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Examens par les pairs des membres du CAD

Espagne (2002), Examen en matière de la coopération pour le développement: Principales conclusions et recommandations du CAD

 

L'Espagne doit être félicitée pour les progrès substantiels qu'elle a réalisés dans le domaine de la coopération pour le développement depuis le dernier Examen de l'aide. Parmi les réalisations importantes à mentionner figurent l'adoption d'une Loi exhaustive sur la coopération internationale pour le développement, l'élaboration d'un Plan directeur sur quatre ans (2001-2004), l'amélioration des Plans annuels de coopération internationale (PACI), et le renforcement des organes existants ou la création de nouveaux organes de coordination. La réforme opérée avait pour objectif de renforcer la cohérence interne et la coordination au sein du système d'aide diversifié de l'Espagne, qui fait intervenir de nombreux ministères, les régions autonomes, les autorités locales et des organisations de la société civile. La nouvelle politique mise en oeuvre a eu pour effet notable de faire de la réduction de la pauvreté l'objectif fondamental de la coopération pour le développement. L'égalité homme-femme et l'environnement sont également deux axes prioritaires de la politique menée. L'Espagne s'efforce de cibler ses efforts en matière de réduction de la pauvreté sur les besoins sociaux de base et vient de mettre en place un nouveau programme de micro-financement, qui constitue un nouvel élément important.

L'Espagne dispose d'un avantage comparatif dans l'aide qu'elle apporte à l'Amérique latine du fait des liens linguistiques, historiques et culturels étroits qui les unissent. L'Espagne, qui a eu récemment à bâtir un Etat démocratique, peut apporter une valeur ajoutée en faisant profiter ses pays partenaires des enseignements qu'elle en a tirés dans les domaines novateurs et lourds d'enjeux que recouvre la bonne gestion des affaires publiques. A cet égard, elle peut engager avec les pays en développement un dialogue dans des domaines où d'autres donneurs auraient plus de difficultés. Les principales activités menées dans le cadre du renforcement des institutions concernent la réforme judiciaire, la décentralisation, l'administration de l'impôt et la formation des forces de police. Ce sont autant de secteurs où l'Espagne pourrait jouer un rôle de chef de file dans l'action menée avec les autres donneurs en faveur de l'application d'une approche sectorielle.

Dans l'évaluation du programme de développement de l'Espagne, il importe de garder à l'esprit que la coopération pour le développement est une activité encore relativement nouvelle pour le pays. Bénéficiaire d'aide jusqu'en 1977, l'Espagne est devenue Membre du CAD en 1991. En l'espace de peu de temps, elle a mis en place une loi exhaustive sur la coopération pour le développement juridiquement contraignante, ainsi qu'un plan pluriannuel applicable à l'ensemble du système d'aide. De ce point de vue, on peut dire que l'Espagne a montré l'exemple au sein du CAD, en particulier aux Membres dotés de systèmes d'aide diversifiés comme le sien. Parallèlement, l'Espagne devrait affiner son Plan directeur de façon à proposer une hiérarchisation plus précise des principes et objectifs, avec la réduction de la pauvreté comme objectif fondamental qui anime l'ensemble du système d'aide. Elle devrait en outre suivre une approche de la programmation et de la mise en Suvre plus axée sur les résultats pour mettre à profit les enseignements tirés de l'expérience, et envisager d'intégrer les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) ainsi que d'autres indicateurs pour en faire un cadre d'évaluation des performances. Il pourrait être souhaitable de relier plus étroitement la lutte contre la pauvreté et les prêts du FAD, la conversion des titres de créance, les programmes de bourses d'études et les programmes d'action culturelle. Compte tenu de ses liens avec les OMD, l'engagement de l'Espagne à donner corps à l'Initiative 20/20 est bienvenu. Il devrait se traduire par une augmentation des dépenses consacrées aux services sociaux de base.

Avec une aide publique au développement (APD) qui s'est chiffrée en 2000 à 1.2 milliard de $, le rapport APD/revenu national brut (RNB) de l'Espagne s'établit à 0.22 %, ce qui classe le pays au 19ème rang des 22 pays Membres du CAD, à la même place que dans le classement en fonction du revenu par habitant. Le volume de l'APD a quadruplé entre 1988 et 1994, jusqu'à un pic d'APD/RNB de 0.28 %, rapport qui a décliné par la suite. L'économie espagnole a parallèlement enregistré de bons résultats ces dernières années, puisque le taux de croissance dépasse 4 % depuis 1997. Par ailleurs, l'opinion manifeste une forte adhésion à la coopération pour le développement. Conformément aux engagements pris à la réunion du Conseil européen qui s'est tenue à Barcelone en mars 2002 et annoncés à la Conférence internationale sur le financement du développement qui a eu lieu à Monterrey, l'Espagne devrait atteindre un rapport APD/RNB de 0.33 % d'ici 2006. Conjugué à la tendance à la hausse du RNB de l'Espagne, cela suppose un accroissement rapide du volume de l'APD.

Compte tenu de l'avantage évident que lui confèrent ses liens avec l'Amérique latine, l'Espagne concentre une grande partie de son aide sur cette région, et en particulier sur les pays les plus pauvres d'Amérique centrale et de la Communauté andine. En 2000, 40 % de l'aide bilatérale espagnole ont été dirigés vers des pays à faible revenu, soit une proportion inférieure à la moyenne totale du CAD qui s'établit à 59 %. En fait, plus de la moitié des versements sont allés à des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. Cela soulève d'intéressantes questions pour l'Espagne et pour le CAD quant au rôle des donneurs dans les pays à revenu intermédiaire, notamment la mesure dans laquelle cette aide sert effectivement l'objectif de réduction de la pauvreté et est de nature à instaurer un environnement plus favorable aux pauvres. L'Espagne pourrait reconsidérer la proportion de prêts et de dons qu'elle consent aux pays à faible revenu et aux pays à revenu intermédiaire pour veiller à ce que les modestes ressources affectées à l'APD soient bien dirigées vers ceux qui en ont le plus besoin.

Si l'Espagne a commencé à se concentrer sur 29 pays de programme, elle ne traite pas de façon assez approfondie les critères de sélection, la ventilation des ressources et la façon dont le statut prioritaire sera appliqué. L'Espagne doit également veiller à ne pas diluer son aide. Les versements au titre de prêts, qui représentaient 80 % de l'aide bilatérale en 1993, ont considérablement diminué depuis, mais leur part du total reste élevée à 34 %. On observe néanmoins que les dons se sont accrus, grâce à l'action de la coopération décentralisée, par l'intermédiaire des régions autonomes et des autorités locales, qui représente 25 % de l'APD bilatérale. L'essentiel de ces fonds sont acheminés par le biais d'organisations non gouvernementales (ONG), qui jouent un rôle significatif sur ce plan et dans le cadre de cofinancements avec l'Agence espagnole de coopération internationale (AECI). Pour ce qui est de la coopération multilatérale, l'Espagne porte son effort surtout sur la Commission européenne (CE), mais a renforcé sa contribution aux institutions financières internationales dans le but d'accroître son influence et d'intensifier sa coopération.

L'Espagne a intégré la cohérence des politiques à l'appui du développement dans son cadre juridique général. La Loi stipule que les principes et objectifs qui régissent la coopération pour le développement de l'Espagne doivent se matérialiser dans tous les autres domaines de l'action publique qui touchent les pays en développement. Elle souligne l'importance de leur compatibilité avec les objectifs du développement durable et de la réduction de la pauvreté pour promouvoir les relations politiques, économiques et culturelles avec les pays en développement. Néanmoins, le débat sur la cohérence des politiques semble moins avancé en Espagne qu'au sein d'autres Membres du CAD. Il conviendrait d'assigner un rôle plus affirmé au ministère des Affaires étrangères et de le doter des capacités d'analyse requises pour qu'il puisse engager un débat sur l'action des pouvoirs publics avec d'autres ministères et intervenants, y compris avec des représentants de la société civile et des administrations régionales, dans des domaines tels que les échanges, les transferts de technologie, l'agriculture et la pêche (notamment à propos des accords internationaux sur la pêche conclus par la CE) où les objectifs de développement peuvent entrer en conflit avec les intérêts nationaux.

La collaboration entre les ministères des Affaires étrangères et de l'Economie s'est améliorée, notamment au niveau de la préparation des stratégies-pays conjointes. Le ministère des Affaires étrangères s'est vu confier la responsabilité centrale de la politique de développement. Il est toutefois recommandé qu'il soit investi de façon plus claire du rôle de chef de file dans les orientations qu'il donne à l'ensemble des intervenants dans la coopération pour le développement. Le rôle du ministère des Affaires étrangères à cet égard consisterait notamment à garantir la cohérence et à exploiter les synergies entre une coopération décentralisée de plus en plus active et la politique générale de l'aide.

L'Espagne a restreint l'importance des prêts du FAD et a amélioré leur gestion en renforçant notamment l'identification des projets, leur suivi et leur évaluation. Elle devrait toutefois poursuivre dans une optique plus globale l'examen des prêts du FAD qu'elle a entrepris afin de faire en sorte que ceux-ci soient davantage orientés vers la réduction de la pauvreté. La politique consistant à consentir des prêts plutôt que des dons aux pays pauvres devrait être à nouveau examinée à la lumière de l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). Au niveau des projets, il serait utile et plus favorable à la transparence de privilégier des stratégies sectorielles, des objectifs mieux définis, un meilleur ciblage des bénéficiaires et la communication d'états plus détaillés relatifs à la mise en Suvre. En outre, étant donné que les prêts du FAD accordés à des pays ne figurant pas parmi les moins avancés sont liés à des passations de marché en Espagne, celle-ci souhaitera peut-être réexaminer les limites que cela impose au partenariat, à l'appropriation à l'échelon local et à l'efficacité de l'aide.

Les bureaux sur le terrain jouissent d'une assez grande autonomie dans la conduite du dialogue avec les pays partenaires et la gestion de l'aide. La structure souple de la coopération espagnole paraît lui permettre de réagir promptement aux besoins des pays partenaires, notamment dans les situations d'urgence. L'Espagne est attachée au principe de l'élaboration de stratégies de réduction de la pauvreté conduites par le pays concerné, mais à l'instar d'autres donneurs, doit veiller à ce qu'elles soient effectivement intégrées dans ses propres stratégies-pays. En outre, les stratégies-pays des 29 pays bénéficiant du programme de l'Espagne pourraient obéir à un ciblage sectoriel plus sélectif et être plus spécifiques dans le choix des instruments et des canaux d'acheminement retenus. L'Espagne observe une certaine prudence dans le transfert des responsabilités de gestion aux pays partenaires, mais pourrait renforcer davantage l'appropriation à l'échelon local en déléguant des responsabilités à ses homologues locaux. En outre, l'Espagne pourrait envisager la possibilité d'adopter des approches sectorielles en collaboration avec d'autres donneurs de façon à renforcer la prise en main au plan local et la pérennité de l'action menée. La participation importante des ONG, si elle est un atout pour le système d'aide espagnol, suppose également de veiller aux coûts de transaction et aux questions d'efficience et de coordination.

Les efforts que déploie le ministère des Affaires étrangères pour mettre en place des mécanismes d'évaluation efficace sont bienvenus. Les systèmes d'évaluation de l'ensemble du programme d'aide de l'Espagne doivent toutefois être encore développés et renforcés, en particulier au niveau des prêts du FAD, de la coopération décentralisée et des ONG. La gestion des ressources humaines du ministère des Affaires étrangères pourrait également être plus stratégique, fondée sur une évaluation des besoins à long terme, notamment en matière d'amélioration des compétences. Le ministère des Affaires étrangères pourrait en particulier étudier les possibilités de mobilité du personnel entre le terrain et le siège en vue de mieux intégrer l'expertise des questions de développement à l'élaboration de l'action stratégique.

A la lumière des conclusions qui précèdent, le CAD encourage l'Espagne à :

  • S'efforcer par tous les moyens d'atteindre d'ici 2006 un rapport APD/RNB de 0.33 %. Veiller à ce que l'aide aux pays à revenu intermédiaire soit effectivement axée sur la réduction de la pauvreté à l'appui des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD).
  • Préciser la politique retenue en matière de prêts et de dons en prenant en considération le niveau d'endettement soutenable des pays bénéficiaires et leur catégorie de revenu.
  • Mettre en place une approche de la programmation et de la mise en Suvre plus axée sur les résultats pour mettre à profit les enseignements tirés de l'expérience, et envisager d'intégrer les OMD ainsi que d'autres indicateurs pour en faire un cadre d'évaluation des performances.
  • Veiller à ce que les Programmes de bourses d'études et d'action culturelle concourent à l'affirmation de l'objectif fondamental de réduction de la pauvreté.
  • Accroître les ressources affectées aux services sociaux de base.
  • Renforcer la cohérence des politiques à l'appui du développement en encourageant un plus large débat public et en améliorant la capacité d'analyse du ministère des Affaires étrangères dans des domaines qui ont une incidence sur les pays en développement, tels que les échanges, l'agriculture et la pêche.
  • Confier au ministère des Affaires étrangères un rôle plus affirmé de chef de file dans les orientations qu'il donne aux autres ministères et intervenants afin de développer encore les synergies. Compte tenu de l'accroissement des ressources mobilisées au service de la coopération décentralisée, les régions autonomes et les autorités locales sont encouragées à développer des synergies avec les stratégies menées par l'Espagne sur le plan national, notamment les stratégies sectorielles et les stratégies par pays.
  • Poursuivre l'examen en profondeur de l'impact des prêts du FAD sur la réduction de la pauvreté afin d'améliorer l'appropriation à l'échelon local et l'efficacité de l'aide.
  • Accroître la responsabilité des pays partenaires en matière de gestion de l'aide, relier plus étroitement les projets individuels et les stratégies de réduction de la pauvreté conduites par les pays, et travailler à l'élaboration d'approches sectorielles avec d'autres donneurs.
  • Veiller à ce que les activités des ONG cofinancées par les administrations nationale et régionales soient cohérentes avec les stratégies par pays et les stratégies sectorielles menées dans le cadre de la politique espagnole de coopération pour le développement.
  • Continuer à développer et à renforcer les mécanismes de suivi et d'évaluation dans tout le système d'aide de l'Espagne, en particulier les prêts du FAD et les activités relevant de la coopération décentralisée.

Cet examen est également disponible dans Les Dossiers du CAD 2002, Volume 3, No. 2.

Visitez le site web de l'OCDE consacré à l'Espagne.

 

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