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Examens par les pairs des membres du CAD

La Belgique (2005) Examen par les pairs - Principales conclusions et recommandations

 

Le dernier examen est disponible à www.oecd.org/cad/examenspairs/belgique

  • Voir également l'aide de la Belgique - aperçu synthétique
  • Le rapport complet est disponible sous la rubrique "Documents connexes" ci-dessous

 

Le cadre général et les nouvelles orientations l Le volume et la répartition de l’aide l La cohérence des politiques au service du développement l La gestion et la mise en œuvre de l’aide l L’aide humanitaire

LE CADRE GÉNÉRAL ET LES NOUVELLES ORIENTATIONS

Une dynamique de réforme

Depuis 2001, la Belgique a engagé des réformes et pris des mesures lui permettant de s’adapter au nouveau contexte international de la coopération au développement, tout en prenant en considération les recommandations du précédent examen. L’inscription dans un cadre légal de l’objectif de 0.7 % du revenu national brut (RNB) alloué à l’aide publique au développement (APD) d’ici à 2010, le renforcement de la concentration géographique de l’aide, l’ajustement de la stratégie fédérale sur les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et la consolidation de la structure institutionnelle mise en place suite à la réforme de 1999 en sont des illustrations positives.

 

La Belgique souhaite aujourd’hui inscrire son action dans le cadre de la Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide, ce qui nécessite qu’elle adapte ses instruments et de ses modalités d’acheminement de l’aide. Son engagement comme chef de file en République Démocratique du Congo (RDC) pour l’exercice pilote de mise en œuvre des principes pour une bonne pratique de l’engagement international dans les États fragiles témoigne de sa détermination.

 

Cette dynamique de changement a bénéficié du Plan Copernic mis en place au début des années 2000 pour réformer l’administration publique fédérale belge. Il a conduit en 2003 à l’intégration de la coopération au développement au sein du nouveau Service public fédéral des Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au développement (SPFAE), sous la forme de la Direction générale de la coopération au développement (DGCD). Ce plan favorise l’introduction d’une gestion axée sur les résultats. Un processus de rationalisation administrative a démarré en 2004, qui a conduit à une plus grande recherche de cohérence interne au sein du SPFAE et a permis d’identifier les blocages concernant la mise en œuvre des programmes d’aide. L’apport d’expertise supplémentaire et la mise en place de mesures favorisant un contrôle des dépenses ex post plutôt que ex ante pourraient en être des résultats significatifs.

 

Les efforts engagés doivent être poursuivis, d’une part pour consolider les acquis des réformes, d’autre part pour développer une approche plus stratégique des différents acteurs de l’aide et, enfin, pour prendre en compte l’évolution des besoins, en particulier au niveau des ressources humaines, liés à l’accroissement du budget de la coopération et à la mise en place de nouvelles modalités de l’aide.

 

Un cadre législatif et institutionnel propice à l’engagement en faveur des OMD

La loi du 25 mai 1999 est la référence de la politique de coopération au développement de la Belgique. L’objectif prioritaire en est le développement humain durable, à réaliser par le biais de la lutte contre la pauvreté, sur la base du concept de partenariat et dans le respect des critères de pertinence pour le développement définis par le CAD. La loi instaure le principe de concentration géographique et sectorielle de l’aide. L’APD bilatérale directe belge est ciblée sur 18 pays et sur cinq secteurs de concentration : i) les soins de santé de base; ii) l’enseignement et la formation ; iii) l’agriculture et la sécurité alimentaire ; iv) l’infrastructure de base ; et v) la prévention des conflits et la consolidation de la société. S’y ajoutent trois thèmes transversaux, relatifs au genre, à l’environnement et à l’économie sociale. Par ailleurs, l’engagement pris à Monterrey de porter l’APD de la Belgique à 0.7 % du RNB en 2010 a été inscrit dans la loi en 2002. A partir de 2003, la nomination au rang de ministre du membre du gouvernement en charge de la coopération au développement marque la place acquise par celle-ci au sein de la politique gouvernementale.

 

La note de politique du ministre de la Coopération au développement d’octobre 2004 affirme le caractère central des OMD pour la politique belge de coopération. Cette option se traduit par un ciblage conséquent sur les pays les moins avancés (PMA) et par le maintien d’une coopération belge importante dans les États fragiles d’Afrique centrale. Elle devra à l’avenir amener la Belgique à porter davantage d’attention à l’accès aux services sociaux de base et à l’égalité homme femme, mais également à la lutte contre le VIH/sida et à la protection des droits de l’enfant, deux thèmes qui sont actuellement peu pris en compte. Le ministre place par ailleurs au niveau de priorités stratégiques la recherche d’efficacité et le renforcement de la cohérence. La mise en oeuvre de ces orientations positives nécessite un approfondissement de l’effort engagé pour simplifier les procédures et développer les complémentarités entre les différents canaux d’acheminement de l’aide. La Belgique pourrait en effet renforcer son impact par une plus grande rationalisation de ses outils.

 

Le Parlement belge exerce un rôle de suivi de la politique de coopération et participe aux orientations de la politique à travers son rôle législatif. Il mène un plaidoyer vis-à-vis du gouvernement en faveur de la tenue de l’engagement des 0.7 %. Les acteurs de la coopération indirecte, en particulier les ONG et les universités, jouent également un rôle important en matière de plaidoyer, d’éducation et de mobilisation pour le développement. Ils bénéficient pour cela d’un appui conséquent de la DGCD. L’éducation au développement et la communication, secteurs dans lesquels la DGCD accroît son effort, doivent demeurer des lieux d’investissement prioritaires compte tenu de la faible connaissance du public belge concernant les questions de développement et les actions menées au niveau fédéral dans ce domaine.

 

La défédéralisation de la coopération au développement en suspens

La coopération au développement reste actuellement à 95 % du ressort du niveau fédéral belge. Toutefois, la question de sa défédéralisation, c’est-à-dire du transfert de certaines parties de la coopération au développement aux entités fédérées, selon les compétences qui leur sont attribuées dans l’ordre interne, demeure d’actualité. En effet, ce principe figure dans la loi spéciale du 13 juillet 2001 portant transfert de diverses compétences aux Régions et Communautés, et a été confirmé dans une déclaration gouvernementale de juillet 2003.

 

Le ministre de la Coopération, tout en rappelant que la coopération au développement demeure une compétence fédérale, cherche à développer, en conformité avec les lois de 1999 et 2001, les synergies entre la coopération fédérale et les coopérations des entités fédérées, qui peuvent mener des actions dans le prolongement de leurs compétences. Il n’exclut pas d’augmenter la part des budgets alloués à celles-ci dans le cadre de la négociation pour l’atteinte de l’objectif budgétaire des 0.7 %, sous réserve du maintien d’une cohérence globale.

 

Les risques de la défédéralisation en termes de dispersion et de perte d’efficacité, de pertinence et de cohérence, qui avaient été identifiés en 2001 par le CAD, restent réels. A l’heure où la Déclaration de Paris appelle à plus d’harmonisation, et alors que la Belgique souhaite jouer un rôle moteur dans la définition d’une politique européenne de coopération plus cohérente, il est essentiel que son dispositif institutionnel s’inscrive dans cette perspective d’efficacité de l’aide et lui donne les moyens de jouer son rôle au niveau international.

Recommandations

  • La Belgique est invitée à consolider et stabiliser l’architecture de la coopération au développement, en adaptant les instruments existants pour renforcer les synergies et les complémentarités.
  • La Belgique devrait poursuivre la politique d’éducation au développement et renforcer la politique d’information en vue d’accroître l’adhésion du public aux objectifs internationaux du développement et à l’action gouvernementale en ce domaine.
  • Il est important, quelles que soient les solutions institutionnelles qui seront adoptées, de maintenir toute la compétence de la coopération au développement au niveau fédéral, sans préjudice pour les entités fédérées de mener des actions de coopération dans leurs domaines de compétence propres, afin d’assurer la cohérence et l’efficacité de l’aide de la Belgique.

 

LE VOLUME ET LA RÉPARTITION DE L'AIDE

Un enjeu : poursuivre la hausse de l’APD conformément à l’engagement national

Après un pic à 1.85 milliard USD en 2003 résultant d’une importante opération de remise de dette, l’APD belge est revenue en 2004 à un niveau de 1.46 milliard USD. Le ratio APD/RNB connaît une évolution en dents de scie, liée aux opérations de remise de dette. Il est ainsi passé de 0.43 % en 2002 à 0.60 % en 2003, avant de revenir à 0.41 % en 2004. On note néanmoins une reprise sensible du financement public de l’aide depuis 1999. En 2004, la Belgique se situait au neuvième rang des pays du CAD en terme de pourcentage du RNB, avec un ratio supérieur à la moyenne du CAD (0.25 %) et presque égal à l’effort moyen par pays (0.42 %). Elle s’inscrit donc dans l’objectif des États membres de l’Union européenne de consacrer 0.33 % de leur RNB à l’APD d’ici à 2006, et son engagement d’atteindre le ratio de 0.7 % dès 2010 la place au-delà des engagements européens d’atteindre le taux de 0.51 % en 2010 et de 0.7 % en 2015.

 

Un cadre de croissance a été élaboré pour assurer le respect de l’engagement belge. Compte tenu du poids des opérations de remise de dette dans le gonflement récent des chiffres de l’APD elles ont représenté jusqu’à 40 % de l’APD en 2003 il est essentiel de prévoir de nouveaux moyens budgétaires et/ou d’identifier de nouveaux moyens de financement, ceci alors que les autorités belges se sont engagées à maintenir l’équilibre des finances publiques. La programmation de ces moyens, les modalités de leur mise en œuvre ainsi que les besoins en ressources humaines constituent autant de défis sur lesquels le CAD encourage les autorités belges à se pencher sans tarder. La gestion d’un volume d’aide appelé à quasiment doubler entre 2004 et 2010 suppose un ajustement de la capacité de la DGCD et de la Coopération technique belge (CTB), d’autant que cette aide accrue devrait davantage se traduire par des flux d’argent frais vers les pays partenaires. Ceux-ci pourraient renforcer, à travers des choix budgétaires appropriés, la mise en œuvre des orientations stratégiques de la coopération belge pour la réalisation des OMD.

 

Coopération bilatérale : poursuivre la concentration géographique et sectorielle

L’acteur clé de la coopération belge est la DGCD, qui gère, de façon directe ou indirecte, environ 60 % de l’APD. Le Service public fédéral des Finances, qui gère les prêts d’État à État et les contributions aux organisations internationales, soit 10 % de l’APD, est également un acteur important. Par ailleurs, certaines directions générales du SPFAE autres que la DGCD ont un rôle important, le ministre des Affaires étrangères étant compétent pour ce qui est de la prévention des conflits et d’une partie de l’aide humanitaire (soit 5 % du budget de l’APD). S’ajoutent également les actions des Régions et des Communautés, des Provinces et d’un grand nombre de communes (5 % de l’APD), et pour une part variable selon les années, le traitement de la dette, géré par l’Office national du Ducroire. L’aide bilatérale de la Belgique est acheminée selon deux canaux : i) la coopération bilatérale directe (ou coopération gouvernementale), qui comprend les différentes formes d’aide gérées au niveau fédéral ou au niveau des institutions fédérées ; ii) la coopération bilatérale indirecte, constituée des programmes cofinancés par la DGCD mais préparés et exécutés par les acteurs dits indirects, qui sont essentiellement des ONG agréées, des universités et institutions scientifiques belges et des associations spécialisées dans la formation des ressources humaines des pays en développement. Par ailleurs, des programmes spéciaux incluent ce qui a trait à l’aide humanitaire et à la prévention des conflits, ainsi qu’au Fonds belge de survie (FBS). La coopération indirecte, en progression régulière, est importante, puisqu’elle représentait en 2003 29 % de l’APD globale de la Belgique hors opérations de désendettement. Les fonds spéciaux représentent quant à eux 20 % de l’aide gérée par la DGCD.

 

La concentration géographique de la coopération gouvernementale, qui est ciblée depuis 2003 sur 18 pays, est en progression sensible : les cinq principaux bénéficiaires de l’aide bilatérale ont reçu 64 % du total de l’aide bilatérale en moyenne en 2002-03, contre 34 % en 1997-98. Plus de la moitié de l’aide de la Belgique est allouée à des PMA, et une forte priorité est donnée à l’Afrique Centrale : cette région a reçu plus de 60 % de l’aide bilatérale versée par la Belgique en moyenne en 2002 03. Cet effort de concentration doit être maintenu car il permet d’améliorer l’impact de l’aide apportée par la Belgique. Aussi, il y aurait lieu de voir dans quelle mesure l’aide indirecte pourrait, compte tenu de son importance, être également associée à la recherche d’un plus grand ciblage géographique.

 

La stratégie de concentration sectorielle inscrite dans la loi vise à répondre de manière plus efficiente aux besoins des pays aidés et à permettre une intervention au niveau de l'ensemble d'un secteur. L’exemple du Maroc montre l’efficacité de cette stratégie. Toutefois, la concentration sectorielle, qui là encore ne concerne que l’aide gouvernementale, devrait être davantage mise en oeuvre. De même, la progression de l’aide allouée aux services sociaux et infrastructures de base devrait être poursuivie et la prise en compte des thèmes transversaux amplifiée, dans la perspective de l’atteinte des OMD. Ceci pourrait appeler une révision des modalités de la coopération indirecte, afin de permettre une meilleure adéquation du dispositif de coopération aux objectifs poursuivis.

 

Vers une approche plus stratégique de l’aide multilatérale

L’aide multilatérale représente 20 % de l’APD nette de la Belgique, une part qui monte à 30 % si l’on prend en compte les financements affectés (projets multi-bilatéraux et aide d’urgence). Une politique de concentration sur 12 organisations prioritaires est en cours mais se heurte à la complexité croissante de l’architecture internationale de l’aide. Parallèlement, la Belgique cherche à promouvoir une approche plus stratégique. Celle-ci pourra être approfondie à l’avenir en s’inspirant des approches des autres donneurs et en valorisant davantage les enseignements de son expérience de coopération bilatérale au sein des instances de décision des organisations multilatérales.

Recommandations

  • La Belgique est encouragée à respecter l’échéancier qu’elle a établi et à affecter les moyens budgétaires correspondant à la programmation des ressources nécessaires pour atteindre l’objectif de 0.7 % d’ici 2010, en tenant compte de la composition de son APD et des prévisions concernant les remises de dette.
  • La Belgique est invitée à consolider l’effort de concentration géographique et à préserver la continuité des relations de coopération en maintenant inchangée la liste des 18 pays de concentration.
  • La Belgique est invitée à ré-examiner les modalités et la distribution sectorielle de son aide afin de s’assurer qu’elle appuie la mise en œuvre des stratégies sectorielles des pays partenaires et contribue substantiellement à l’atteinte des OMD.

 

LA COHÉRENCE DES POLITIQUES AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT

Vers une meilleure coordination en matière internationale pour la cohérence des politiques

L’attention à la cohérence des politiques est une préoccupation croissante du gouvernement de la Belgique. Celui-ci porte une attention particulière à la dimension de la sécurité ainsi qu’aux enjeux du commerce international. La Belgique promeut à cet égard la disparition des subventions à l'exportation des produits agricoles et la levée des mesures protectionnistes entravant les échanges en provenance des pays en développement. La recherche de cohérence est également mise en œuvre à travers l’effort poursuivi en matière d’allègement de la dette des pays lourdement endettés et la conduite d’une politique de déliement de l’aide publique allant au-delà des termes de la recommandation du CAD.

 

Le SPFAE, et en particulier la DGCD, ont un rôle stratégique en matière de coordination entre les départements ministériels (y compris les Communautés et les Régions) dans le domaine multilatéral et de la mondialisation. L’intégration de la Coopération dans le SPFAE, et la mise sur pied de mécanismes de concertation au sein du SPFAE et entre Services Publics Fédéraux a permis d’améliorer la coordination, notamment entre les pôles Diplomatie, Défense et Coopération. Toutefois, nombre de concertations ont lieu d’une manière ad hoc. L’amélioration de la cohérence requiert une structuration renforcée des mécanismes interministériels de concertation ainsi que la mise à disposition de ressources humaines spécialisées. Ceci permettrait d’aller au delà du partage d’information ou d’une coordination stratégique ponctuelle, et de mettre en place une approche stratégique commune incluant la recherche de synergies entre les différentes dimensions des relations de la Belgique avec les pays en développement. Ces évolutions sont d’autant plus nécessaires que la défédéralisation de compétences dans des domaines clés tels que le commerce extérieur, l’agriculture ou l’environnement, peuvent compliquer la recherche de cette cohérence et nécessitent la mise d’un dispositif d’arbitrage entre les instances fédérales et fédérées.

 

Améliorer la cohérence des politiques dans certains secteurs clés

L’analyse des différentes dimensions politique, économique et commerciale des relations de la Belgique avec la RDC illustre l’importance de la cohérence des politiques, notamment dans le cas d’un pays fragile, où la faiblesse institutionnelle se conjugue à l’exploitation illégale des ressources, alimentant l’instabilité et l’insécurité. En particulier, alors que la Belgique reste un partenaire commercial clé de ce pays, il serait utile que la dimension économique soit davantage intégrée dans l’analyse de la coopération, en sorte que puisse être définie une stratégie globale d’appui au développement de la RDC. Une plus grande clarification des intérêts économiques est pour cela nécessaire. Elle pourrait porter en premier lieu sur la contribution des investissements privés belges au développement économique de la RDC.

 

La Belgique devrait en second lieu continuer à renforcer le suivi du comportement des sociétés belges ayant des intérêts en RDC et des importations en provenance de RDC, dont celles de diamant et de coltan. Il y a là un enjeu clé en terme de cohérence avec la promotion de la paix et de la sécurité dans la région, un lien étant clairement établi entre l’exploitation et le commerce illégal des ressources et le trafic d’armes. Les efforts entrepris par la Belgique pour limiter les pratiques illégales doivent donc être poursuivis. Il convient à cet égard de souligner l’appui apporté par la Belgique aux travaux du Comité d’Investissement de l’OCDE, qui conduit actuellement une étude sur la conduite des affaires dans les zones à gouvernance faible, avec une analyse du cas de la RDC. A l’avenir, le point de contact national (PCN) belge chargé du suivi des directives de l’OCDE sur les entreprises multinationales pourrait être plus incisif dans le traitement des plaintes déposées concernant la RDC. Ceci supposerait un recours accru à l’expertise et l’instauration d’une communication plus forte avec la DGCD. Une meilleure articulation entre le secteur économique et commercial et la coopération au développement devrait également permettre de renforcer le lien entre la répression de la corruption et sa prévention. Au niveau de la gestion de l’aide, l’intensification de la lutte contre la corruption, souhaitée par le ministre, nécessitera d’introduire de nouveaux mécanismes tels que des clauses anti corruption, qui soient conformes à la recommandation du CAD de 1996 sur les achats financés par l’aide.

Recommandations

  • La Belgique est encouragée à finaliser et mettre en œuvre sa note stratégique transversale de long terme sur la cohérence entre les approches de l’aide au développement et les autres politiques sectorielles ayant un impact sur les pays en développement, y inclus les politiques commerciales, d’investissement international et de migration.
  • La Belgique devrait examiner les modalités d’une structuration renforcée des mécanismes interministériels d’information et de coordination, prenant en compte les spécificités du système institutionnel et prévoyant des moyens d’arbitrage entre les niveaux fédéral et fédérés.
  • La Belgique devrait tirer parti des travaux menés dans le cadre de l’OCDE pour poursuivre et amplifier ses efforts de promotion du respect du code de bonne conduite des entreprises multinationales, notamment en renforçant l’activité et les moyens du PCN.

 

LA GESTION ET LA MISE EN ŒVRE DE l'AIDE

Une coopération appréciée sur le terrain

La coopération belge jouit d’une bonne réputation et entretient de bonnes relations avec ses pays partenaires. Ceci tient notamment à la continuité des relations et à la qualité du dialogue instauré, permis par des équipes compétentes et motivées. Néanmoins, le système des commissions mixtes qui régit la coopération bilatérale directe s’avère rigide et lourd et gagnerait à être ré examiné, en vue de favoriser une relation de partenariat privilégiant l’appropriation et l’alignement et facilitant l’harmonisation avec les autres donneurs. Un tel réexamen devrait également viser à améliorer la prévisibilité de l’aide de la Belgique.

 

Clarifier les rôles des acteurs fédéraux et améliorer le cycle de projet

Un des principes de la réforme de la coopération bilatérale belge a été la séparation partielle de l’élaboration de la politique de coopération et de sa mise en oeuvre. Elle a conduit à la création d’une part de la DGCD, qui a pour mission l'élaboration et la coordination budgétaire et statistique des programmes de coopération, et d’autre part de la CTB, société anonyme de droit public à finalité sociale qui est le partenaire exclusif de la DGCD pour ce qui concerne la mise en œuvre de l’aide bilatérale directe. De nombreux efforts ont été menés pour délimiter les rôles des deux institutions et améliorer l’efficacité et la qualité du partenariat. Ces efforts doivent être poursuivis dans deux directions : i) augmenter la capacité d’exécution de la CTB afin d’éviter un blocage dans le déboursement d’une aide qui est appelée à augmenter ; ii) améliorer les conditions d’acheminement de l’aide. Pour cela, des clarifications devront être apportées quant à la répartition des fonctions de la DGCD et de la CTB. De même il importera de reconsidérer les modalités du cycle de projet en cherchant à repérer les dysfonctionnements et à alléger les procédures, y inclus par une simplification des modalités des contrôles financiers.

 

Les compétences du ministre de la Coopération en matière d’aide d’urgence et de prévention des conflits relèvent depuis 2004 du ministre des Affaires étrangères. Il importe de vérifier l’opérationnalité de la nouvelle division des tâches qui en découle, en termes de charge administrative et d’efficacité des processus de décision et de déboursement, et d’envisager le cas échéant d’autres aménagements institutionnels.

 

Adopter une approche plus stratégique vis-à-vis de l’ensemble des acteurs de l’aide

De multiples instances participent à la mise en œuvre de l’aide bilatérale : à côté de la CTB interviennent en effet, sur la base de cofinancements publics et selon des procédures et modalités très variées, nombre d’ONG et d’associations belges, mais aussi des syndicats, des universités, des institutions scientifiques, des villes et des communes. De même, le Fonds belge de Survie, ou encore BIO, la Société belge d’investissement pour les pays en développement, qui est le principal vecteur de l’appui au secteur privé dans les pays en développement, répondent à des modalités spécifiques. En conséquence, la DGCD ne gère en direct (avec une mise en œuvre par la CTB) qu’environ un tiers du volume d’aide qui lui est confié. Cet éclatement des canaux d’acheminement de l’aide permet une grande flexibilité, qui s’est révélée utile dans le cas des États fragiles. Mais, en réduisant la marge de manœuvre de la DGCD, il favorise la dispersion et peut nuire à la cohérence des interventions de la coopération belge, et donc à son impact. Il sera donc utile d’adopter une approche plus stratégique de l’ensemble des acteurs de l’aide, par une clarification des fonctions de chacun et la recherche plus systématique de synergies. L’actuel plan de management du Directeur Général de la Coopération au développement s’y emploie.

 

Une approche plus stratégique est en particulier nécessaire vis-à-vis des 135 ONG agréées, qui sont le premier vecteur de la coopération indirecte et bénéficient de cofinancements à hauteur de 75 à 85 % du coût des programmes présentés. Une réforme du système de cofinancement est en cours, qui vise à améliorer l’efficacité du dispositif par une meilleure prévisibilité des financements et un allègement de la tâche administrative de suivi. Cette réforme pourrait être également l’occasion de développer une approche plus stratégique du partenariat avec les ONG, sur la base d’une vision politique du cofinancement qui reste à définir. Cette vision devra prendre en compte le caractère spécifique et la valeur ajoutée de l’action des ONG, mais également les impératifs résultant de la nécessaire recherche de convergence et de complémentarité entre les programmes cofinancés et les objectifs de la coopération belge.

 

Cette approche plus stratégique serait également nécessaire vis-à-vis des autres partenaires de la coopération indirecte, en particulier les universités et les institutions scientifiques, afin de s’assurer qu’ils contribuent à l’atteinte des objectifs de la coopération belge avec efficience et sans duplication. D’autres instruments de la coopération belge devraient également être ré-examinés dans le même souci de cohérence. C’est notamment le cas pour BIO: bien que la DGCD en soit le principal financeur, cette dernière ne peut, pour des raisons statutaires, influer sur l’orientation de ses activités.

 

Vers une plus grande déconcentration

La responsabilité des ambassades belges en matière de coopération bilatérale directe a été accrue depuis 2000 suite à la création d’un nouveau cadre d’attachés de la coopération au développement. Toutefois, le niveau de délégation d’autorité reste limité tant sur le plan décisionnel que financier. La coopération multilatérale et la coopération indirecte échappent également largement au contrôle des représentations de la DGCD. Une plus grande déconcentration est souhaitable dans l’optique de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide. Elle suppose la mise en place d’une concertation plus étroite entre Bruxelles et le terrain en ce qui concerne les décisions d’orientation stratégique, une délégation des décisions concernant les projets de moindre envergure, un ré-examen des procédures financières pour privilégier la mise en place de contrôles a posteriori et non plus a priori, et une plus grande délégation du suivi de la coopération indirecte et de la coopération multilatérale. Ce mouvement de déconcentration pourra bénéficier de la culture de communication et de consultation actuellement développée à la DGCD. Il devrait être accompagné d’un accès renforcé à l’expertise sectorielle ou thématique, s’appuyant sur le nouveau service transversal d’Appui à la politique.

 

Rationaliser la gestion des ressources humaines

La Belgique fait face au double défi du renouvellement des ressources humaines de la coopération au développement et du maintien d’une expertise interne. De nombreux postes restent non pourvus par suite du manque d’agents statutaires, et ceci en dépit d’un recours important à du personnel contractuel. Cette situation affecte le bon fonctionnement de la DGCD. La réponse à ces défis est cruciale dans un contexte où il est nécessaire d’adapter la réponse à des besoins et des modalités de partenariat en évolution, et de prévoir l’accroissement de personnel qui sera nécessaire pour gérer l’augmentation programmée du volume de l’APD. Elle passe par une plus grande rationalisation de la gestion des ressources humaines, qui souffre de la juxtaposition de sept statuts différents.

 

Il y aurait lieu d’une part d’examiner les moyens de stabiliser le personnel du cadre intérieur, ainsi que le personnel temporaire compétent, afin d’atteindre les effectifs requis, et d’autre part, de revoir les conditions du concours d’entrée à la carrière externe. Il serait nécessaire également d’examiner les moyens permettant d’éviter que la juxtaposition de la carrière extérieure, réservée aux nouveaux attachés de la coopération, et de la carrière intérieure, dont les membres sont en poste à Bruxelles, ne crée une fracture préjudiciable au bon fonctionnement de la coopération. Il conviendrait enfin d’examiner les modalités nécessaires au maintien d’une expertise technique interne dans les secteurs où la coopération belge dispose d’un fort avantage comparatif, en tenant compte de l’expertise disponible à la CTB. Cette réflexion devra prendre en compte la création envisagée en 2006 d’un cadre unique Affaires étrangères (diplomatie, affaires consulaires, commerce et coopération) au niveau de la carrière extérieure.

 

Évaluation

Le secteur du suivi évaluation est en plein renouvellement, après une phase difficile traversée au début des années 2000. Un service d’évaluation interne a été mis en place en 2004 à la DGCD. Parallèlement, le service de l’évaluateur spécial, qui est compétent pour l’ensemble de la coopération au niveau fédéral, est également devenu opérationnel en 2004. Il est maintenant nécessaire d’accélérer le développement d’outils d’évaluation, de développer les supports adéquats pour la restitution et la capitalisation des leçons tirées des évaluations et de clarifier les rôles des différents acteurs de la coopération belge en matière d’évaluation, entre notamment la DGCD et le Service de l’Évaluation spéciale, et entre la DGCD et la CTB, afin d’éviter toute duplication. Un plan stratégique pluri-annuel pour l’évaluation pourrait ensuite être développé en vue de favoriser l’utilisation des évaluations par les acteurs de la coopération au développement. Il est également nécessaire de poursuivre la mise en place des outils adéquats pour une gestion axée sur les résultats.

 

Promouvoir l’efficacité de l’aide

La Belgique souscrit à la Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide au développement et cherche à la mettre en œuvre à travers son action dans chacun de ses pays partenaires, comme le montre l’adoption du principe de la cogestion. De même, si l’aide par projet reste la modalité dominante de la coopération belge, la Belgique a pris des mesures en vue de développer une approche plus programmatique de l’aide. Elle a ainsi démarré une phase pilote de trois ans qui prévoit que 15 à 20 % de l’aide bilatérale sera octroyée sous forme d’aide budgétaire générale. La Belgique s’investit également activement dans la promotion de la coordination et de l’harmonisation entre donneurs, et explore de nouvelles formes de coopération telles que les coopérations trilatérales.

La Belgique devrait maintenant développer une véritable stratégie dans le domaine de l’efficacité de l’aide en élaborant un plan pour la mise en œuvre de la Déclaration de Paris. Il lui faut pour cela mettre en perspective l’ensemble des ajustements en termes institutionnels et de procédures rendus nécessaires pour renforcer l’efficacité de l’aide, notamment : approfondir la politique de déconcentration, renforcer l’expertise nécessaire à la mise en œuvre d’une approche plus programmatique, réviser certaines règles de financement de la coopération qui rendent difficile l’harmonisation et l’alignement, adapter la CTB et ses modalités de coopération avec la DGCD aux nouveaux instruments (aide budgétaire, coopération déléguée, programmes conjoints, etc.), et enfin revoir le processus d’élaboration des notes stratégiques et le système des commissions mixtes pour mieux assurer l’alignement sur les stratégies nationales et améliorer la prévisibilité de l’aide.

Recommandations

  • La DGCD est invitée à renforcer les synergies et les complémentarités entre les différents canaux d’acheminement de l’aide, en privilégiant une approche plus stratégique des acteurs de la coopération indirecte, dans un souci d’amélioration de la cohérence et de l’efficacité de l’aide.
  • La Belgique devrait poursuivre la clarification des mandats de la DGCD et de la CTB, réviser les procédures en vue d’optimiser les capacités du système de coopération, et ré-examiner le rôle de la CTB dans la perspective des nouvelles modalités de l’aide.
  • La Belgique pourrait renforcer la déconcentration par une plus grande délégation de pouvoir aux bureaux de coopération des ambassades en matière de coopération gouvernementale et en matière de suivi de la coopération indirecte, tout en renforçant l’accès à l’expertise thématique et sectorielle.
  • La Belgique est encouragée à ré-examiner la gestion des ressources humaines de la DGCD dans une vision globale prenant en compte l’évolution des besoins, liée notamment à l’accroissement prévisible du budget de la coopération et au développement des nouvelles modalités de l’aide.
  • La Belgique est encouragée à poursuivre les efforts entrepris pour la réactivation de la fonction d’évaluation interne à la DGCD, en veillant à la complémentarité avec la fonction de l’évaluateur spécial et celle de la CTB.
  • La Belgique est invitée à développer un plan d’action pour l’efficacité de l’aide basé sur la Déclaration de Paris et décrivant les ajustements institutionnels, les aménagements de procédures et les besoins de formation pertinents dans cette perspective.

 

L'AIDE HUMANITAIRE DE LA BELGIQUE

Un programme d’aide humanitaire qui pourrait être étoffé

Le programme d’aide humanitaire de la Belgique est relativement réduit, encore qu’une attention accrue soit accordée à l’action humanitaire depuis quelque temps. La Belgique a souscrit aux Principes et bonnes pratiques pour l’aide humanitaire et est membre de diverses instances chargées de définir la stratégie en matière d’action humanitaire. Depuis le dernier examen par les pairs en 2001, les versements nets consacrés par la Belgique aux secours d’urgence sont passés de 26.6 millions USD à 110.8 millions USD en 2003. Ce volume représente 6 % des versements bruts d’APD, soit un taux qui reste inférieur à la moyenne du CAD de 7.4 %. Par ailleurs, la progression observée est imputable à l’aide aux « réfugiés dans les pays donneurs » et ne s’est donc pas traduite par des transferts supplémentaires au service des besoins humanitaires. Le niveau des financements alloués aux interventions humanitaires est resté constant entre 2000 et 2003, aux alentours de 33.5 millions USD.

 

Les structures et procédures de gestion de l’aide humanitaire sont complexes. La responsabilité de cette dernière est partagée entre le ministre des Affaires étrangères et celui de la Coopération au développement. Son administration, quant à elle, relève principalement de deux directions au sein de la DGCD, à savoir la Direction des programmes spéciaux et la Direction des programmes multilatéraux et européens. Ce système de gestion à deux têtes se reflète dans la structure du budget, qui est elle aussi fragmentée et loin d’être optimale du point de vue de la souplesse et de la rapidité de réaction. La configuration actuelle est lourde d’exigences au niveau de la coordination et de l’administration, dans un système disposant de peu de personnel.

 

Relever les défis soulevés par l’application de bonnes pratiques en matière d’action humanitaire

Afin de confirmer son adhésion aux Principes et bonnes pratiques pour l’aide humanitaire, la Belgique devrait envisager d’élaborer un plan national pour la mise en œuvre de ces derniers. Dans ce plan devraient être abordées les questions d’orientation de l’action, les modalités de gestion et les procédures administratives. En dépit de l’existence de l’Arrêté Royal de 1996 qui définit les modalités d’octroi des subsides et d’exécution de l’aide humanitaire, aucun document d’orientation n’expose la stratégie de la Belgique en matière d’action humanitaire. Il est par conséquent difficile de dire comment la Belgique détermine ses priorités dans ce domaine et s’assure que ses interventions respectent les principes humanitaires. Lorsqu’elle définira sa politique d’aide humanitaire, la Belgique serait en conséquence bien inspirée de se pencher sur les modalités d’exécution de son aide ainsi que sur les liens entre l’aide humanitaire et d’autres activités qui présentent avec cette dernière un rapport indirect, par exemple la prévention des conflits et l’aide aux États dits « fragiles ». Par ailleurs, les mesures de prévention en matière d’urgence, telles que la réduction des risques de catastrophe, y compris grâce à un renforcement des capacités locales, pourraient occuper une place plus importante et être mieux intégrées dans la planification de la coopération belge pour le développement, compte tenu de la priorité qu’elle donne aux pays partenaires vulnérables aux catastrophes naturelles.

 

Pour se faire une idée du rôle que pourrait jouer la Belgique dans le financement de l’action humanitaire internationale, il faut tenir compte des ambitieux objectifs qu’elle s’est assignée en matière d’augmentation du volume de son APD. A mesure qu’elle progresse vers la cible de 0.7 % qu’elle a fixée à son rapport APD/RNB pour 2010, la Belgique pourrait envisager d’accroître de façon substantielle l’enveloppe allouée à l’action humanitaire. Elle devrait par ailleurs simplifier et consolider son système de gestion pour ce qui est de la mise en œuvre du programme d’aide humanitaire. Afin de renforcer son approche fondée sur les besoins et de favoriser l’harmonisation et l’alignement dans les situations d’urgence complexes, elle pourrait s’interroger sur les moyens de tirer pleinement parti, dans ses activités sur le terrain et dans l’élaboration de ses stratégies humanitaires, des plans d’action humanitaire communs des Nations unies.

Recommandations

  • La Belgique devrait finaliser et mettre en œuvre dans les meilleurs délais son document d’orientation abordant tous les aspects de l’action humanitaire, qui s’appuie sur les Principes et bonnes pratiques pour l’aide humanitaire qu’elle a entérinés.
  • Dans le cadre de l’accroissement de son APD, la Belgique pourrait envisager d’augmenter les sommes qu’elle alloue à l’aide humanitaire, que ce soit en matière de prévention, d’urgence, de reconstruction ou de transition, selon les « Principes et bonnes pratiques pour l’aide humanitaire » et comme le veut une approche fondée sur les besoins. Des dispositions devraient aussi être prises pour améliorer la transparence des décisions de financement et la prévisibilité à long terme des apports aux partenaires qui assurent la mise en œuvre des activités humanitaires.
  • Afin de consolider et d’unifier sa démarche en matière d’aide humanitaire, la Belgique devrait envisager d’en confier la gestion à une entité unique. La coopération intra et interministérielle devrait en outre être renforcée afin d’optimiser la réponse de la Belgique aux crises humanitaires et ses décisions de financement.

 

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