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Examens par les pairs des membres du CAD

Espagne (2007), Principales conclusions et recommandations du CAD

 

Examen des politiques et programmes de l'Espagne en matière de coopération pour le développement

 

Voir aussi l'aperçu synthétitique de l'aide de l'Espagne
ainsi que le Rapport complet (115 pages)


L’Espagne a fixé d’ambitieux objectifs, à l’horizon 2012, à son action de coopération pour le développement. Le Plan directeur 2005-2008 est porteur d’améliorations majeures par rapport aux politiques et pratiques passées ; le défi pour l’Espagne est maintenant de faire de ce projet global une réalité. L’aide bénéficie d’un vigoureux soutien dans les sphères politiques et un dispositif solide a été mis en place pour encadrer les efforts de cohérence des politiques mais de nouveaux progrès passent par une exploitation plus stratégique et plus systématique de ces deux éléments. Le volume de l’aide espagnole s’accroît rapidement et il est donc impératif de renforcer les capacités d’acheminement de l’aide bilatérale tout en évitant une dispersion des efforts. Le regain d’attention pour l’Afrique subsaharienne est la résultante d’un recentrage sur la lutte contre la pauvreté et ouvre des perspectives nouvelles pour la répartition des tâches entre donneurs. Les décisions relatives à l’aide multilatérale, dont le volume va croissant, sont désormais davantage dictées par des considérations stratégiques. Les responsables politiques sont à l’origine, par souci d’efficacité de l’aide, de réformes majeures au niveau de l’organisation et de la gestion, réformes qui entraînent une transformation complète du système d’aide. L’efficacité de l’aide devient le mot d’ordre, l’Espagne appliquant judicieusement sur le terrain les principes énoncés dans la Déclaration de Paris. Reste que le succès de la mise en œuvre du programme d’action à l’appui de l’efficacité de l’aide est assujetti à l’achèvement complet du processus de réforme. La stratégie espagnole d’action humanitaire s’inscrit dans le droit fil des bonnes pratiques définies à l’échelon international et le pays devrait maintenant s’appliquer à améliorer la coordination entre les acteurs qui interviennent dans ce domaine.


Orientations stratégiques


L’Espagne a fixé d’ambitieux objectifs à son action de coopération pour le développement


Le programme d’aide de l’Espagne connaît une montée en puissance sur tous les fronts. Le volume de l’aide est en augmentation rapide, l’Espagne aspirant à porter son rapport APD/RNB à 0.7 % pour 2012. Ardente partisane de la Déclaration de Paris, l’Espagne est également déterminée à améliorer la qualité et l’impact de son assistance. Les autorités se sont lancées, avec le soutien du public et de tous les partis politiques, dans cette ambitieuse entreprise, dans laquelle elles se sont appuyées sur nombre des recommandations de l’examen par les pairs de 2002. Elles s’emploient à faire de la politique du développement un exposé de principe en vertu duquel tous les acteurs du secteur public s’engagent sur une approche commune et qui vaille quelle que soit la couleur du pouvoir politique. Cela est particulièrement important compte tenu de la part substantielle de l’aide émanant des communautés autonomes et des collectivités locales (coopération décentralisée). L’Espagne entend rester très active en Amérique latine, avec laquelle elle entretient des liens historiques, culturels et linguistiques qui lui confèrent un avantage comparatif, et qui ont aussi contribué à l’investir auprès des autres donneurs présents dans la région d’un rôle de chef de file dans l’action à l’appui de l’efficacité de l’aide. L’Afrique subsaharienne occupe désormais une place prioritaire dans la coopération espagnole pour le développement et l’aide à ce sous-continent devrait s’accroître dans des proportions considérables. L’expérience que l’Espagne a elle-même accumulée à l’occasion de son propre développement au sein de l’UE constitue un facteur important à cet égard et les autorités s’impliquent de plus en plus sur les questions d’aide dans ce cadre, des initiatives telles que le Consensus européen pour le développement et le Code de conduite de l’UE sur la complémentarité et la division du travail dans la politique de développement exerçant une influence grandissante sur l’aide de l’Espagne.


Le Plan directeur 2005-2008 est porteur d’améliorations majeures par rapport aux politiques et pratiques passées


Le Plan directeur 2005-2008 définit le cadre général de l’action espagnole de coopération pour le développement. Son élaboration a donné lieu à des consultations nationales de sorte qu’il bénéficie d’un large soutien de tous les acteurs espagnols œuvrant dans le domaine du développement. Il expose les objectifs et priorités stratégiques généraux de l’aide espagnole, en précise les priorités sectorielles et géographiques et fournit des orientations concernant les divers instruments et à l’intention des différents intervenants du système. Il recense aussi les domaines où une action s’impose pour améliorer la qualité de l’aide et fixe dans ces derniers des objectifs précis. Il est porteur d’améliorations incontestables par rapport aux pratiques passées, actualisant le cadre juridique de la coopération espagnole pour le développement, qui date de 1998, afin d’y intégrer les engagements internationaux souscrits depuis lors par l’Espagne, en particulier les OMD, et mettant parallèlement davantage encore l’accent sur la lutte contre la pauvreté. Une approche rigoureuse est adoptée du traitement des questions transversales, en tant que priorités à la fois horizontales et sectorielles, qui traduit bien la conception pluridimensionnelle qu’a l’Espagne de la pauvreté. Enfin, en reconnaissance de l’importance de la sensibilisation aux problèmes de développement pour entretenir le soutien du public, il est à très juste titre prévu d’intégrer des activités de ce type dans les programmes éducatifs, qu’ils relèvent du système structuré ou non, du primaire à l’université.


Le défi pour l’Espagne est maintenant de faire de ce projet global une réalité.


L’Espagne reconnaît que la concrétisation de sa vision stratégique constituera un défi majeur, surtout au vu des engagements souscrits à l’échelon international concernant l’amélioration de l’efficacité de l’aide. Une tâche essentielle est l’achèvement rapide de l’élaboration des stratégies relatives à tous les secteurs, lesquelles sont un des piliers du cadre stratégique qui servira de base à la mise en œuvre des ambitieux objectifs poursuivis par l’Espagne. La multiplicité des acteurs intervenant dans le système espagnol de coopération pour le développement est un précieux atout, mais ne vas sans poser aussi des problèmes d’importance. Si les divers acteurs ont généralement une bonne connaissance du Plan directeur et des ambitions poursuivies par l’Espagne en matière de développement, tous, à commencer par les acteurs décentralisés, ne se sentent pas tenus par le cadre stratégique défini par les autorités centrales, ce qui a des retombées néfastes au niveau de la coordination, de la cohérence et de l’efficacité d’ensemble. Dans les efforts qu’elle déploiera pour atteindre ses objectifs stratégiques, il sera important que l’Espagne s’attache à mettre à profit les enseignements qui se dégageront de l’expérience accumulée sur le terrain. Pour le moment, elle n’intègre en effet pas encore systématiquement les fruits de son expérience, pourtant considérable, dans sa ligne d’action.


Recommandations

  • Pour parvenir à donner corps à sa vision stratégique du développement, l’Espagne doit s’appliquer à renforcer la coordination et la cohérence de l’ensemble des efforts d’aide, tous les acteurs de la coopération espagnole pour le développement devant opérer dans le respect du cadre d’action établi par le Plan directeur, les stratégies-pays et les stratégies sectorielles.
  • L’Espagne doit se dépêcher de finaliser ses stratégies sectorielles afin que la mise en œuvre des programmes-pays puisse être totalement accordée au cadre stratégique.
  • L’Espagne devrait exploiter plus systématiquement les données d’expérience et les connaissances accumulées sur le terrain pour redresser le cap et apporter une contribution plus importante aux débats de la communauté internationale du développement, sur les bonnes pratiques notamment.


Cohérence des politiques


L’aide bénéficie d’un vigoureux soutien dans les sphères politiques et un dispositif solide a été mis en place pour encadrer les efforts de cohérence des politiques


L’Espagne fait partie des quelques membres du CAD qui ont intégré le principe de la cohérence des politiques au service du développement dans leur cadre juridique et de planification. Depuis 2004, le Conseil de la coopération pour le développement fait chaque année rapport au parlement sur la question. Le soutien vigoureux que recueille le principe de la cohérence des politiques au service du développement dans la classe politique est un atout pour les décideurs, et le Plan directeur recense les domaines où une action s’impose et définit le rôle des différents ministères. Dans le domaine des migrations, par exemple, le Secrétariat d’État à la coopération internationale a engagé une collaboration avec d’autres ministères et mis à profit la position renforcée de la coopération pour le développement pour porter les questions de cohérence des politiques à l’attention des plus hautes sphères politiques et susciter un débat au niveau le plus élevé. L’Espagne s’applique aussi ardemment à prôner la cohérence des politiques au service du développement dans les instances internationales. Elle est particulièrement bien placée pour ce faire dans le domaine des migrations, domaine dans lequel certains s’inquiètent du risque d’instrumentalisation de l’aide, étant donné la phase d’exode massif de main-d’œuvre qu’elle a elle-même traversée il n’y a pas si longtemps.


De nouveaux progrès passent par une exploitation plus stratégique et plus systématique de ces deux éléments


Le Secrétariat d’État à la coopération internationale (SECI) a étoffé ses capacités d’analyse des problèmes de cohérence des politiques au service du développement. Il mérite en conséquence de plus en plus d’être reconnu comme un partenaire incontournable des délibérations interministérielles sur des questions qui présentent un rapport manifeste et étroit avec la cohérence des politiques. Le Plan directeur n’impose aucune mission ou exigence aux communautés autonomes et aux collectivités locales en matière de cohérence des politiques, et ces acteurs décentralisés ne sont pas représentés aux consultations du Conseil de la coopération pour le développement sur le sujet. Par ailleurs une plus grande attention pourrait être prêtée aux questions de cohérence des politiques au service du développement au niveau du terrain. La coordination entre les acteurs de la coopération pour le développement demeure problématique, y compris s’agissant du rôle de l’armée dans l’action humanitaire. Dans son rapport sur la cohérence des politiques, le Conseil de la coopération pour le développement concentre dans une large mesure son attention sur la scène internationale et ne s’attarde guère sur les politiques bilatérales. Il formule cependant une recommandation qui, si elle est suivie d’effets, contribuera grandement à améliorer la cohérence des politiques, préconisant que l’Espagne veille à faire connaître publiquement et sans détours sa position officielle sur les questions de cohérence des politiques qui donnent lieu à controverse dans les instances internationales, par exemple l’UE dans le cadre de laquelle les intérêts nationaux espagnols  peuvent entrer en concurrence avec les objectifs de développement.


Recommandations

  • Par souci de cohérence des politiques au service du développement, l’Espagne devrait donner suite à la recommandation du Conseil de la coopération pour le développement en faisant preuve de transparence sur sa position dans les débats internationaux.
  • Le Secrétariat d’État devrait mieux exploiter les mécanismes de coordination et s’assurer que les problèmes de cohérence des politiques sont abordés dans l’examen de toutes les questions pertinentes ; les acteurs décentralisés devraient être associés aux consultations.
  • L’Espagne devrait prendre des mesures pour impliquer les acteurs présents sur le terrain dans ses efforts d’amélioration de la cohérence des politiques en les sensibilisant à l’importance de cette dernière et en faisant fond sur leurs observations pour évaluer la cohérence des politiques espagnoles.  


Volume, canaux d’acheminement et répartition de l’APD


Le volume de l’aide espagnole s’accroît rapidement


L’Espagne s’est engagée à consacrer à l’APD 0.7 % de son RNB dès 2012, soit trois ans avant la date butoir fixée au niveau de l’UE. L’enveloppe allouée à l’aide dans le projet de budget pour 2008 représentant 0.5 % du RNB, elle semble en bonne voie d’atteindre son objectif. On ne sait toutefois pas très bien quelle place sera faite aux différents instruments dans les efforts déployés pour y parvenir. A côté de la planification des augmentations du budget global de l’aide au développement, il conviendrait donc de définir une stratégie opérationnelle concernant plus spécifiquement l’emploi des différents canaux et leurs dotations. Cela est particulièrement important du fait que le volume des allégements de dette et des prêts au développement, qui absorbaient autrefois une part substantielle de l’APD, est appelé à diminuer dans les années qui viennent. Une stratégie plus concrète pour l’accroissement de l’aide permettrait aussi aux pays partenaires de mieux anticiper l’évolution des apports d’aide de l’Espagne sur le court à moyen terme et d’en tenir compte dans leur planification.


L’Espagne se doit de renforcer ses capacités d’acheminement de l’aide bilatérale tout en évitant une dispersion de ses efforts


Si l’aide bilatérale continuera certes d’augmenter en valeur absolue, sa part dans le volume global de l’aide espagnole devrait tomber de 62 % en 2005 à 48 % en 2007. L’Espagne est consciente que sa capacité de mise en œuvre de l’aide bilatérale n’a pas suivi l’essor du budget de l’aide. Elle devrait s’appliquer à mener promptement à terme la refonte de l’Agence espagnole de coopération internationale (AECI), principal organisme se chargeant de l’exécution de l’aide bilatérale, afin de doter le système d’une base opérationnelle capable d’assurer efficacement l’acheminement d’apports de plus en plus volumineux d’aide bilatérale dans le respect des objectifs fixés.
La dispersion de l’aide est également un sujet de préoccupation. Avec 56 pays partenaires se répartissant en trois catégories (pays prioritaires, pays avec attention particulière et pays préférentiels) et se partageant 71 % des apports bilatéraux, l’Espagne éparpille quelque peu ses ressources. En 2006, la part de ses 23 pays prioritaires dans l’aide bilatérale n’a atteint que 36 %, alors que l’objectif est de 70 %. A mesure que s’accroîtra le volume de l’aide, la concrétisation de cet objectif sans dilution supplémentaire nécessitera un effort délibéré impliquant l’ensemble du système d’aide. La contribution active des acteurs décentralisés sera essentielle pour renforcer la concentration de l’aide conformément aux objectifs de la stratégie espagnole.


Le regain d’attention pour l’Afrique subsaharienne est la résultante d’un recentrage sur la lutte contre la pauvreté


L’intérêt accru manifesté pour l’Afrique subsaharienne reflète un renforcement du ciblage sur la lutte contre la pauvreté, dans le droit fil des recommandations du précédent examen par les pairs, ainsi qu’une « redécouverte » par l’Espagne de ses relations de voisinage direct avec les pays de cette région. Dans son ambitieuse entreprise d’établir une présence plus forte en Afrique subsaharienne, l’Espagne a jusqu’à présent adopté une approche pragmatique et cependant prudente. Au-delà de l’augmentation des ressources financières qui en résulte, son implication pourrait être source d’une valeur ajoutée considérable et le CAD espère ardemment qu’elle intensifiera encore ses efforts en faveur du sous-continent. Dans l’esprit des autorités espagnoles, il existe aussi un lien direct entre le regain d’importance accordé à l’Afrique subsaharienne et l’engagement qui a été pris de consacrer 20 % de l’aide bilatérale aux pays les moins avancés. Si cette promesse a été tenue en 2005, grâce essentiellement aux allégements de dette, elle a par contre été loin d’être honorée en 2006. Si elle veut parvenir à atteindre systématiquement cet objectif, l’Espagne se doit de planifier soigneusement la répartition du surcroît d’aide programmable entre les divers canaux ainsi que ses dotations en faveur des pays les moins avancés.

L’approche adoptée par l’Espagne ouvre des perspectives nouvelles pour la répartition des tâches entre donneurs


La place prépondérante qu’a de tous temps occupé l’Amérique latine dans l’aide de l’Espagne et l’engagement pris récemment par cette dernière d’accroître ses apports à l’Afrique subsaharienne ouvrent des perspectives intéressantes de parvenir à une répartition plus efficiente des tâches entre les donneurs. Les autres donneurs pourraient en effet souhaiter mettre à profit le rôle de chef de file joué par l’Espagne Amérique latine et celle-ci serait bien inspirée d’étudier les moyens de se préparer à cette éventualité. De son côté, en Afrique subsaharienne, l’Espagne pénètre un monde qui lui est relativement peu familier où, le plus souvent, la dépendance à l’égard de l’aide est immense, une multitude de donneurs se côtoient et des mécanismes de coordination ont été instaurés de longue date. Elle devrait par conséquent s’employer à tirer parti des mécanismes existants et des capacités des autres donneurs pour assurer l’harmonisation et l’alignement de son aide.


Les décisions relatives à l’aide multilatérale, dont le volume va croissant, sont désormais davantage dictées par des considérations stratégiques


L’Espagne apporte désormais une contribution plus active, s’inscrivant dans une optique plus stratégique, au système multilatéral. Ses concours multilatéraux s’inscrivent sur une tendance rapide à la hausse, dans le droit fil de la conception générale qu’elle se fait de son rôle de donneur. Une grande partie de l’aide multilatérale espagnole va certes aux contributions à la Communauté européenne mais l’évolution la plus remarquable est l’accroissement des sommes versées à des institutions non financières, à l’appui de la réalisation des OMD et dans un souci d’amélioration de la qualité de l’aide multilatérale. Cette évolution va dans le sens des priorités générales définies dans le Plan directeur pour l’engagement multilatéral de l’Espagne. Cela dit, il serait urgent de mettre au point une stratégie qui fixe les motivations, les objectifs et les modalités de cet engagement multilatéral, y compris dans le cadre de l’UE, de façon plus détaillée, afin d’éviter que les dotations soient déterminées en fonction des possibilités de financement au lieu d’obéir à des considérations stratégiques.


Recommandations

  • L’Espagne devrait étayer ses objectifs d’accroissement du volume de son aide par une stratégie opérationnelle, laquelle devrait aussi tenir compte des engagements qu’elle a pris concernant l’aide aux pays les moins avancés. La stratégie en question devrait couvrir les apports de tous les acteurs de la coopération espagnole pour le développement et aussi améliorer la prévisibilité pour les partenaires en développement.
  • Tous les acteurs de la coopération espagnole pour le développement doivent être associés à l’action engagée pour renforcer la concentration de l’aide et assurer la réalisation de l’objectif voulant que 70 % des apports bilatéraux prennent lechemin des pays prioritaires.
  • Dans un esprit de complémentarité, l’Espagne devrait étudier les possibilités de nouer des partenariats – en tant que partenaire actif ou que partenaire silencieux – avec d’autres donneurs en Afrique subsaharienne et en Amérique latine.
  • Étant donné l’augmentation rapide de ses concours multilatéraux, l’Espagne devrait finaliser sans délai sa stratégie d’aide multilatérale et veiller à se doter de capacités suffisantes pour en assurer la gestion.

Organisation, gestion et efficacité de l’aide


Les responsables politiques sont à l’origine de réformes majeures


Planifier l’augmentation du volume de l’aide et en améliorer la qualité sont les deux plus grands défis que l’Espagne doit relever pour donner corps à ses ambitions, et cela nécessite de favoriser une utilisation efficace des capacités que recèle le système espagnol. Les responsables politiques ont engagé des réformes et ont le dessein de mener le processus à son terme. Le Plan directeur fixe des objectifs de réforme pour les principaux acteurs du système en vue d’améliorer la qualité et l’impact de l’aide espagnole. La première des choses à faire est de transformer l’AECI en un organisme capable d’honorer de manière efficiente les engagements souscrits par l’Espagne : porter l’aide à 0.7 % du RNB et mettre en œuvre la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide. L’Espagne a aussi entrepris de s’attaquer au défaut de cohérence que constituent ses prêts d’aide au développement, dont les motivations sont ambigües puisqu’ils se veulent un instrument tout à la fois de promotion des exportations et de coopération pour le développement.


Les réformes entraînent une transformation complète du système d’aide


Le statut du Secrétariat d’État à la coopération internationale (SECI), responsable au premier chef de la gestion de l’aide, a été consolidé et ses moyens étoffés. La refonte du système de gestion des ressources humaines contribue au règlement de problèmes connus de longue date – en particulier les conditions d’emploi défavorables du personnel de terrain – mais le rythme et l’ampleur des changements provoquent une certaine surchauffe, à Madrid comme sur le terrain. Le SECI est en conséquence incité à surveiller de près les limites de capacité du système. Cela dit, les partenaires de l’Espagne se félicitent des améliorations qualitatives observées sur le terrain, et le SECI s’attache maintenant à améliorer le fonctionnement de l’ensemble du système. Dans cette optique, il sera essentiel de mettre en place des mécanismes plus efficaces de liaison entre les fonctions de décision et de suivi à Madrid et les fonctions d’exécution sur le terrain. Le SECI est également conscient de la nécessité d’un système qui privilégie les résultats et s’appuie sur une culture renforcée de l’évaluation. Il est urgent de prendre des mesures dans ces domaines, où tout reste cependant à faire, de la conception de la stratégie à suivre à la mise en place de dispositifs concrets.


L’efficacité de l’aide devient le mot d’ordre


Le processus de réforme est motivé avant tout par un souci d’efficacité de l’aide et un effort concerté a été déployé pour distribuer la Déclaration de Paris et en promouvoir les principes auprès de tous les acteurs du système espagnol comme de leurs partenaires. Le CAD salue les efforts de l’Espagne en vue de délier son aide d’ici 2012, ce qui va d’ailleurs dans le sens de l’attachement qu’elle manifeste à l’appropriation locale. L’Espagne entend en outre recourir davantage au soutien budgétaire général et aux approches sectorielles, mais il est vrai qu’elle part dans ces domaines de très bas et ne s’est fixé aucun objectif chiffré. Au vu des résultats de l’Enquête 2006 de suivi de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris réalisée par l’OCDE, il reste encore à l’Espagne à obtenir des progrès tangibles au regard de nombreux indicateurs. La situation devrait s’améliorer à mesure de l’avancement des réformes.


L’Espagne applique judicieusement sur le terrain les principes énoncés dans la Déclaration de Paris


L’Espagne a fait preuve de discernement dans l’application des principes d’efficacité de l’aide à ses activités de coopération en Amérique latine, où la plupart de ses partenaires sont des pays à revenu intermédiaire affichant un faible degré de dépendance à l’égard de l’aide. En Colombie et au Salvador – deux pays se caractérisant par un net clivage politique – elle reconnaît aux autorités centrales la prérogative de définir la politique nationale tout en étant consciente de la nécessité d’uneappropriation par la population. L’aide ne représentant dans ces pays qu’une fraction minime des dépenses publiques, elle privilégie l’alignement dans des domaines qui sont essentiels pour les progrès du développement et dans lesquels un soutien des donneurs peut servir de déclencheur à la mise en œuvre par le pays partenaire de stratégies ou d’initiatives sectorielles. La coopération technique joue souvent un rôle fondamental dans ce processus. Si, dans le système espagnol de coopération, les capacités et les ressources font encore défaut pour opérer une gestion axée sur les résultats, par sa contribution l’Espagne favorise souvent de la part de ses partenaires une attitude qui privilégie implicitement les résultats. Elle encourage en outre la transparence en mettant en avant des mécanismes nationaux de reddition de comptes à caractère participatif. Enfin, le profil bas qu’elle adopte délibérément lui permet d’entretenir des relations constructives avec toutes les parties prenantes. Cette attitude judicieuse lui a permis de s’imposer comme chef de file au sein de la communauté des donneursdans des pays comme la Colombie ou El Salvador.

Le succès de la mise en œuvre du programme d’action à l’appui de l’efficacité de l’aide est assujetti à l’achèvement complet du processus de réforme


L’efficacité de l’aide doit rester le fil conducteur du programme de réforme. Au-delà de la consultation sur les orientations stratégiques, pour améliorer la coordination et l’harmonisation il faut veiller à ce que les différents acteurs du système espagnol – y compris les acteurs décentralisés – adoptent une approche commune de la mise en œuvre de l’aide au niveau des pays.
Les bureaux locaux de l’AECI sont les mieux placés pour faciliter et conduire la coordination sur le terrain. Le temps que mettent les réformes à se concrétiser au niveau des services centraux accroît toutefois les contraintes qui pèsent sur l’efficacité des activités menées sur le terrain. Si elle doit favoriser l’harmonisation et l’alignement, il conviendrait que la réorganisation débouche sur une délégation notable de compétences au profit des bureaux locaux. En parallèle, afin de faciliter une évolution dans ce sens, les services centraux doivent être dotés des connaissances spécialisées nécessaires à l’élaboration de stratégies sectorielles et la programmation à l’échelon des pays doit porter sur les orientations stratégiques et non uniquement sur les instruments à utiliser. Un élément clé pour le succès du processus est la révision du système de gestion des ressources humaines, lequel doit définir un cadre professionnel, offrir des perspectives de carrière et des conditions d’emploi compétitives, et prévoir une structure d’incitations qui encourage la rotation du personnel. L’Espagne risque en effet de perdre de précieuses qualifications et compétences, surtout parmi ses agents de terrain expérimentés, si elle ne procède pas dans ce domaine à une complète remise à plat. S’il devait en aller ainsi, son aptitude à atteindre ses objectifs stratégiques, à savoir accroître le volume et la qualité de son aide, s’en trouverait sérieusement compromise.


Recommandations

  • L’Espagne doit continuer de prendre comme fil conducteur la Déclaration de Paris.
  • Dans la poursuite de la refonte de son système de coopération pour le développement, l’Espagne ne doit pas perdre de vue la nécessité d’instaurer un système de gestion des ressources humaines qui définisse un cadre professionnel et ouvre des perspectives d’avancement en incitant à acquérir une expérience du terrain.
  • Afin d’améliorer la coordination et la répartition des tâches au sein de son système d’aide, l’Espagne doit mettre en place des dispositifs permettant de coordonner l’action des différents acteurs et l’emploi des divers instruments au niveau du terrain durant les phases de planification, de mise en œuvre et d’évaluation.
  • Une priorité pour l’Espagne devrait être la mise en place sans délai d’une gestion axée sur les résultats en matière de développement, ce que favoriserait une consolidation de la culture de l’évaluation et un renforcement des procédures d’évaluation.
  • Il conviendrait que la réorganisation de l’AECI établisse clairement la chaîne de décision ; il faut aussi envisager de déléguer de larges pouvoirs aux bureaux locaux, qui doivent pouvoir en parallèle compter sur l’appui des services centraux, dont les compétences en matière de formulation des politiques doivent en conséquence être étoffées, tout en veillant à préserver un équilibre entre le souci de la rentabilité des activités et la nécessité de déployer les moyens requis pour assurer une mise en œuvre efficace de l’aide.
  • Dans la poursuite de son effort de recentrage sur ses avantages comparatifs, l’Espagne doit s’appliquer à faire fond sur sa capacité avérée de collaborer avec des parties prenantes d’horizons divers et sur l’expérience qu’elle a accumulée en la matière, ainsi que sur la valeur ajoutée spécifique des acteurs décentralisés pour la coopération avec les échelons régionaux et locaux d’administration.


Action humanitaire


La stratégie espagnole d’action humanitaire s’inscrit dans le droit fil des bonnes pratiques définies à l’échelon international


L’Espagne a souscrit aux Principes et bonnes pratiques d’action humanitaire en 2004 et a aligné sur ces derniers le cadre juridique régissant ses activités dans ce domaine. Elle met actuellement la dernière main à une stratégie d’aide humanitaire qui repose sur ces principes et qui la mettra mieux à même de gérer un programme d’action humanitaire dont l’ampleur va croissant. Cette stratégie remédie aux défaillances du système actuel et expose une série de mesures à prendre d’urgence et un ensemble d’intentions, dont la prise en compte des considérations humanitaires dans tous les documents de planification et la commande d’évaluations. L’Espagne souhaite en outre accroître son aide humanitaire pour la porter d’ici 2008 au niveau de la moyenne du CAD, à savoir 7 % de l’APD bilatérale.


L’Espagne devrait maintenant s’appliquer à améliorer la coordination entre les acteurs qui interviennent dans le domaine humanitaire


Les autorités reconnaissent que la concrétisation de leurs ambitions en matière d’action humanitaire nécessitera un renforcement de la cohérence des politiques et de la coordination entre les différents acteurs. A l’heure actuelle, le ministère des Affaires étrangères et de la coopération (MAEC) gère, par l’intermédiaire de l’AECI, la moitié environ des financements d’aide humanitaire émanant de l’administration centrale. Des concours à vocation humanitaire proviennent également des ministères de la Défense, de l’Industrie, du Travail et des Finances. Le MAEC est parvenu à un accord avec le ministère de la Défense pour établir le principe de la primauté des instances civiles dans les interventions humanitaires. Les communautés autonomes et les collectivités locales, dont l’action humanitaire est régie par des cadres juridiques qui leur sont propres, se classent à la deuxième place, derrière le MAEC, par le volume de leurs apports. Il serait néanmoins utile qu’elles envisagent de regrouper leurs ressources lorsque les moyens financiers qu’elles mettent en œuvre sont relativement modestes. Certaines ONG préfèrent recourir à ces canaux décentralisés car les procédures des entités régionales sont souvent mieux adaptées aux interventions humanitaires que celles de l’administration centrale. La stratégie d’aide humanitaire prévoit un renforcement des moyens du système humanitaire grâce à un accroissement des effectifs de l’AECI et une augmentation des capacités des bureaux locaux et des ambassades. Elle prévoit aussi un mécanisme destiné à permettre à l’AECI d’accorder directement des concours à des ONG locales, mécanisme qui devra toutefois respecter les réglementations financières en vigueur en Espagne. D’un autre côté, il est ressorti d’un examen de l’aide humanitaire de l’Espagne que les interventions directes risquaient d’aboutir à une multiplication des acteurs décentralisés présents sur le terrain, ce qui est contraire aux principes et bonnes pratiques d’action humanitaire, et il est donc essentiel de s’entendre sur la répartition des tâches ainsi que sur un ensemble commun de critères de qualité.


Recommandations

  • L’Espagne devrait élaborer un plan d’exécution de sa stratégie d’aide humanitaire, assorti d’objectifs clairs, de priorités, d’indicateurs au regard desquels mesurer les progrès accomplis, d’un inventaire des tâches incombant aux différents acteurs et d’échéances précises.
  • Dans le contexte des réformes en cours, l’Espagne devrait comparer l’efficacité d’interventions directes d’équipes d’humanitaires espagnols et celle du recours à des acteurs multilatéraux et locaux pour des actions spécifiques.
  • Les communautés autonomes et les collectivités locales devraient coordonner leurs évaluations des besoins et leurs activités humanitaires avec celles de l’administration centrale.