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Développement

Halte à une injustice croissante

 

Selon les résultats choquants d’une nouvelle étude d’Oxfam, les 1 % les plus riches de la planète détiendront, si les tendances actuelles se poursuivent, plus de la moitié des richesses mondiales en 2016.

La fortune cumulée des milliardaires ayant des activités dans quelques secteurs économiques importants (finance, secteur pharmaceutique, soins de santé) a augmenté de 47 % entre 2013 et 2014. Les entreprises de ces secteurs consacrent chaque année des millions de dollars à des activités de lobbying visant à créer un contexte politique servant leurs intérêts.

Au-delà de l’injustice patente et de l’immoralité de cette situation, les 99 % restants de la population mondiale ont-ils des raisons de s’inquiéter ? Certainement, car ce phénomène a un effet délétère sur le fondement même de nos sociétés, dont le bon fonctionnement repose sur la protection des droits de l’homme et la promotion de l’égalité des chances.

Les gouvernements et les institutions publiques doivent servir les citoyens, et non des intérêts particuliers. Il leur incombe de préserver les droits de l’homme, y compris contre certains intérêts commerciaux, et d’assurer des financements publics adaptés pour promouvoir des sociétés en bonne santé, éduquées et productives, sans laissés-pour-compte.

Nous devons instaurer un système économique et politique qui permette de remédier aux facteurs à l’origine de l’explosion actuelle des inégalités, qui valorise chaque citoyen et favorise des politiques de redistribution des richesses et du pouvoir actuellement concentrés entre les mains de quelques privilégiés.

L’année 2015 offre aux gouvernements une occasion rare, qu’ils ne doivent pas laisser échapper, d’ouvrir la voie à des changements profonds, avec trois sommets importants – la conférence sur le financement du développement à Addis-Abeba en juillet, le sommet sur l’après-2015 en septembre et la COP21 à Paris en décembre.

Il est crucial, en premier lieu, que les États y soient représentés au plus haut niveau. Le sommet d’Addis-Abeba pourrait conditionner la réussite ou l’échec des deux autres. C’est là que les responsables politiques devront prendre des engagements permettant d’augmenter sensiblement les ressources publiques domestiques et internationales permettant de financer les ambitieux objectifs de développement durable (ODD) qui doivent être approuvés en septembre. Ceux-ci devront viser non seulement une élévation du revenu des 40 % les plus pauvres, mais aussi une réduction du fossé qui sépare ceux-ci d’une petite élite fortunée.

Pour atteindre ces objectifs, plus de 2 000 milliards USD pourraient être nécessaires, dont les trois quarts devront provenir de nouvelles sources de financement public. Les gouvernements devront faire beaucoup plus pour exploiter le potentiel des ressources intérieures, comme la fiscalité, pour augmenter les recettes publiques. L’évasion fiscale des entreprises ferait perdre chaque année 100 milliards USD aux pays en développement. En prenant des mesures énergiques pour la contrer et en mettant fin à la concurrence fiscale dommageable et à l’opacité financière, les gouvernements pourraient libérer une partie de ces ressources.

C’est pourquoi  Oxfam milite pour l’établissement d’un nouveau processus où tous les gouvernements pourraient œuvrer collectivement à la réforme des règles fiscales biaisées qui contribuent à ce que des sommes considérables se déversent dans les caisses des entreprises multinationales et des pays riches.

L’aide reste également un facteur essentiel de l’équation du financement. Les donneurs doivent confirmer leur engagement de consacrer 0,7 % de leur RNB au développement international. Par exemple, les pays donneurs qui composent le Comité d’aide au développement de l’OCDE pourront mobiliser 250 milliards USD supplémentaires par an s’ils concrétisent d’ici 2025 cet objectif fixé par l’ONU. Il existe des moyens innovants de lever des fonds : intensifier, dans les limites des capacités, les apports concessionnels provenant des opérateurs sud-sud, taxer les combustibles de soute et les transactions financières et émettre des droits de tirage spéciaux du FMI.

Les apports privés ont également un rôle important à jouer dans le développement international, mais uniquement s’ils sont acheminés dans de bonnes conditions. Les financements privés sont trop souvent mobilisés par des moyens obscurs et non contrôlés, qui peuvent provoquer des atteintes à l’environnement, des injustices sociales et des violations des droits de l’homme. Les donneurs et les gouvernements devraient financer en priorité des projets qui donnent les meilleurs résultats pour les pauvres et maximisent les progrès vers les ODD. Pour que le financement du développement puisse transiter par les entreprises, celles-ci devront être soumises à une réglementation beaucoup plus rigoureuse.

Mais l’argent n’est pas le seul problème. L’emballement du changement climatique risque de saper tous les progrès accomplis en termes de développement humain, réduisant à néant des décennies d’avancées spectaculaires dans la lutte contre la faim et la pauvreté.

Le changement climatique est, lui aussi, à l’origine, un problème d’inégalité. Pendant des décennies, les plus riches ont émis des quantités excessives de GES, laissant les plus pauvres en subir les conséquences catastrophiques. La lutte contre les inégalités et celle contre le changement climatique doivent être menées de front.

Les négociateurs devront venir à Paris en novembre-décembre avec un mandat clair pour amorcer un tournant décisif. En ce qui concerne le financement climatique, il ne s’agit nullement de charité, mais d’une obligation légale incombant aux pays qui sont en grande partie à l’origine de la crise actuelle et qui ont les moyens d’apporter des solutions. Souhaitons que l’année 2015 soit celle qui verra nos dirigeants assumer leurs responsabilités face à cette injustice croissante. 

Byanyima, Winnie (2014), « La fiscalité s’impose », L’Annuel de l’OCDE 2014

www.oxfam.org

www.oecd.org/fr/cad

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