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Le choix de l’Afrique : statu quo ou agenda vert ?

 

L’Accord de Paris sur le climat marque la fin des vieilles habitudes pour les entreprises énergétiques. Pour la première fois dans l’histoire, plus de 150 pays développés et en développement se sont engagés à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais à quel point ces engagements sont-ils contraignants ? Et stimulent-ils l’action locale en Afrique ?

L’Accord de Paris de 2015 a relancé la lutte mondiale contre le réchauffement planétaire. Salué comme un tournant pour l’économie bas carbone, il est propice à la durabilité de la planète. En outre, l’unité politique qu’il suppose envoie un puissant signal économique en faveur de l’investissement dans l’énergie verte.

Cet Accord arrive à un moment où l’Afrique lutte pour traduire sa croissance en transformation structurelle et, dans cet objectif, revoir sa politique industrielle. Une diversification régionale des structures économiques, accompagnée d’investissements dans les infrastructures, notamment de l’énergie, de l’eau et des transports, établirait les bases nécessaires à la poursuite de la croissance économique et des changements structurels.

Par ailleurs, le changement climatique aggrave des risques (sécheresses ou inondations, hausse des températures et dérèglement des régimes pluviométriques) auxquels l’Afrique est déjà particulièrement vulnérable étant donné ses carences en infrastructures et capacités institutionnelles. Par conséquent, les pays africains doivent construire des économies résilientes. L’Accord de Paris, ainsi que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 qui l’a précédé, définissent des orientations claires pour la croissance et l’investissement futurs.

L’Accord de Paris est mondial, mais sa mise en œuvre dépend largement d’actions nationales décisives. Une action résolue et plus ambitieuse des États et des entreprises dès aujourd’hui sera déterminante. Cette action dépendra de leur manière d’appréhender les gains et pertes qui lui seront associés. En préparant les négociations de Paris, les pays ont annoncé leurs contributions prévues déterminées au niveau national (CPDN), dont la concrétisation est fondamentale pour aboutir à un monde bas carbone tout en faisant progresser le développement durable. La démarche repose sur les engagements, pris par 187 pays, de réduire de façon croissante les émissions de carbone à partir de 2020 : riches et pauvres, ils s’y sont engagés pour la première fois dans l’histoire. Les engagements actuels ne sont pas suffisants pour limiter le réchauffement global à 1,5°C comme on le souhaite, mais l’Accord de Paris impose à chaque pays un suivi régulier des progrès. 

L’impératif pour l’Afrique

Les pays africains ont un choix : poursuivre sur une trajectoire inchangée ou contribuer à ouvrir la voie vers une nouvelle économie mondiale sobre en carbone. L’Accord de Paris met un terme aux vieilles habitudes dans le secteur énergétique et sonne le glas des combustibles fossiles. À l’évidence, les futurs investissements énergétiques devront être compatibles avec un monde zéro carbone. Aujourd’hui, les 6,5 % de PIB mondial dépensés pour subventionner les combustibles fossiles représentent quelque 5 300 milliards USD annuels. Si ces fonds étaient en partie réaffectés aux énergies renouvelables, le développement de celles-ci dans des régions pauvres en énergie comme l’Afrique deviendrait plausible.

En Afrique, la transformation structurelle passera impérativement par une conversion aux énergies renouvelables. Étant donné que le continent est doté de ressources considérables, leur adoption sera affaire de technologies perfectionnées et de prix favorables. À ces deux égards, les possibilités sont évidentes dans les économies émergentes du monde entier, et elles favoriseront la réalisation de l’objectif ambitieux de l’Accord de Paris en matière de réchauffement planétaire.

La transformation énergétique en Afrique doit donc privilégier avant tout le développement durable, pour trois raisons principales.

Premièrement, le marché mondial des renouvelables s’affirme, avec des investissements sans précédent en 2015. La baisse régulière des prix de certaines sources incite les investisseurs à trouver de nouveaux débouchés, et ils ont besoin de soutien public pour ouvrir le vaste marché relativement inexploité offert par l’Afrique.

Deuxièmement, l’Afrique a besoin d’une approche régionale pour aborder sa restructuration économique, en consolidant l’intégration régionale et en libérant les échanges pour faciliter les investissements infrastructurels, surtout énergétiques, afin d’alimenter la transformation économique. Le statu quo accroîtrait sa dépendance vis-à-vis des importations de combustibles fossiles d’ici à 2050, et son industrialisation ne progresserait que marginalement. De plus, en cherchant à combler l’écart entre l’offre et la demande, les pays aggraveraient considérablement cette dépendance.

Troisièmement, le déficit énergétique colossal de l’Afrique est imputable à de nombreux facteurs, mais l’essor démographique conjugué à l’afflux irrésistible de population dans ses agglomérations constitue son principal problème, ainsi que sa plus grande chance. C’est en effet l’une des plus importantes incitations pour les pays africains à exploiter les énergies renouvelables. L’urbanisation galopante est un immense défi pour les villes de tout le continent, où se profilent de graves crises énergétiques dues au déficit chronique d’infrastructures. Si l’Afrique persiste sur sa trajectoire actuelle, elle sera encore plus tributaire des importations d’énergies fossiles, et ses pays s’exposeront à des niveaux inacceptables d’insécurité énergétique. Le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) estime la consommation énergétique des zones urbaines à 75 % de la consommation totale. L’énergie renouvelable est la seule solution, en faisant des centres urbains en expansion des pôles d’innovation et de compétences. 

La croissance démographique ininterrompue ne peut qu’amplifier ces défis. D’ici à 2050, la population africaine devrait doubler, de 1,2 milliard d’habitants en 2015 à presque 2,5 milliards. D’après les scénarios élaborés pour la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA-ONU) par OneWorld Sustainable Investments, cette augmentation interviendra presqu’intégralement dans les villes, et la population urbaine dépassera 55 % du total en 2050. Dans toute l’Afrique, la hausse de la demande d’énergie s’explique principalement par la démographie, mais aussi par l’élargissement de la classe moyenne, l’augmentation des revenus des particuliers et les progrès de l’industrialisation. 

La CEA-ONU est toutefois optimiste quant à la perspective de retombées favorables, à condition qu’un agenda vert soit mis en œuvre. Affirmant qu’un approvisionnement énergétique fiable et abordable est crucial pour faire face à la croissance démographique et à l’urbanisation, et pour améliorer largement l’industrialisation, elle prévoit dans son agenda vert un recul annuel de 5 % des coûts de production de l’énergie entre 2015 et 2050, parallèlement à une progression de 400 % de la puissance électrique installée par habitant, de 300 % de l’investissement hydroélectrique et de 3 000 % de l’investissement dans les renouvelables. 

Cependant, la réussite de cet agenda dépend de politiques et incitations efficaces qui attirent les investisseurs. Aujourd’hui, plusieurs pays africains traversent une crise énergétique, et la conjoncture empire. Mais les crises stimulent le changement – celle de l’énergie en Afrique peut s’inverser en industrialisation positive, accélérant la croissance économique. Cependant, le temps presse, car l’urbanisation atteindra un seuil critique bien avant 2050. 

Où réside l’avantage stratégique de l’Afrique ? C’est à elle de le définir. L’application de l’Accord de Paris et des objectifs beaucoup plus ambitieux que les CPDN sont importants pour la solidarité politique et la diplomatie mondiale. Pour le développement socioéconomique et la transformation économique de l’Afrique, il est essentiel d’atteindre ces objectifs nettement plus exigeants. 

Voir le site www.oneworldgroup.co.za

Références

Denton, Fatima (2014), « A new development paradigm for Africa », conférence Barbara Ward 2014, 20 novembre, à la British Library, Institut international pour l'environnement et le développement 

CEA-ONU (2016), Rapport économique sur l’Afrique - Vers une industrialisation verte en Afrique, 2016, Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique

 

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‌‌‌‌Belynda Petrie

Belynda Petrie
PDG et cofondatrice, OneWorld Sustainable Investments 

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