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Développement

Un gain pour la planète est un gain pour l’humanité

 

Les destinées de l’humanité et de l’environnement sont comme les deux faces d’une même pièce ; c’est pourquoi nous devons nous concentrer non plus seulement sur le développement, mais sur le développement durable. Pour cela, nous devons construire des coalitions mondiales pour progresser sur un certain nombre de questions.

Ces dernières décennies, le développement humain a connu des progrès sans précédent. L’extrême pauvreté a diminué de moitié, tout comme la mortalité infantile. Le nombre de victimes du paludisme a été divisé par deux en 15 ans. Le poliovirus, qui a mutilé des milliers de personnes, a été éradiqué en Inde l’année dernière et n’existe plus que dans trois pays. Le monde est plus pacifique et les gens sont généralement plus riches, en meilleure santé et mieux éduqués que jamais.

Mais l’environnement va mal. Plantes et animaux disparaissent à une vitesse inégalée depuis les dinosaures. L’eau, les sols et de nombreuses ressources naturelles, notamment halieutiques, sont surexploitées. Nos émissions de carbone peuvent provoquer un changement climatique catastrophique.

L’environnement et le développement ont trop longtemps été considérés comme deux questions distinctes. C’est absurde. Ce qui est bon pour l’environnement est presque toujours bon pour l’humanité. Tant qu’ils connaîtront la pauvreté ou la guerre, les gens n’auront pas les moyens ni la volonté de protéger l’environnement. Le destin de la planète et celui de l’humanité sont interchangeables. Il faut donc considérer l’environnement et le développement comme un même enjeu s’agissant de l’action publique et du financement.

Les nouveaux Objectifs des Nations Unies pour le développement durable, qui seront adoptés cette année, prennent cette réalité en compte. Pour la première fois, le monde entier s’unira pour éradiquer la pauvreté et promouvoir le développement sans détruire la planète.

Il s’agit d’une occasion exceptionnelle, notamment parce que nous approchons peut-être du pic de destruction de notre environnement. En 2014, pour la première fois depuis 40 ans, les émissions mondiales de carbone ont marqué le pas, sans lien avec une crise économique. Le nombre de tigres en Inde a progressé de 30 %. Les Nations Unies ont lancé un programme d’action pour protéger une grande partie de nos remarquables océans. Le Brésil a réussi l’exploit de réduire la déforestation de 80 %. En Norvège, mon pays, la nature ne s’est jamais aussi bien portée depuis la révolution industrielle. Le succès est contagieux !

De plus, et pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, nous disposons du savoir et des ressources nécessaires pour éliminer la pauvreté et écologiser nos économies. Nous devons simplement identifier les mesures efficaces et les appliquer au niveau mondial. Une plus large part des 20 000 milliards USD d’investissements annuels prévus dans les 15 prochaines années devra être consacrée à l’écologisation de nos économies.

Nos efforts ne seront couronnés de succès que si nous travaillons ensemble. C’est pourquoi des initiatives conjointes doivent être créées pour relever des défis spécifiques du développement durable. Voici cinq initiatives qui auraient un effet bénéfique immédiat sur les individus et la planète. Il s’agit de montrer le chemin à suivre et de mobiliser la volonté politique.

1. Lancer une initiative mondiale pour éliminer les subventions aux combustibles fossiles. Environ 550 milliards USD sont dépensés en subventions chaque année, majoritairement dans les pays en développement. Certains pays pauvres consacrent davantage d’argent aux subventions au pétrole bon marché qu’à la santé et l’éducation réunies. Les subventions aux combustibles fossiles sont coûteuses, bénéficient principalement à la classe moyenne supérieure et aggravent la pollution. Un mécanisme de versements en amont permettrait aux États de fournir aux pauvres des prestations (systèmes de décaissement) et des services publics plus performants avant de supprimer les subventions aux combustibles, parfois populaires mais inefficientes.

2. Renforcer la coalition ONU-REDD pour la forêt tropicale. Le Programme ONU-REDD est une initiative du Brésil, de l’Indonésie, d’autres nations abritant des forêts tropicales et de quelques donneurs visant à protéger la forêt. La déforestation est à l’origine d’environ 15 % des émissions mondiales de carbone. Quelque 20 millions de personnes, soit plus que la population des pays scandinaves réunis, habitent l’Amazonie brésilienne. La forêt tropicale abrite au moins 10 % des espèces animales et végétales connues. L’ONU-REDD entend lutter contre la déforestation et fournir des moyens de subsistance (tourisme, activités manufacturières, bioprospection) aux habitants des forêts tropicales. Sous la direction du Brésil, il a contribué à réduire de 80 % la déforestation de l’Amazonie. Wilmar, premier producteur asiatique d’huile de palme, s’est engagé à ne plus participer à la déforestation. C’est une victoire formidable. Nous pouvons encore mieux faire !

3. Écologiser les systèmes agricoles mondiaux. Il faut augmenter la production agricole pour nourrir une population de bientôt 9 milliards d’individus sans détruire la planète. La moitié des principales terres arables du monde sont déjà perdues. Plus d’un quart de l’agriculture mondiale occupe des zones à fort stress hydrique et le changement climatique devrait provoquer plus de sécheresses et d’inondations. Les trois quarts des populations mondiales les plus pauvres dépendent de l’agriculture.

Des politiques et des investissements plus adaptés sont nécessaires pour transformer et écologiser le secteur. En appliquant les droits de propriété, en facilitant l’accès aux marchés et au crédit et en introduisant de meilleures variétés de riz, le Vietnam, autrefois gros importateur de riz, en est devenu le deuxième exportateur mondial. Grow Africa est une coalition du Forum économique mondial, d’États africains et d’entreprises multinationales qui œuvrent conjointement au développement et à l’écologisation de l’agriculture africaine. L’amélioration des variétés de semences et des techniques d’irrigation permettrait d’augmenter les rendements et les revenus agricoles tout en réduisant l’impact environnemental. Grow Africa a déjà bénéficié de 10 milliards USD provenant de 200 entreprises. Il faut développer ce type d’alliances !

4. Fédérer la planète pour protéger l’océan. Une telle initiative est nécessaire pour protéger nos océans menacés par le changement climatique, la pollution et la surpêche. Les pays en développement perdent des milliards de dollars à cause de la pêche illicite ou non déclarée alors que la pêche durable pourrait accroître la valeur des pêcheries mondiales de plus de 60 milliards USD. Nos magnifiques récifs coralliens abritent de nombreuses espèces et protègent les populations côtières des aléas climatiques. Mais les récifs du monde entier sont menacés par le changement climatique et la pollution. Protéger les océans, c’est agir pour le bien de l’humanité et de l’environnement.

5. Financer l’énergie verte dans les pays en développement. L’initiative Power Africa, portée par le Président Obama, et la coalition Énergie durable pour tous, menée par le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon, visent à fournir de l’énergie propre aux 1,3 milliard d’individus privés d’accès et aux 2,6 milliards d’individus contraints d’utiliser au quotidien des biocombustibles polluants. Ces initiatives sont complétées par de nombreuses mesures nationales efficaces, comme le programme brésilien Lumière pour tous. La Chine est le premier investisseur mondial dans les énergies vertes. L’Éthiopie aspire à devenir un pays à revenu intermédiaire sans augmenter ses émissions de carbone.

Les milliards de dollars nécessaires pour financer les énergies vertes dans les pays en développement seront principalement assurés par des apports de capitaux privés. L’aide au développement peut être utilisée plus efficacement pour limiter les risques et mobiliser davantage de ressources privées. Fonds de pension et fonds souverains possèdent des milliers de milliards de dollars. Des fonds qui, comme le Rockefeller, abandonnent les combustibles fossiles pour investir dans l’énergie verte sont des modèles à suivre. Les fonds souverains qui tardent à le faire, comme le Fonds norvégien, devraient rendre des comptes.

Ce qui est bon pour l’environnement est bon pour le développement. Réduire les subventions aux combustibles fossiles, protéger les forêts et l’océan et investir dans l’agriculture verte, serait assurément un bon début. Mettons-nous au travail !

 

Références

AIE (2014), World Energy Outlook 2014, Éditions OCDE

Gassert, Francis (2013), « One-Quarter of the World’s Agriculture Grows in Highly Water-Stressed Areas », www.wri.org

OCDE (2014), Fishing for Development: The Challenge of Combatting Illegal, Unreported and Unregulated (IUU) Fishing, Éditions OCDE

Sustainable Energy for All, « Achieving Universal Energy Access », www.se4all.org

Voir www.oecd.org/fr/developpement  

 

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