMD étant donné que la Chine et l’Inde abritent, à elles seules, 50 % de la population mondiale de pauvres. Dans sa démarche à l’égard des pays économiquement plus avancés (dits « Ankerländer »), dont la plupart ont accès aux marchés internationaux de capitaux pour financer leur développement, l’Allemagne entend nouer des partenariats stratégiques avec ces pays, notamment en faisant une plus large place aux financements du marché qu’aux ressources budgétaires. Autrefois, l’aide de l’Allemagne était concentrée sur les pays à revenu intermédiaire, auxquels allaient plus 50 % des apports bilatéraux jusqu’au début des années 2000. Les pays les moins avancés et autres pays à faible revenu reçoivent désormais plus de 50 % de l’APD bilatérale (en partie du fait de la place grandissante des allégements de dette).

Afin d’affiner le ciblage stratégique de la coopération bilatérale, le BMZ prône une concentration de l’action sur quelque 80 pays, et sur un nombre limité de secteurs dans chacun d’eux. Une distinction est établie entre les « pays partenaires prioritaires », où les efforts peuvent porter sur jusqu’à trois domaines prioritaires, et les « pays partenaires », où la coopération est circonscrite à un seul domaine prioritaire. La question du nombre optimal de pays de coopération reste posée au vu de l’attachement affiché par l’Allemagne à une amélioration de l’efficacité de l’aide et de l’efficience de ses modes d’acheminement grâce à une meilleure répartition des tâches entre les donneurs. Le BMZ étudie actuellement un ensemble de critères dont l’application pourrait permettre de mieux tenir compte des enjeux nouveaux liés à l’efficacité de l’aide. Lorsqu’il examinera la liste de ses pays de coopération, le BMZ serait également bien inspiré de s’interroger sur la composition de cette dernière et le dosage des instruments les plus propres à contribuer efficacement à faire reculer la pauvreté et à assurer la réalisation des OMD ainsi que sur les moyens à mettre en œuvre à cet effet au niveau de l’acheminement de l’aide.

Vers une coopération multilatérale plus efficace

L’aide multilatérale représente habituellement le tiers environ de l’APD brute totale de l’Allemagne, mais en 2004 elle en a absorbé une part plus élevée (42 %) du fait d’une volumineuse contribution à la Banque mondiale. Dans un monde de plus en plus interdépendant, l’Allemagne attache une importance grandissante à la coopération multilatérale. Par souci d’efficacité, le BMZ entend opérer un suivi des progrès accomplis par les organismes multilatéraux dans la mise en œuvre du programme d’action à l’appui du développement convenu à l’échelon international, notamment pour ce qui est de la lutte contre la pauvreté et des avancées obtenues vers les OMD sur le terrain. La réorganisation interne du BMZ intervenue en 2003, qui a donné lieu à un regroupement des missions multilatérales, bilatérales et sectorielles, a rehaussé la cohérence entre les politiques bilatérales et multilatérales.

L’attention plus grande désormais portée à l’évaluation des performances n’a pas encore été mise à profit pour guider le niveau des contributions financières destinées aux différents organismes multilatéraux. L’Allemagne a de tous temps fourni des concours à la Communauté européenne (CE) et aux institutions financières internationales mais reconnaît que les organismes des Nations unies méritent un soutien plus important compte tenu du rôle qu’ils sont appelés à jouer dans le règlement des problèmes d’envergure mondiale. Cet intérêt accru pour le multilatéralisme ne s’est pas encore accompagné d’un renforcement à sa mesure de la réflexion stratégique et du suivi des performances. Il appelle donc, dans l’immédiat, la formulation d’une stratégie claire en matière de coopération multilatérale et d’une approche méthodique, associant les organismes d’exécution allemands, qui garantisse une surveillance plus systématique de la performance des institutions multilatérales.

Recommandations

  • L’Allemagne doit se pencher d’urgence sur la question de la mise en œuvre de ses engagements en matière d’APD. Il est donc nécessaire que le nouveau gouvernement arrête un plan directeur pour l’accroissement de l’APD qui aborde à la fois l’aspect financement et l’aspect utilisation de cet accroissement.
  • L’Allemagne doit poursuivre ses efforts pour adopter une démarche plus stratégique à l’égard du ciblage géographique et thématique de ses activités à l’appui du développement, de telle sorte que celui-ci reflète mieux son objectif suprême de lutte contre la pauvreté. Une réflexion plus approfondie doit être menée au sujet de l’équilibre entre pays à revenu intermédiaire et pays à faible revenu, et du choix de l’éventail de pays et d’instruments approprié pour permettre à l’Allemagne de contribuer efficacement à la lutte contre la pauvreté et à la réalisation des OMD.
  • La plus grande attention portée à la performance des organismes multilatéraux pourrait trouver une meilleure expression dans une politique de répartition des financements. Cela pourrait nécessiter la mise en place d’un cadre plus adéquat pour la coopération multilatérale, qui englobe les fonds mondiaux et s’appuie sur une démarche méthodologique comportant une évaluation de l’efficacité des institutions multilatérales, de préférence en collaboration avec les autres donneurs.

Cohérence des politiques au service du développement

Un intérêt grandissant de la part des sphères politiques

L’importance accordée en Allemagne à la cohérence des politiques trouve son origine dans la Constitution, dont le respect des obligations en la matière est activement suivi et coordonné par la Chancellerie. Le fait que les questions de développement relèvent d’un ministère distinct représenté au conseil des ministres permet une intervention active aux plus hauts niveaux de l’administration, ainsi qu’en témoignent un certain nombre de déclarations sur la cohérence des politiques parues depuis cinq ans sur divers sujets (notamment les exportations d’armes, la prévention des crises, le règlement des conflits et la construction de la paix, les garanties à l’exportation et la durabilité). Il incombe aussi au BMZ d’étudier les retombées pour le développement de tous les projets de loi du gouvernement. En 2001, les autorités allemandes ont formellement réaffirmé, avec l’adoption du PA2015, leur volonté de suivre une approche du développement cohérente à l’échelle de l’ensemble de l’administration. Le PA2015 n’a toutefois trouvé son ancrage organisationnel qu’en 2004, date à laquelle le BMZ a fait paraître un « manifeste pour la cohérence » dans lequel sont énoncés 14 objectifs prioritaires, avec les responsabilités précises qui en découlent au niveau des divisions et un horizon temporel. Sous l’effet en partie des encouragements supplémentaires émanant de l’UE et d’organismes internationaux comme le CAD, la cohérence des politiques au service du développement devient une priorité parmi les plus élevées du BMZ et occupe désormais une place de choix dans les directives de sa hiérarchie pour 2005.

L’attention grandissante portée à la cohérence des politiques au service du développement a fourni aux autorités allemandes une base organisationnelle plus solide pour appuyer sur des critères plus systématiques et plus spécifiques leurs décisions d’action en Allemagne et au sein de l’UE, à l’échelon international et dans les pays en développement eux-mêmes. Faire de ce projet une réalité nécessitera cependant des orientations stratégiques plus précises et des ressources additionnelles.

Mieux mettre en pratique la cohérence des politiques : méthode, capacités et suivi

Le manifeste pour la cohérence du BMZ adopté en 2004 fournit un premier cadre pour préciser la voie à suivre mais les objectifs qui y sont actuellement définis renvoient à des niveaux différents (activités, résultats ou changements organisationnels) et ne permettent guère d’établir des priorités entre les actions à mener, et des éclaircissements s’imposent sur la manière dont ils se raccordent entre eux. Il devrait maintenant être possible de dépasser les considérations de procédé pour s’attaquer à des problèmes urgents plus spécifiques de cohérence des politiques. Cela requiert de vastes consultations et la participation de partenaires clés, notamment le parlement, la Chancellerie, d’autres ministères et des éléments influents, soigneusement choisis, de la société civile.

Le BMZ dispose actuellement de peu de moyens pour recenser et analyser les problèmes de cohérence des politiques et défendre cette cause. Peu de ses spécialistes expérimentés des questions de développement jouent pour le moment un rôle actif dans le domaine de la cohérence des politiques. Le BMZ serait bien inspiré de rechercher en dehors de ses propres structures les compétences et ressources complémentaires nécessaires pour concrétiser son projet, par exemple en s’associant aux initiatives d’autres donneurs bilatéraux ou de la CE, laquelle s’emploie actuellement à constituer un réseau informel sur le sujet. Des efforts dans ce sens contribueraient, tout à la fois, à renforcer les capacités d’analyse et à améliorer l’aptitude à mobiliser, dans le public et dans les sphères politiques, des défenseurs de la cohérence des politiques.

Les références aux mesures prises pour assurer la cohérence des politiques se limitent jusqu’à présent aux quelques informations fournies sur les sujets abordés dans les rapports biannuels sur la mise en œuvre du PA2015. Maintenant que le BMZ s’est doté d’un programme d’action plus spécifique au plan opérationnel dans le domaine de la cohérence, des dispositions pourraient utilement être prises aussi pour assurer un suivi des efforts déployés par l’Allemagne pour promouvoir une plus grande cohérence, que ce soit au niveau national ou sur le terrain, et en rendre compte.

Recommandations

  • Le BMZ devrait élaborer des orientations plus claires et plus concrètes concernant la cohérence des politiques au service du développement afin d’aider à mieux cibler et organiser l’action engagée au niveau national autour de questions de fond spécifiques prioritaires et à renforcer le soutien du public et des sphères politiques.
  • Une solution doit être recherchée aux problèmes d’organisation et de ressources du BMZ afin de lui permettre de faire effectivement de la cohérence des politiques une priorité. Parallèlement, des efforts du type de ceux qui sont actuellement déployés pour participer à des réseaux sur la cohérence des politiques du genre de celui mis en place par la CE peuvent se révéler un moyen efficace de renforcer les capacités de l’Allemagne dans ce domaine.
  • En ce qui concerne le dispositif existant de suivi du PA2015, la définition opérationnelle de la cohérence des politiques que l’on possède désormais grâce au manifeste du BMZ pour la cohérence devrait permettre d’améliorer le suivi et la notification des progrès.

Gestion et mise en œuvre de l’aide

Des progrès pour ce qui est de l’efficacité de l’aide : programmation et modalités d’acheminement

Comme en témoignent les principes énoncés dans la récente Déclaration de Paris, il s’opère, parmi les membres du CAD, une prise de conscience grandissante de la nécessité de repenser leurs systèmes d’aide selon des axes qui privilégient l’efficacité d’acheminement sur le terrain et non des habitudes héritées du passé ou des considérations intérieures. L’Allemagne souscrit totalement à cette manière de voir et a manifesté le désir de se montrer un « champion » dans ce domaine. Elle a déjà lancé un certain nombre d’initiatives pilotes en vue de moderniser son système d’aide, y compris en portant un regain d’attention à la coordination de l’aide allemande sur le terrain (par exemple avec le détachement d’un plus grand nombre d’agents du BMZ dans les ambassades, la mise en place d’équipes par pays et par secteur, dirigées par des chefs d’équipe, ou l’élaboration d’une seule stratégie par pays, qui sert de référence à tous les organismes allemands qui y interviennent) ou en se montrant plus ouverte à des modalités d’acheminement qui débordent le cadre de projets, notamment les approches fondées sur des programmes et le soutien budgétaire. L’Allemagne peut maintenant faire fond sur l’expérience qu’elle a ainsi accumulée. Parmi les suggestions formulées dans le corps du rapport d’examen, figurent le renforcement du rôle du responsable de la coopération pour le développement, sous le contrôle avisé du BMZ, et le détachement de davantage d’agents du BMZ dans les ambassades, une intégration plus poussée des activités et programmes des organismes d’exécution allemands sur le terrain, et la révision des stratégies sectorielles par pays actuellement utilisées, qui pourraient être rassemblées dans un document unique mieux aligné sur les stratégies des pays partenaires.

La plupart des changements évoqués dans le paragraphe précédent concernent le fonctionnement interne du système d’aide allemand. Une fois dotée d’une représentation locale plus efficiente et mieux coordonnée, l’Allemagne ne manquera pas de poursuivre ses efforts pour accorder les exigences de son système à celles des autres partenaires présents à l’échelon local. La situation variant d’un pays à l’autre, il conviendra de laisser aux équipes par pays le soin de déterminer l’approche optimale à adopter au vu des réalités locales.

Les nécessités du terrain et leur impact au niveau des services centraux

Le passage à une approche de l’aide plus décentralisée sur le plan organisationnel et plus soucieuse de l’efficience à l’échelon local appelle un réexamen des relations organiques au niveau des services centraux et du terrain (notamment entre le BMZ et les organismes d’exécution, entre ces derniers, et entre le BMZ et le ministère fédéral des Affaires étrangères) ainsi que de l’ensemble des procédures internes, du stade de la planification stratégique à celui de l’établissement du budget annuel de l’aide. Le BMZ encourage désormais une démarche en réseau à tous les niveaux afin de favoriser la constitution d’équipes associant de façon pragmatique les acteurs intéressés autour de questions spécifiques d’ordre opérationnel. Cela constitue un premier pas vers une remise à plat de l’ensemble du système d’aide. A terme, la formation d’équipes transcendant les frontières bureaucratiques permettra graduellement une meilleure compréhension des relations essentielles, qui devrait faciliter la simplification des procédures et des mécanismes de collaboration. Au niveau des services centraux comme du terrain, il paraîtrait souhaitable de modeler ces relations organisationnelles dans une optique de résultats.

Un rôle capital revient au personnel allemand travaillant sur les questions de développement à la fois dans la réforme interne et dans l’amélioration des relations avec les partenaires extérieurs. Etant donné la fragmentation actuelle du dispositif allemand sur le plan institutionnel, la valorisation des ressources humaines n’est pas regardée comme une responsabilité du système dans son ensemble. La planification des ressources humaines pourrait avoir un caractère plus anticipatif et être mieux coordonnée afin de favoriser une répartition optimale de ces ressources, en particulier dans le contexte nouveau résultant de la décentralisation et du regain d’attention porté par les donneurs à l’échelon international à l’efficacité.

Un aspect qui mérite tout particulièrement de retenir l’attention, du point de vue du terrain, est la distinction que fait traditionnellement l’Allemagne entre la coopération « technique » et la coopération « financière », laquelle devient de plus en plus artificielle aujourd’hui qu’une place accrue est faite à des approches plus intégrées de la coopération pour le développement. Compte tenu des modalités concrètes d’acheminement de l’aide et de l’accent mis sur les résultats, la dissociation entre la source des financements et l’organisme d’exécution revêt moins d’importance que l’impact qu’on peut escompter de l’aide. Depuis une dizaine d’années, face aux réalités du terrain, l’Allemagne a opéré de son propre chef un revirement conceptuel majeur, abandonnant la notion étroite d’assistance technique pour celle de coopération technique à l’appui du renforcement des capacités d’une façon plus générale. Elle doit poursuivre dans cette voie. Par ailleurs, l’intérêt considérable porté par l’Allemagne à la coopération technique en tant qu’instrument de consolidation des capacités locales donne à penser qu’elle pourrait jouer un rôle de premier plan, sur le terrain, dans la réflexion sur les questions de développement des capacités locales.

Mieux montrer les résultats obtenus et renforcer la gestion des connaissances, un impératif

L’efficacité du suivi et de l’évaluation s’est améliorée depuis le dernier examen de l’aide de l’Allemagne par le CAD. Chacune des principales organisations a déployé des efforts pour rehausser la qualité des composantes du système de coopération pour le développement relevant de sa responsabilité, en particulier au niveau des projets. Plus spécifiquement, l’Allemagne n’en devrait pas moins s’attacher davantage à intégrer d’emblée le suivi et l’évaluation des résultats dans la planification de la mise en œuvre, et prévoir éventuellement un soutien pour le renforcement des systèmes locaux ou l’instauration de dispositifs conjoints avec d’autres donneurs. Surtout, le BMZ pourrait s’interroger sur la possibilité de resserrer les mailles aujourd’hui assez lâches de ce réseau afin de favoriser l’apprentissage collectif et une plus grande efficacité de gestion au niveau de l’ensemble du système. Sa réflexion pourrait utilement s’inspirer de la récente expérience fructueuse de constitution d’équipes interagences et des travaux entrepris par la GTZ au niveau sectoriel, lesquels pourraient servir de socle à un futur dispositif de partage, entre les divers organismes, des enseignements à tirer des activités menées dans différents secteurs.

Recommandations

  • A titre de contribution au programme d’action défini dans la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, et compte tenu de l’augmentation prévue de ses apports d’aide, l’Allemagne devrait redoubler d’efforts pour assurer une meilleure intégration des activités des organismes d’exécution sur le terrain. Elle devrait intensifier sa collaboration avec les autres donneurs, notamment à travers le recours à des modalités telles que le soutien budgétaire ou la coopération déléguée, mieux adaptées aux réalités du terrain. Une liaison doit être plus systématiquement établie avec les stratégies de lutte contre la pauvreté des pays partenaires, et au niveau sectoriel il faut privilégier les programmes.
  • Le mouvement actuel de décentralisation opérationnelle devrait être accéléré et, dans la mesure du possible, ne pas se limiter à la coordination de l’aide allemande mais aller jusqu’à la délégation de sa gestion sous la supervision du responsable de la coopération pour le développement. Cela suppose une redéfinition par le BMZ et le ministère fédéral des Affaires étrangères de leurs relations sur le terrain.
  • En collaboration avec tous les organismes intervenant dans la coopération technique, le BMZ devrait élargir l’application du principe voulant que l’assistance technique soit mise au service du renforcement des capacités. Il devrait envisager de s’investir d’un rôle de premier plan dans l’examen de ces questions à l’échelon local avec les autres donneurs.
  • Toute réflexion prospective concernant l’évolution de l’approche allemande de la coopération pour le développement sur le terrain doit s’accompagner d’une planification des ressources humaines (effectif, ancienneté, éventail de compétences, localisation, soutien requis des services centraux ou d’autres sources).
  • Le BMZ devrait redoubler d’efforts pour harmoniser les activités d’évaluation des différentes composantes du système allemand et promouvoir l’apprentissage à l’échelle de l’ensemble de ce dernier, et veiller à ce que des ressources adéquates soient affectées à ces objectifs.

Aide humanitaire

De la nécessité d’une approche intégrée

L’Allemagne apporte une contribution importante au financement de l’action humanitaire. Au vu de ses capacités nationales, de son statut de membre du G7 et des niveaux escomptés de son APD compte tenu des objectifs de 0.51 % et de 0.7 % qu’elle s’est fixés, son potentiel en la matière n’est toutefois pas optimisé. L’aide humanitaire représente une fraction minime des dépenses allemandes de coopération pour le développement. D’après les données du CAD, en 2004 les « secours d’urgence » ont totalisé 186 millions USD, c’est-à-dire seulement 2 % de l’APD totale de l’Allemagne, contre 7 % pour la moyenne du CAD. De tous les membres du CAD, l’Allemagne se classe au deuxième rang pour les contributions en faveur des victimes du tsunami survenu dans l’Océan Indien, avec des engagements de 634 millions USD dont le versement doit s’étaler jusqu’en 2009. Un engagement important a été pris par l’Allemagne au niveau politique concernant le caractère additionnel de ces fonds. Comme d’autres donneurs, l’Allemagne doit faire face à l’épineux problème consistant à débloquer les financements promis tout en évitant que la réponse aux besoins liés à d’autres situations d’urgence en pâtisse.

Une évaluation du cadre stratégique allemand met en évidence la nécessité de synchroniser et d’actualiser les instruments ainsi que d’en élargir la gamme afin de mieux refléter l’amplitude de ce champ d’intervention comme le veulent les principes et bonnes pratiques d’action humanitaire. Il n’existe pas de stratégie globale d’aide humanitaire sur laquelle pourraient s’appuyer les acteurs du système de coopération pour le développement. L’aide humanitaire gérée par le ministère fédéral des Affaires étrangères est centrée sur la réponse aux situations d’urgence. Aucun détail n’est fourni sur les principes de financement en dehors de ce que prévoient la loi et les 12 principes directeurs. Les fonds affectés à l’aide humanitaire sont toujours réservés à un usage précis et ne peuvent être assujettis à aucune forme de conditionnalité si ce n’est le respect des exigences en matière d’audit et de notification. Les projets ne bénéficient que de financements de courte durée et doivent dans l’idéal être achevés en six mois. Les fonds gérés par le BMZ sont régis par des procédures différentes. Grâce à la création en 2005 d’une ligne budgétaire consacrée à « l’aide d’urgence et à la transition axée sur le développement », l’Allemagne est désormais mieux à même d’apporter une réponse plus large et plus souple aux crises humanitaires.

Le système allemand d’aide humanitaire est fragmenté. Il est dirigé par deux ministères dont les champs de compétence se recoupent. Le niveau de détail et la rigidité relative du budget accentuent encore ce cloisonnement. D’un côté le ministère fédéral des Affaires étrangères supervise les activités d’une puissante unité indépendante spécialisée dans l’aide d’urgence. De l’autre, le BMZ gère une unité de taille plus retreinte au mandat assez large et moins bien circonscrit. Ce dédoublement des responsabilités de gestion aboutit à une structure désunie dont la somme des composantes est inférieure au total. Le résultat est que les différentes entités s’occupant d’action humanitaire sont isolées à la fois les unes des autres et des autres services des ministères où elles sont hébergées. Cela réduit leur aptitude à faire face à la complexité des urgences contemporaines et amoindrit en conséquence l’efficacité de l’aide. Cela complique en outre la synchronisation des activités aussi bien dans le cadre de l’aide humanitaire que pour ce qui est du raccordement de cette dernière à la coopération pour le développement. Cela vaut à tous les niveaux : planification, mise en œuvre, suivi et apprentissage.

L’atout du système actuel réside dans la ponctualité des financements, mais il conviendrait de se pencher plus avant sur les moyens d’appliquer aussi d’autres principes de financement (flexibilité, prévisibilité). L’Allemagne devrait étudier la possibilité de recourir à de nouvelles modalités pour l’acheminement de son aide humanitaire, par exemple les plans d’action humanitaire communs ou la mise en commun de fonds.

Recommandations

  • L’Allemagne devrait élaborer une stratégie globale d’aide humanitaire reflétant les principes et bonnes pratiques d’action humanitaire. Cette stratégie devrait fournir, pour la mise en œuvre, des orientations concernant les relations entre civils et militaires, la réduction des risques de catastrophes, de même que les aspects environnementaux et sociaux.
  • Parallèlement à l’accroissement de son APD, l’Allemagne est encouragée à augmenter les crédits alloués à l’aide humanitaire. Elle devrait aussi étudier la possibilité de recourir à de nouvelles modalités pour l’acheminement de son aide humanitaire, par exemple la mise en commun de fonds ou la participation à des fonds à vocation humanitaire.
  • Afin de faciliter l’adoption d’une approche plus large de l’aide humanitaire, l’Allemagne devrait envisager de renforcer la cohérence de toutes les composantes de l’aide humanitaire (prévention et préparation, réponse aux situations d’urgence, redressement et reconstruction), effort que devrait faciliter la mise en place d’un budget commun.
  • Au fur et à mesure de l’accroissement de son aide humanitaire, l’Allemagne devrait penser à étendre son système d’évaluation à ce domaine d’intervention. Elle devrait aussi envisager d’évaluer les performances globales de son système d’aide humanitaire en associant le ministère fédéral des Affaires étrangères et le BMZ.

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