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Parité et développement

Il faut investir dans l’économie des soins à la personne pour appuyer l’autonomisation des femmes et bâtir des sociétés résilientes en Asie du Sud-Est, selon un nouveau rapport SIGI

 

18/03/2024 - Les systèmes de soins à la personne en Asie du Sud-Est dépendent fortement des femmes, qu'elles soient prestataires rémunérées ou non. Avec la baisse des taux de fécondité et le vieillissement de la population, la demande en services de soins va croître rapidement, à court et à long terme. Dans ce contexte, les pays doivent prendre des mesures urgentes pour mettre en place des secteurs de soins à la personne qui soient formels, fiables et de qualité, selon le rapport régional 2024 de l’indice « Institutions sociales et égalité des genres » (SIGI) pour l’Asie du Sud-Est.

« Les tendances démographiques, éducatives et économiques convergent et placent l’Asie du Sud-Est à un tournant majeur. Pour la région, la formalisation de son économie de soins est à la fois un impératif  afin de renforcer le bien-être et la résilience de sa population, mais aussi une formidable opportunité d'accélérer l'autonomisation économique des femmes », a déclaré Ragnheiður Elín Árnadóttir, Directrice du Centre de développement de l'OCDE.

Malgré les réformes juridiques adoptées entre 2019 et 2023 visant à favoriser l’égalité des genres en Asie du Sud-Est, les discriminations juridiques persistent et les normes sociales se sont détériorées. Diverses restrictions juridiques continuent d'affecter l'autonomie des femmes et des filles : certaines législations n’établissent pas le principe d’une rémunération égale pour un travail de valeur égale ; des lois restreignent les droits des femmes à l'héritage ; des cadres juridiques ne protègent pas complètement les filles et les femmes contre toutes les formes de violence ; des lois empêchent un accès sécurisé à l’avortement. Par exemple, cinq pays sur 11 n’accordent pas aux femmes et aux hommes les mêmes droits pour conférer la citoyenneté à leurs conjoints.

Au-delà des lois formelles, les attitudes portant atteinte aux droits des femmes ont gagné du terrain entre 2014 et 2022. Au cours de cette période, la part de la population pensant que les hommes devraient avoir la priorité dans les emplois lorsque ceux-ci sont rares a augmenté de 12 points de pourcentage, et la part de la population justifiiant la violence domestique a également augmenté de 12 points de pourcentage. Ainsi, en 2023, 70 % des femmes d’Asie du Sud-Est vivent dans des pays où les discriminations au sein des institutions sociales sont jugées élevées ou très élevées.

Les normes sociales en Asie du Sud-Est continuent de considérer les soins à la personne comme une affaire privée et comme des services qui doivent être dispensés par les membres féminins de la famille, notamment aux enfants et aux personnes âgées, mais aussi aux proches malades et handicapés. Les systèmes nationaux de soins à la personne reposent donc principalement sur le travail de soins non rémunéré des femmes. Parallèlement, le secteur des soins rémunérés est fortement féminisé mais demeure sous-dimensionné et largement informel, ce qui accroît les vulnérabilités des travailleuses du secteur comme les travailleuses domestiques ou les travailleuses migrantes.

L’Asie du Sud-Est est donc confrontée à un cercle vicieux où les caractéristiques actuelles de l’offre de soins entravent la formalisation du secteur : la préférence pour les soins confiés à des membres féminins de la famille contribue au faible taux de recours aux services de soins externes, ce qui, en retour, diminue les incitations à développer des services de soins à la personne formels et à augmenter les dépenses publiques qui y sont liées.

Pour briser ce cercle vicieux, les pays d'Asie du Sud-Est doivent enclencher une dynamique positive par laquelle le développement d'une économie formelle de soins à la personne favorise l'autonomisation des femmes et un développement inclusif. En se fondant sur la hausse des niveaux d'éducation des femmes et la transition des économies de la région vers les services, le rapport anticipe une participation accrue des femmes au marché du travail et une réduction du temps consacré aux activités de soins non rémunérées. Cette perspective réduirait l’offre de services de soins à la personne dispensés dans le cadre familial et augmenterait la demande en services de soins formels payants.

D’après le rapport, les investissements publics et privés dans l’économie des soins à la personne généreraient d’énormes opportunités d’emploi formel, dont l’essentiel bénéficierait aux femmes compte tenu de la nature profondément genrée des soins. Les travailleuses du secteur passant d’un emploi informel à un emploi formel bénéficieraient d’un meilleur accès aux régimes de protection sociale et d’une amélioration des droits du travail. En parallèle, la fourniture de services de soins à la personne formels et abordables permettrait aux prestataires de soins actuellement non rémunérés, qui sont pour la plupart des femmes, de rejoindre le marché du travail, de s’y maintenir et/ou d’y consacrer plus de temps. Des secteurs de soins à la personne formels et robustes amélioreraient non seulement la qualité des soins, mais rendraient également les sociétés d’Asie du Sud-Est plus résilientes aux chocs externes, tels que les pandémies ou les crises induites par le changement climatique.

Pour concrétiser cette ambition, le Rapport régional SIGI 2024 pour l’Asie du Sud-Est recommande les actions suivantes :

 

  • Encourager la formalisation des emplois en ciblant les petites et très petites entreprises, tout en développant des solutions innovantes pour améliorer les droits et les conditions de travail des travailleurs qui continueront d’opérer dans le secteur informel.
  • Élargir la couverture des systèmes de protection sociale pour stimuler le développement de services de soins à la personne formels.
  • Transformer les normes sociales qui façonnent la conception privée des systèmes de soins à la personne dans la région, y compris en s'engageant auprès des hommes et des garçons.
  • Réformer les lois sur le statut personnel, renforcer la législation protégeant les droits des femmes dans les sphères privée et publique et assurer leur application.

Les questions des médias doivent être adressées au Service de presse du Centre de développement de l’OCDE : Bochra.Kriout@oecd.org; tél.: +33 145 24 82 96.

 

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