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Examens par les pairs des membres du CAD

Etats-Unis (2006), Principales conclusions et recommandations du CAD

 

Examen des politiques et programmes des Etats-Unis en matière de coopération pour le développement

Voir également l'aide des Etats-Unis - aperçu synthétique (En anglais) 

Cadre général et nouvelles orientations

Étant donné la taille de leur économie, l’influence qu’ils exercent à l’échelle mondiale et leur présence au sein de la communauté internationale des donneurs, les États-Unis sont l’un des chefs de file de la coopération internationale pour le développement et le plus important donneur du CAD. Depuis toujours, les États-Unis justifient leurs politiques d’aide au développement par la nécessité à la fois de répondre aux besoins des pays bénéficiaires et de poursuivre leurs propres objectifs en matière de politique étrangère. Les événements du 11 septembre 2001 et la « Guerre contre la terreur » déclenchée à leur suite ont suscité un regain d’intérêt des Américains en faveur de la coopération pour le développement. Depuis lors, l’administration américaine a largement recouru à la logique de la sécurité nationale pour redorer l’image de la coopération pour le développement auprès du Congrès et du public américain. La publication de diverses déclarations d’orientation a contribué à définir le rôle de la coopération pour le développement dans sa relation aux objectifs de la sécurité nationale. Les versions de 2002 et de 2006 de la National Security Strategy (NSS), en particulier, ont marqué une réelle réorientation de la politique américaine en la matière depuis l’examen réalisé par le CAD en 2002.

Faire de la lutte contre la pauvreté un principe fondateur de la stratégie américaine en faveur du développement

La Stratégie américaine en matière de sécurité nationale fait du développement l’un des trois piliers de la politique étrangère des États-Unis, aux côtés de la diplomatie et de la défense (la doctrine des « 3D »). Dans le droit fil de ce nouvel axe stratégique, le Département d’État a élaboré une nouvelle ligne de politique étrangère baptisée diplomatie transformationnelle, dont l’objectif consiste à « œuvrer avec nos nombreux partenaires du monde entier de manière à édifier et à soutenir les États démocratiques et bien gouvernés qui savent répondre aux besoins de leur peuple et se comporter de manière responsable dans le système international ». Reste à savoir dans quelle mesure cette nouvelle ligne de politique se traduira par une véritable stratégie du développement à long terme, au même rang que la diplomatie et la défense, ou bien si le développement restera essentiellement un outil au service d’autres priorités politiques.

La diplomatie transformationnelle s’articule autour d’une matrice opérationnelle - le Cadre pour l’aide extérieure (Foreign Assistance Framework). Ce cadre ne permet pas encore de prendre en compte tous les objectifs internationaux liés à la lutte contre la pauvreté, mais il en a le potentiel. La pauvreté fait le lit de l’insécurité dans le monde et agir pour la combattre va dans le sens des aspirations du public américain. Il conviendra de généraliser le recours à ce Cadre pour l’aide extérieure en l’étendant à toutes les instances de l’administration fédérale qui interviennent dans le domaine du développement, notamment le Département de la Défense. A l’heure actuelle, ce cadre sert principalement à guider le Département d’État et l’Agence américaine pour le développement international (USAID) dans leurs opérations. De la même manière, conformément au projet de Principes du CAD pour l’engagement international dans les États fragiles, l’administration devrait adopter des approches qui favorisent plus de cohésion entre les communautés du développement, de la défense, de la diplomatie et de l’action humanitaire dans les États fragiles. Il faut ce faisant prendre en compte les risques de conflit entre ces communautés et trouver les moyens d’y porter activement remède. Ces communautés sont complémentaires à bien des égards et l’équilibre subtil auquel il faut arriver requiert une approche qui, par exemple, évite la militarisation injustifiée des actions menées au titre de l’aide dans le secteur humanitaire.

Ce cadre pour l’aide extérieure étant appelé à se préciser au fil du temps, il conviendra lorsque le recul sera plus grand de mettre dûment à profit les enseignements tirés de l’expérience opérationnelle d’autres institutions américaines comme la Millennium Challenge Corporation (MCC) et plus largement, de la communauté internationale des donneurs. Il s’agira entre autres de veiller au respect des priorités définies dans la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, dans le but d’améliorer le système d’acheminement de l’aide internationale au niveau des pays. Le nouveau Cadre pourrait s’articuler autour d’objectifs en rapport avec la rationalisation des systèmes, une plus étroite collaboration entre les donneurs, la priorité à l’appropriation par les pays bénéficiaires, le renforcement des capacités et l’ancrage local des procédures utilisées.

Nécessité d’une meilleure information du public 

Les sondages réalisés convergent pour montrer que le public américain soutient l’aide lorsqu’elle concourt efficacement à améliorer le sort des pauvres dans le monde. Ce soutien s’est amplifié depuis les événements du 11 septembre, même si la stratégie de la « Guerre contre la terreur » n’accorde pas à la lutte contre la pauvreté le rang d’objectif primordial de la politique américaine. La façon dont les programmes d’aide de l’administration fédérale sont utilisés n’est toutefois pas exempte d’un certain cynisme. D’où le sentiment que seulement une faible proportion de l’aide atteint effectivement les pauvres et la crainte que l’aide ne soit souvent détournée au profit d’objectifs plus politiques, par exemple le soutien à des régimes favorables aux États-Unis. Pour lutter contre le cynisme ambiant et les idées reçues que peuvent susciter les programmes d’aide publique, il conviendrait de mettre en oeuvre des programmes plus ambitieux et répondant à un ciblage stratégique. Jusqu’ici, les campagnes de sensibilisation du public ont été modestes, du fait notamment que les ressources allouées à cet effet sont limitées par le Congrès. Compte tenu de l’influence de l’opinion sur les questions relatives à l’aide au développement, et de la méconnaissance du public quant à l’ampleur et au rôle de l’aide américaine, la sensibilisation de l’opinion devrait être une mission prioritaire de l’administration américaine et de ses partenaires au développement.

Recommandations

  • Le CAD félicite les États-Unis d’avoir élevé le développement au rang de priorité de sa politique étrangère dans le cadre de sa stratégie des « 3D ». La question du développement doit se voir accorder le même statut que la diplomatie et la défense et l’importance fondamentale de la lutte contre la pauvreté doit être plus explicitement reconnue.
  • Le Cadre pour l’aide extérieure est un instrument de nature à renforcer la cohérence des politiques. Pour ce faire, il devrait être progressivement étendu à tout l’éventail des acteurs de l’administration américaine ayant à intervenir en matière de coopération pour le développement. Ce cadre pourrait en outre devenir un outil efficace permettant de faire connaître au Congrès et aux autres parties prenantes la teneur de l’approche américaine retenue pour obtenir des résultats dans des contextes nationaux différents, et de recenser les meilleures pratiques en matière d’efficacité de l’aide à l’échelon international.
  • Les États-Unis doivent faire mieux connaître au public leurs activités de coopération pour le développement. Ils devraient pour ce faire élaborer une stratégie à l’appui d’une information plus exacte et mieux ciblée du public, tout en recherchant des alliances avec d’autres organisations publiques, privées et de la société civile.

Volume et répartition de l’aide

Un niveau record d’APD

Le montant net de l’aide publique au développement (APD) des États-Unis, qui a atteint le niveau record de 27.6 milliards USD en 2005, place le pays au premier rang des donneurs du CAD en termes de volume. La part de l’APD américaine en pourcentage du revenu national brut (RNB) s’est élevée à 0.22 %, soit son plus haut niveau depuis 1986, ce qui ne classe pourtant les États-Unis qu’en avant-dernière position au sein du CAD. Le surcroît d’APD est allé pour l’essentiel à des opérations d’annulation de la dette et de reconstruction en Irak, à des efforts de lutte contre la drogue et de reconstruction en Afghanistan et à des programmes spécifiques en Afrique, essentiellement au Soudan et en Éthiopie. Compte tenu de l’importance des remises de dette consenties en 2004-2005, il se pourrait que le volume de l’aide baisse dans l’avenir, même s’il est probable que son niveau annuel dépassera 20 milliards USD.

Le nouveau Cadre pour l’aide extérieure offre aux États-Unis la possibilité d’évoluer vers une planification à plus long terme de l’APD, conformément aux engagements souscrits par la communauté internationale des donneurs en faveur d’une plus grande prévisibilité de l’aide. Cette évolution permettrait en même temps une répartition plus stratégique de l’aide, entre les composantes bilatérale et multilatérale ou entre les pays. A un moment où s’offrent à l’administration américaine des possibilités d’accroître l’aide, celle-ci devrait envisager une réorientation des ressources vers les pays à faible revenu, y compris les États fragiles et les États qui sortent d’un conflit, dont beaucoup reçoivent une attention et, partant, une aide insuffisantes.

Persistance des grandes tendances en termes de répartition

La répartition actuelle de l’aide reproduit plusieurs des tendances déjà observées sur les plans organisationnel, géographique et sectoriel, souvent liées à la préaffectation des crédits votés par le Congrès et à des initiatives présidentielles. Les plus remarquables sont la persistance de la fragmentation des financements entre les diverses instances fédérales et le fait qu’une part grandissante de l’APD passe désormais par des canaux autres que l’USAID. En 2005, l’Agence a acheminé 38.8 % de l’APD totale (contre 50.2 % en 2002), un recul qui s’explique avant tout par la rapide progression des versements au titre de l’APD gérés par le Département de la Défense (passés de 5.6 % en 2002 à 21.7 % en 2005). Cette évolution va dans le même sens que l’augmentation des crédits alloués à la défense d’intérêts relevant de la sécurité mondiale, en particulier au Moyen-Orient. Cette baisse régulière de la part du financement transitant par l’USAID ne va toutefois pas sans risques, dans la mesure où l’agence est le pourvoyeur public d’aide le plus expérimenté et qu’elle centralise l’essentiel des compétences nationales dans le domaine du développement.

Les dotations de l’administration américaine au titre de l’APD ont continué d’augmenter dans les secteurs de la gouvernance, des services sociaux ainsi que de l’aide d’urgence et de la reconstruction. En revanche, les fonds alloués à l’infrastructure et aux secteurs productifs continuent de fléchir en dépit de l’intérêt que porte depuis longtemps l’administration américaine aux différentes dimensions de la croissance économique.

Enfin, si le volume de l’APD multilatérale a fluctué au fil du temps, la part qu’elle représente dans l’APD brute a régressé, passant de presque 26 % lors du dernier examen de l’aide à 8 % en 2005, soit l’un des plus bas niveaux parmi les membres du CAD. Le CAD, qui connaît depuis longtemps les mérites respectifs des approches bilatérale et multilatérale du développement, n’ignore pas que ce fléchissement de la composante multilatérale de l’aide résulte d’une pluralité de facteurs plutôt que d’un changement de cap de la politique américaine. Le Comité encourage néanmoins les États-Unis à réexaminer leur rôle dans le financement multilatéral. L’administration américaine gagnerait également à définir des modalités plus précises de répartition de l’APD entre les institutions multilatérales qui s’appuient sur des critères de performance, sur la base des approches qui se mettent actuellement en place pour mieux en apprécier l’efficacité. Il n’existe pas à l’heure actuelle aux États-Unis de système cohérent qui permette d’assurer un suivi des résultats et de l’efficacité de l’aide qui transite par ces institutions.

Recommandations

  • Le CAD salue le fort accroissement du volume de l’APD américaine et l’effort que déploient les États-Unis aux côtés de la communauté internationale pour alléger la charge de la dette des pays pauvres. Les États-Unis devraient œuvrer à une planification à plus long terme de l’APD de façon à renforcer la prévisibilité de l’aide et à permettre une répartition plus stratégique des ressources entre les divers instruments de l’aide et entre les pays.
  • Le volume d’aide sans cesse plus élevé alloué à des pays en crise et destiné à répondre à des situations d’urgence est représentatif des priorités actuelles de la politique américaine. Les instances fédérales doivent parvenir à doser subtilement l’utilisation qui est faite de l’aide dans ces pays et dans les pays où l’effort de développement doit être nettement intensifié et s’inscrire dans la durée.
  • Les ressources allouées par l’administration fédérale au système multilatéral ont été fluctuantes, et la part multilatérale de l’APD a reculé au cours des dernières années. Le CAD encourage les États-Unis à renforcer leur rôle dans le financement du système multilatéral. La mise en place d’un cadre plus cohérent axé sur les performances faciliterait le processus et permettrait d’éclairer les décisions d’affectation de l’APD aux instances multilatérales.

Promouvoir la cohérence des politiques au niveau national et international

Les États-Unis doivent recentrer leur conception du développement autour de la notion de lutte contre la pauvreté et en faire un élément fédérateur sur lequel ancrer l’effort de cohérence des politiques au service du développement. A partir de cette conception plus systématique et plus stratégique, l’administration fédérale devra mettre en place la structure de direction (probablement la Direction de l’aide extérieure), l’organisation et les ressources nécessaires pour mieux analyser et gérer les exigences de cohérence des politiques au service du développement. Les partenaires du CAD qui mènent des activités dans ce domaine pourraient être d’utiles alliés dans ce sens et apporter des points de vue éclairés sur les pratiques internationales en la matière.

Compte tenu de la taille et de l’impact mondial de l’économie américaine, le débat sur la cohérence des politiques devrait s’articuler autour de questions centrales telles que les échanges, l’investissement, les apports financiers ou l’environnement.

Recommandations

  • Les États-Unis sont encouragés à adopter une politique plus résolument axée sur le rôle de la cohérence des politiques au service du développement. Ils doivent également se doter des ressources requises pour mener à bien les analyses et assurer avec efficacité la gestion des objectifs de cohérence des politiques en s’appuyant appui, par exemple, sur les éléments apportés par les laboratoires d’idées, les universités et la société civile.

Gestion et mise en œuvre de l’aide

Renforcer la cohésion du système d’aide

Si quelque 26 entités fédérales interviennent dans l’acheminement de l’APD, plus de 90 % des ressources distribuées en 2005 l’ont été par l’intermédiaire de cinq institutions (l’USAID, le Département de la Défense, le Département de l’Agriculture, le Département d’État et le Département du Trésor). Une stratégie visant à remédier à cette fragmentation institutionnelle a été annoncée en 2006 avec la création au sein du Département d’État d’une Direction de l’aide extérieure, décrite comme une « structure de direction ayant pour objet de rationaliser et de coordonner tous les aspects de la politique d’aide extérieure, sa planification et sa supervision. » Eu égard à l’importance politique désormais accordée au développement et pour élargir son périmètre d’action, ce nouveau Directeur s’est vu attribuer la double casquette de Sous-secrétaire d’État et d’Administrateur de l’USAID. Les caractéristiques opérationnelles de ce nouveau service sont encore en cours de définition mais il commence à s’organiser autour de la centaine de personnes que comptent ses effectifs issus du Département d’État et de l’USAID.

A mesure que se dessineront les contours opérationnels de son approche, la Direction de l’aide extérieure devra être claire quant à son rôle et à ses responsabilités par rapport aux autres intervenants au sein du système d’acheminement de l’aide. Elle devra trouver des moyens efficaces de mettre à profit tout l’éventail des compétences que possèdent les personnels détachés à l’étranger afin de garantir que ses points de vue sur le développement sont fondés sur la réalité du terrain et sur une appréhension concrète des exigences de la lutte contre la pauvreté et des besoins du pays. Pour qu’elle puisse assumer son rôle de chef de file avec efficacité, il importera en outre d’élargir la compétence de la Direction au-delà du Département d’État et de l’USAID pour l’étendre aux autres rouages essentiels du système public d’aide au développement. La Direction de l’aide extérieure devra par ailleurs faire intervenir activement d’autres partenaires éclairés extérieurs à l’administration.

La création en 2004 de la Millennium Challenge Corporation avec pour mission de « …faire reculer la pauvreté en favorisant une croissance durable apte à redresser l’économie des pays à faible revenu… » a été une autre innovation notable sur le plan de l’organisation. Les activités sur le terrain de la MCC n’en sont encore qu’à leurs balbutiements et la mise en œuvre des projets ne fait que commencer dans nombre de pays. La MCC offre néanmoins un bon exemple des possibilités d’adaptation du système d’aide américain pour le rendre plus conforme aux principes d’efficacité de l’aide définis dans la Déclaration de Paris, en particulier une approche de l’appropriation locale et du financement qui soit axée sur les résultats au lieu d’être liée à l’achat de biens et services aux États-Unis et qui échappe au mécanisme de préaffectation des crédits votés par le Congrès. Il conviendrait maintenant d’étudier comment étendre ces possibilités d’amélioration de l’efficience à d’autres composantes du système et à un plus large éventail de pays partenaires. Reste en outre à déterminer précisément comment intégrer la stratégie et les ressources de la MCC dans l’effort global des États-Unis en faveur du développement. De plus, l’administration fédérale court le risque de donner naissance à un mécanisme parallèle coûteux au niveau des pays, et susceptible d’alourdir encore les coûts de transaction. 

L’équipe chargée de l’examen s’est tout particulièrement intéressée au rôle grandissant que joue le Département de la Défense en matière d’APD. Plusieurs initiatives ont été lancées récemment afin de promouvoir une plus étroite coordination institutionnelle entre le Département de la Défense et les autres instances intervenant dans la sphère du développement, motivées par les difficultés que paraissaient rencontrer les acteurs civils pour acheminer l’aide dans des conditions de grande insécurité. Le CAD demande à l’ensemble des donneurs d’appliquer des politiques s’appuyant sur l’expérience acquise et sur les bonnes pratiques recensées en matière de développement et ne risquant pas de nuire au développement durable et à large assise des pays bénéficiaires. C’est une prescription qui doit s’appliquer également aux interventions en faveur du développement menées par des instances militaires. De la même manière, si des forces militaires sont déployées à l’appui d’opérations humanitaires pour faire face à une crise grave et soudaine, il est impératif de préserver l’indépendance et l’impartialité de l’action humanitaire menée à des fins de développement.

Inscrire la gestion de l’aide dans le nouveau contexte organisationnel

La refonte de l’organisation de l’aide américaine a amené à repenser les méthodes de gestion pour mieux les adapter aux nouvelles structures. Avec la création de la Direction de l’aide extérieure, de nombreuses fonctions de gestion (planification, programmation budgétaire et suivi) seront désormais normalisées et centralisées. L’USAID et le Département d’État ont commencé à organiser la planification de l’aide et la programmation budgétaire autour du modèle proposé par le Cadre pour l’aide extérieure. Des opérations conjointes d’évaluation des programmes et de reddition de comptes seront menées à bien au cours de l’année prochaine. L’essentiel de cette réforme est considérée par le CAD comme une bonne pratique opérationnelle. Il importera tout particulièrement, au fur et à mesure qu’il progressera, d’étendre l’effort d’harmonisation des systèmes de gestion américains engagé depuis quelque temps aux autres partenaires internationaux et locaux sur le terrain.

Le regroupement autour d’un cadre commun axé sur les résultats en matière de développement des systèmes parallèles du Département d’État et de l’USAID sera une tâche difficile. Celui ci devra produire les informations en retour nécessaires au bon fonctionnement des deux systèmes sans que l’ensemble devienne trop lourd à gérer ni perde de son efficacité. Définir les objectifs de développement prioritaires à partir du Cadre pour l’aide extérieure ainsi que les attributions respectives des différents intervenants contribuerait à simplifier le suivi et la notification des résultats.

L’administration fédérale considère la méthode de ciblage sur les résultats qu’elle applique à la gestion de son système bilatéral comme synonyme d’efficacité de l’aide et comme le meilleur moyen de répondre à l’exigence de bonne utilisation des ressources imposée par le Congrès. Le CAD, de son côté, envisage l’efficacité de l’aide comme une problématique associant étroitement les pays partenaires et la communauté des donneurs dont la dimension est tout autant internationale que bilatérale. Une action plus explicite et plus organisée à l’échelle de l’ensemble du système, propre à favoriser l’appropriation par les pays bénéficiaires, à renforcer leurs systèmes et procédures et à permettre un suivi collectif des résultats, appuierait l’effort international mené en faveur de l’efficacité de l’aide dans le cadre de la Déclaration de Paris. Cela aurait aussi pour effet de promouvoir l’harmonisation entre les donneurs, le partage des ressources en personnel et les mécanismes de coopération déléguée.

Le Congrès lui-même est réputé limiter l’efficacité et la flexibilité de l’aide américaine sous l’effet conjugué de ses pratiques de préaffectation des crédits et d’autres directives contraignantes. La Direction de l’aide extérieure est bien placée pour étudier les effets de ces pratiques sur l’efficacité de l’aide extérieure et proposer une nouvelle approche. La pratique consistant à lier l’aide à l’achat de biens et services exclusivement américains est un autre aspect qui relève essentiellement de l’intervention du Congrès. Cette pratique peut nuire à l’efficacité de l’aide en faisant obstacle à la concurrence, en augmentant les coûts et en compromettant le processus d’appropriation par les bénéficiaires. La Direction de l’aide extérieure est également encouragée à analyser de plus près les coûts associés à la liaison de l’aide américaine et aux effets de cette pratique en termes d’efficience et d’efficacité. Conformément à la Recommandation du CAD sur le déliement de l’aide, les États-Unis devraient poursuivre leur réflexion en vue de définir et mettre en œuvre de nouvelles mesures de déliement de l’aide.

Recommandations

  • Au fur et à mesure que se dessinent ses structures et ses procédures opérationnelles, il serait souhaitable que la Direction de l’aide extérieure devienne la référence en termes de stratégie pour l’ensemble du système de coopération pour le développement.
  • Alors même qu’elle cherche à assigner un rôle accru au Département de la Défense dans le domaine du développement et de l’action humanitaire, l’administration fédérale devrait persister dans son effort en vue de clarifier les attributions et les responsabilités opérationnelles respectives des instances militaires et de développement. Les efforts déployés au titre de l’aide devraient être aussi coordonnés que possible et viser en priorité les résultats au regard du développement.
  • Il conviendrait d’examiner comment généraliser l’application des enseignements tirés de l’expérience de la Millennium Challenge Corporation.
  • L’objectif affiché par les États-Unis d’améliorer l’efficacité de l’aide devrait s’assortir d’une attention accrue aux objectifs énoncés dans la Déclaration de Paris, notamment à l’appui de l’appropriation par les bénéficiaires, du déliement de l’aide et d’une action collective visant à renforcer les systèmes nationaux et la traçabilité des résultats. La nouvelle Direction de l’aide extérieure devrait présenter au Congrès une synthèse des Principes contenus dans la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide et l’informer des répercussions qui en découlent pour l’aide extérieure américaine.
  • Sur la base de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, les organismes américains d’aide sont encouragés à resserrer leur dialogue avec les autres donneurs de sorte que leur action commune aboutisse à des résultats et à un processus d’apprentissage mutuel.
  • Amener le Département d’État et l’USAID à suivre une approche commune de la gestion axée sur les résultats constituerait un premier pas utile sur la voie d’une consolidation et d’une rationalisation du système actuel, lesquelles auraient pour effet de réduire les coûts de transaction et de renforcer la cohérence au sein de l’administration américaine. Cette démarche serait facilitée par la définition claire d’objectifs de développement prioritaires et par une répartition rigoureuse des rôles assignés aux diverses instances concernées.

Aide humanitaire

Le rôle que jouent les États-Unis en tant que premier donneur bilatéral d’aide publique dans le domaine humanitaire s’assortit de tout un éventail d’autres atouts, notamment une capacité technique et opérationnelle inégalée à réagir face à des crises majeures, un solide engagement auprès des organisations multilatérales et non gouvernementales et un souci de renforcer la protection des civils. Pour préserver cette capacité de réaction et se préparer à faire face à la diversité des menaces qui se profilent, ainsi que pour concrétiser son engagement à mener une action humanitaire en toute impartialité, il importera de maintenir les crédits budgétaires de base de façon à éviter d’accroître la dépendance à l’égard d’autres sources de financement. Il faut se féliciter de la volonté de plus en plus affirmée d’envisager une réforme des modalités de l’aide alimentaire d’urgence. La concrétisation de cette réforme pourrait être une source majeure de gains d’efficience pour les États-Unis et de bienfaits pour les populations les plus vulnérables. La Direction de l’aide extérieure, aux côtés de l’USAID, devrait s’efforcer d’obtenir le soutien du Congrès en faveur de l’achat de produits locaux et envisager dans cette optique des formules reposant sur une aide en espèces.

L’architecture de l’aide humanitaire américaine a toujours été révélatrice du caractère distinctif des principes et des objectifs en jeu. La réforme de l’architecture d’ensemble de l’aide ne manquera pas d’avoir des répercussions sur l’aide humanitaire. Elle imposera une plus étroite coordination entre les acteurs humanitaires et les autres intervenants œuvrant à la réalisation d’objectifs liés au développement, à la sécurité et à la construction de la paix dans des environnements instables. Dans ce type d’environnement, les approches et les principes de l’action humanitaire doivent être réaffirmés et bien compris dans toutes les sphères du gouvernement. Le nouveau Cadre pour l’aide extérieure présente tout un éventail d’autres opportunités et enjeux de l’action humanitaire. En particulier, ce pourrait être un moyen de favoriser une action plus concertée entre les différents secteurs de l’administration chargés des affaires humanitaires. A moyen terme, il faudrait peut-être réfléchir aux options qui permettraient de consolider le réseau complexe d’organismes ayant des responsabilités dans le domaine humanitaire.

Dans les efforts qu’elle déploie pour atteindre les objectifs plus généraux qu’elle s’est fixés en matière de sécurité, de stabilisation, de redressement et de renforcement de l’appareil d’État, l’administration américaine devra veiller à garantir la prise en compte des questions liées à la protection, et à préserver un espace pour une action humanitaire indépendante. C’est une question particulièrement d’actualité dans des environnements complexes, ces « zones grises » où l’instabilité perdure, comme le Moyen-Orient et l’Afghanistan.

Cette approche à l’échelle de l’ensemble de l’administration devrait en outre contribuer à articuler de façon plus précise les relations entre l’intervention humanitaire et l’action à l’appui du développement à long terme. Elle offrira la possibilité de renforcer l’engagement en vue d’améliorer les services de base et les conditions de vie des populations lors de crises prolongées qui actuellement motivent une bonne part de l’action humanitaire. De plus, l’attention qui est portée dans le cadre du Programme ‘Food for Peace’ à la sécurité alimentaire des plus vulnérables et le fait que l’administration américaine soit disposée à envisager des formules qui accordent moins de place à l’aide liée et plus à l’achat de produits locaux grâce à une aide en espèces pour favoriser la sécurité alimentaire sont bienvenus. Ce sont autant de mesures qui, parmi d’autres, devraient permettre aux responsables de l’action humanitaire de se concentrer sur la réponse à donner face aux dangers les plus graves qui menacent la vie et les conditions d’existence.
Parmi les multiples réalisations dont ils peuvent s’enorgueillir dans le domaine de l’action humanitaire, les États-Unis se distinguent par les efforts qu’ils déploient pour mesurer dans les meilleures conditions d’objectivité les besoins humanitaires de même que les résultats et l’impact de l’aide humanitaire consentie. Il serait salutaire de continuer de renforcer le suivi et l’évaluation de l’action menée par les partenaires, notamment en donnant la parole aux bénéficiaires à tous les stades du cycle des projets, et en étendant l’utilisation aux fins de la notification interne, y compris sur le terrain, des indicateurs énoncés dans les Principes et bonnes pratiques pour l’aide humanitaire.

Recommandations

  • Le Département d’État et l’USAID devraient œuvrer de concert à l’élaboration et à la diffusion d’un plan stratégique directeur (2007-2012) destiné à guider l’action humanitaire des États-Unis. Ce plan délimiterait un cadre qui donnerait matière à améliorer la cohérence des stratégies suivies par les différents organismes américains et à étayer les efforts menés par les États-Unis au plan international dans l’optique de renforcer l’efficacité de l’action humanitaire.
  • La poursuite de la réforme des modalités de l’aide alimentaire d’urgence doit demeurer une priorité.
  • Il conviendrait de renforcer les liens entre la dimension humanitaire et la dimension développement au sein de l’administration, dans le respect des principes de l’action humanitaire. Un soutien accru aux services de base dans les États fragiles doit être encouragé, tout comme l’investissement dans des dispositifs à plus long terme visant à remédier à l’extrême pauvreté.

 

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