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Développement

Les femmes au service de la paix

 

Adoptée en 2000, la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies reconnaît pour la première fois la contribution essentielle des femmes à la prévention et au règlement des conflits. Cette résolution, acte symbolique et appel concret à l’action, confirme ce que nous avons constaté durant notre carrière diplomatique : l’implication des femmes dans les processus de paix accroît sensiblement les chances d’instaurer une paix durable. Depuis, le rôle des femmes dans la préservation et le renforcement de la paix est davantage souligné lors la Journée internationale des femmes, fêtée le 8 mars. Avec raison.

Pourtant, 16 ans plus tard, leur pleine participation aux efforts de paix comme négociatrices ou citoyennes se heurte toujours à des obstacles politiques, socioculturels et économiques considérables, que la résolution était censée aider à surmonter. C’est l’un des constats majeurs de la Commission sur la sécurité, la justice et la gouvernance mondiales, où nous avons l’honneur de siéger.

Notre rapport intitulé Confronter la crise de la gouvernance mondiale définit les inégalités entre les sexes comme un défi fondamental pour la gouvernance mondiale, surtout dans les situations de conflit, où les femmes subissent des dommages différents et disproportionnés par rapport aux hommes. Bien que la Résolution 1325 préconise une plus grande participation des femmes aux processus de paix, elles demeurent fortement sous-représentées dans les négociations menées par les Nations Unies. Une étude réalisée par l’UNIFEM/ONU Femmes révèle que, dans 14 cas étudiés depuis 2000, les femmes représentaient en moyenne moins de 8 % des membres des délégations chargées des négociations de paix, et moins de 3 % des signataires.

Aujourd’hui, seulement deux des 22 Sous-secrétaires généraux des Nations Unies sont des femmes, et dans les missions des Nations Unies, elles représentent moins d’un tiers du personnel civil international, 21 % des cadres supérieurs et seulement 18 % du personnel national. L’Étude mondiale sur la mise en œuvre de la Résolution 1325 montre que seulement 54 pays ont élaboré un Plan d’action national sur la Résolution 1325. Des régions entières, notamment les Amériques et le Moyen-Orient, sont à la traîne.

En attendant, le calvaire de millions de femmes, d’hommes et d’enfants du Grand Moyen-Orient, qui cherchent refuge en Europe et ailleurs, nous rappelle qu’il faut agir d’urgence pour prévenir les guerres ou y mettre fin. Qu’il s’agisse de siéger à la table des négociations ou de créer l’assise d’une réconciliation pérenne et de la coexistence pacifique, les femmes sont prêtes à contribuer, lorsque la possibilité leur en est donnée, à la définition des solutions équitables et durables indispensables pour réduire les souffrances humaines.

Afin de garantir que la voix des femmes sera entendue et que les décideurs seront davantage tenus responsables, en particulier dans les États fragiles, notre commission propose plusieurs innovations en faveur du principe de la « sécurité juste ».

Premièrement, renforcer le rôle des femmes dans les processus de paix. Les institutions mondiales et régionales devraient nommer des femmes à des fonctions importantes dans le processus de rétablissement de la paix. Les acteurs internationaux accompagnant le processus de paix devraient exiger l’intégration de femmes parmi les négociateurs et les signataires, pour garantir que leur expérience et leurs priorités seront prises en compte.

Deuxièmement, faire des Plans d’action nationaux sur la Résolution 1325 un outil constructif de la politique étrangère. Incorporer ces Plans dans la politique étrangère des pays peut assurer et maintenir la volonté politique et les ressources nécessaires pour garantir que leurs objectifs seront réalisés sous la responsabilité des dirigeants.

Troisièmement, s’attaquer aux facteurs socioéconomiques qui désavantagent le statut social des femmes. La commission reconnaît plusieurs de ces facteurs, dont le défaut d’accès à l’éducation, aux services de santé reproductive et à un travail décent dans l’économie formelle.

Enfin, la Commission souscrit pleinement à l’objectif des Nations Unies de donner aux femmes les moyens d’accéder aux fonctions de dirigeant national et mondial au XXIe siècle. La campagne pour faire élire une femme Secrétaire générale de l’ONU, organisée par un groupe d’intellectuelles et de responsables associatives, illustre parfaitement ces efforts.

D’autres organisations internationales, comme l’OCDE, progressent dans la réduction des inégalités entre les sexes. Outre l’un de ses quatre Secrétaires généraux adjoints, la directrice de Cabinet de l’OCDE, son Chef économiste et son Chef statisticien sont des femmes, et l’Organisation a intensifié ses efforts pour promouvoir l’égalité des sexes à travers son Portail de données sur l’égalité femmes-hommes, le portail Wikigender et de nombreux rapports et études.

Mais les pays, y compris certains membres de l’OCDE, sont encore loin d’avoir réalisé les changements nécessaires pour éliminer les discriminations. Les femmes, surtout pendant ou après les conflits violents, peinent trop souvent à accéder à des moyens d’existence dignes et à exercer un pouvoir de décision, manquent d’accès aux services essentiels et subissent de graves dommages physiques et mentaux, triptyque délétère dévastant leur vie et entravant leur participation à la vie sociale. Les idées exposées ci-dessus devraient être appliquées d’urgence. Nous ne commencerons à répondre aux défis les plus pressants pour la gouvernance mondiale que lorsque les femmes, dont la représentation parmi les victimes est disproportionnée, feront partie de la solution. Il est donc indispensable que toutes les organisations s’emploient activement à promouvoir l’équilibre entre les sexes.

Haifa Fahoum Al Kaylani et Ibrahim Gambari siègent tous deux à la Commission sur la sécurité, la justice et la gouvernance mondiales. 

Références

Institut de La Haye pour la justice mondiale et Centre Stimson (2015), « Confronter la crise de la gouvernance mondiale », résumé exécutif du Rapport de la Commission sur la sécurité, la justice et la gouvernance mondiales, juin

ONU Femmes (2010), Women’s Participation in Peace Negotiations: Connections between Presence and Influence

ONU Femmes (2015), Prévenir les conflits, transformer la justice, obtenir la paix. Étude mondiale sur la mise en œuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies

Voir www.unwomen.org/fr et http://www.stimson.org/programs/global-security-justice-and-governance

 

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‌‌‌‌Haifa Fahoum Al Kaylani

Haifa Fahoum
Al Kaylani
Présidente fondatrice,
Forum international 
des femmes arabes

Ibrahim Gambari

I‌brahim Gambari
Ancien ministre des
Affaires étrangères du
Nigéria et
Sous-secrétaire
général des Nations 
Unies chargé des 
Affaires politiques

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