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Environnement et développement

Lignes directrices du CAD : Stratégies de développement durable (Résumé)

 

 

Livre éléctronique (87 pages)

 

1. Quelle est la vocation des présentes orientations ?

Lors de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED) qui s'est tenue en 1992, les gouvernements ont pris l'engagement d'adopter des stratégies nationales de développement durable. Ces stratégies, que les responsables présents à Rio ont appelées de leurs voeux, étaient envisagées comme des instruments à caractère hautement participatif ayant pour objet « d'assurer un progrès économique, équitable sur le plan social, tout en préservant la base de ressources et l'environnement pour les générations futures ». Le document de l'OCDE intitulé Le Rôle de la coopération pour le développement à l'aube du XXIe siècle (1996) préconise l'élaboration et la mise en oeuvre de stratégies de développement durable dans tous les pays d'ici l'an 2005 -- c'est d'ailleurs l'un des sept Objectifs internationaux de développement (OID) -- et invite les organismes de coopération pour le développement à soutenir ce processus dans les pays en développement.

Lors de sa session spéciale de 1997, l'Assemblée Générale des Nations Unies a fixé 2002 comme date butoir pour l'adoption de stratégies de développement durable.

Bien que la CNUED ait eu lieu il y a presque dix ans déjà, on ne dispose guère d'indications quant à la manière de remplir les engagements souscrits à cette occasion. Le présent document vise à combler cette lacune. A partir de l'expérience acquise au niveau international et de travaux menés en concertation avec un grand nombre de partenaires dans les pays en développement, il se donne pour objet de préciser les finalités et les principes qui conditionnent l'efficacité des stratégies locales et nationales de développement durable, de décrire les différentes formes que ces dernières peuvent revêtir dans les pays en développement, et enfin de tracer des orientations quant à la manière dont les agences de coopération pour le développement peuvent apporter leur soutien à ces stratégies.

Bien qu'il ait été rédigé à l'intention des donneurs, on peut espérer que le présent document permettra également d'éclairer les réflexions qui seront conduites lors du prochain Sommet mondial pour le développement durable et servira de point de départ à une concertation plus large au niveau international en vue de parvenir à un accord sur ce sujet.

 

2. Pourquoi faut-il appréhender différemment la planification stratégique ?

Depuis la CNUED, on a une meilleure compréhension des problèmes urgents qui se posent en matière de développement durable. On connaît de mieux en mieux les liens de causalité entre dégradation de l'environnement, pauvreté et marginalisation sociale et économique. Mais les moyens d'action pour faire face à ces problèmes n'ont pas fait l'objet d'approches concertées. Si l'on dénombre un certain nombre d'initiatives couronnées de succès dans ce domaine, elles sont le plus souvent isolées. En outre, les progrès réalisés quant à la prise en compte des besoins environnementaux, sociaux ou économiques, ont souvent eux-mêmes engendré d'autres problèmes. Fréquemment, les responsables de l'action gouvernementale ne prennent pas en compte les approches traditionnelles de développement durable?

Pour parvenir à instaurer un développement durable, il faudra surmonter des obstacles majeurs et procéder à des changements structurels profonds dans la manière dont les sociétés abordent les questions économiques, sociales et environnementales. Les solutions différeront selon les pays, mais tous devront faire face à des choix difficiles. Les stratégies de développement durable sont un moyen d'opérer ces choix et de les traduire en actions concrètes selon des modalités réalistes, efficaces et durables.

 

3. Quels enseignements peut-on tirer de l'expérience en matière d'approches stratégiques ?

Bon nombre de pays ont procédé de manière technocratique, ce qui les a conduits à élaborer des plans d'action nationaux et globaux assortis d'un ensemble de projets ponctuels à réaliser. Dans bien des cas, leur démarche faisait suite à une demande (ou à des directives) émanant d'organismes extérieurs, et répondait à des conditions financières imposées. A cet égard, on peut citer, à titre d'exemples, les Stratégies nationales de Conservation et les Plans d'action environnementaux. A la lumière de l'expérience, il s'avère que les démarches qui ont donné de bons résultats partagent certaines caractéristiques communes. Elles définissent des priorités et s'inscrivent dans une optique à long terme ; elles visent à promouvoir la cohérence entre les différents cadres de planification déjà en place ; elles favorisent l'appropriation à l'échelon local ; elles traduisent un engagement au niveau national et supposent la participation des acteurs concernés. On constate en revanche que les stratégies qui marchent le moins bien sont celles qui donnent trop d'importance à un aspect particulier, donnent lieu à des initiatives ponctuelles et isolées, et sont le fruit d'une démarche exclusivement descendante. Certaines stratégies qui ont été présentées comme des initiatives novatrices ont en fait affaibli les processus existants et entraîné un gaspillage des ressources déjà peu abondantes en obligeant à repartir de zéro. En outre, nombre d'entre elles n'ont pas permis d'amorcer les profonds changements économiques, sociaux et institutionnels nécessaires pour instaurer un développement durable.

Bien que la plupart des pays gèrent déjà en parallèle de multiples processus de planification stratégique, rares sont ceux qui se sont dotés d'un système de coordination efficace. La mise en place d'un système de coordination est pourtant un excellent moyen d'intégrer toutes les facettes du développement durable dans les processus de planification en place. Améliorer la coordination et la cohérence entre les différents cadres de planification peuvent aussi alléger les contraintes en termes de capacités et de ressources.

 

4. Comment peut-on définir une stratégie de développement durable ?

Dans le présent document, une stratégie de développement durable se définit comme « un ensemble coordonné de processus participatifs permettant de progresser de façon continue dans les domaines de l'analyse, du débat, du renforcement des capacités, de la planification et de la mobilisation des ressources et permettant de concilier les objectifs économiques, sociaux et environnementaux de la société ou de procéder, le cas échéant, à des arbitrages.» Pour donner de la substance à cette définition, les présentes orientations énoncent également un ensemble de principes qui renvoient aux processus à mettre en place et aux résultats à atteindre pour se donner les moyens de concourir au succès des stratégies de développement durable. Ces principes mettent l'accent sur l'appropriation des processus stratégiques par les partenaires locaux, ainsi que sur leur participation effective à tous les niveaux et sur l'existence d'une volonté politique à haut niveau. Ils visent essentiellement à promouvoir l'analyse pluridimensionnelle des problèmes et la convergence et la cohérence entre les différents cadres de planification et de renforcement de capacités.

 

5. Comment l'applique-t-on dans la pratique ?

Une véritable stratégie de développement durable permet de concilier les aspirations de l'État, de la société civile et du secteur privé et les moyens dont ils disposent pour en dégager un projet d'avenir, et d'oeuvrer à sa réalisation avec discernement et de manière progressive. Elle vise à recenser et exploiter les solutions "qui marchent"?, à mieux intégrer les différents processus en cours et à offrir un cadre de référence pour faciliter la prise de décisions lorsque certains choix ne sont pas compatibles.

Plus une stratégie privilégie des objectifs réalistes, mieux elle permet d'éloigner la menace de paralysie qui pèse nécessairement lorsqu'on poursuit des ambitions démesurées dans une multitude de domaines à la fois. Parce qu'elle repose dans les faits sur un processus de changement institutionnel visant essentiellement à intégrer de façon systématique les préoccupations ayant trait à la pérennité de l'environnement, une stratégie de développement durable doit concentrer l'effort sur un nombre restreint d'objectifs prioritaires.

Une stratégie de développement durable exigera rarement le lancement d'un exercice de planification stratégique entièrement nouveau ou indépendant. Il arrive au contraire que, réunies dans un ensemble cohérent, les multiples initiatives en cours correspondent à la définition et aux principes énoncés précédemment. Pour les convertir en une véritable stratégie de développement durable, il faudra peut-être néanmoins les englober dans un cadre global centré sur un projet d'avenir et comportant un ensemble de mécanismes et de processus de coordination destinés à améliorer la complémentarité et atténuer les discordances entre elles et, le cas échéant, à combler les lacunes.

Dans les faits, de nombreux pays ont pris le parti de s'inspirer de tel ou tel modèle de stratégie ayant fait ses preuves. Les modèles existants peuvent prendre par exemple la forme de plans de développement, de stratégies ou de plans d'action pour lutter contre la pauvreté, de plans nationaux en faveur de l'environnement, de mécanismes décentralisés de planification et de concertation ou d'exercices menés à l'échelon national en liaison avec des conventions internationales, qui sont devenus une pratique courante depuis une vingtaine d'années. Dans certains pays, d'autres méthodes ont été mises au point par des organisations de la société civile. Compte tenu de la diversité des situations de départ, les présentes orientations insistent sur le fait que peu importe l'étiquette apposée sur une stratégie puisque que ce qui compte, c'est le respect d'un certain nombre de principes de base.

En fonction des circonstances, on peut considérer qu'une stratégie de développement durable est un système comprenant les éléments suivants :

  • Un cadre permettant l'organisation de rencontres régulières entre les parties prenantes, et des instruments de négociation aux niveaux national et décentralisé permettant d'établir des liens entre ces différents niveaux.
  • Une vision partagée du développement durable et un ensemble d'objectifs stratégiques
  • Un ensemble de mécanismes pour atteindre ces objectifs susceptibles d'être adaptés en fonction de l'évolution. (Cela comprend un système d'information, des moyens de communication et d'analyse, un engagement au niveau international, et des dispositifs coordonnés pour l'intégration des politiques, la budgétisation, le suivi et la reddition de comptes) Des principes et des normes susceptibles d'être adoptés par les parties prenantes que ce soit pour respecter la législation, à titre volontaire ou sous l'action de processus obéissant aux lois du marché, etc.
  • Des forums de concertation réguliers regroupant diverses catégories d'acteurs et des moyens de négociation aux niveaux national et décentralisé, avec des liens entre eux.
  • Des activités expérimentales destinées à favoriser l'apprentissage et l'appropriation au niveau local.
  • Un secrétariat ou tout autre structure compétente pour coordonner ces mécanismes
  • Un mandat, pour tout ce qui précède, émanant d'une autorité centrale de haut niveau, par exemple le cabinet du Premier ministre et, dans la mesure du possible, d'organisations représentatives des citoyens et des entreprises.

 

6. Comment les partenaires extérieurs peuvent-ils apporter leur soutien aux stratégies de
développement durable ?

Les organismes de coopération pour le développement peuvent apporter un soutien financier et technique à des processus de planification stratégique, telles les stratégies nationales de conservation et les stratégies de lutte contre la pauvreté. Ce soutien peut aider les parties prenantes à mieux explorer les solutions envisageables pour instaurer un développement durable. Cependant, il arrive parfois que des organismes de développement bilatéraux et multilatéraux exercent une influence trop grande sur le processus d'élaboration stratégique, son déroulement dans le temps et ses finalités, ce qui peut en fait conduire à l'affaiblissement de processus déjà en place.

Les agences d'aide peuvent efficacement soutenir les stratégies de développement durable en se conformant aux principes énoncés dans les présentes orientations, c'est-à-dire en encourageant le recours à des processus conduits par le pays, participatif, propres à renforcer les capacités, et qui tiennent compte en outre des priorités des parties prenantes. Une véritable volonté de respecter ces principes est nécessaire pour améliorer la cohérence entre les cadres internationaux et renforcer et développer les synergies avec les stratégies nationales existantes. Les stratégies des partenaires extérieurs devraient jouer un rôle de catalyseur et de stimulant, la priorité devant être donnée à l'utilisation et au renforcement des capacités locales, moyennant toutefois un soutien sur le plan méthodologique. Une telle démarche constitue un défi qui exigera des changements au niveau des stratégies, des procédures et des capacités des agences de coopération pour le développement. Les
présentes orientations décrivent dans le détail les mesures que les agences de développement peuvent prendre pour se conformer concrètement à leurs engagements, et propose des moyens pour suivre comment ils mettent en pratique les principes énoncés dans le présent document.

Enfin, les stratégies de développement durable élaborées par certains pays en développement peuvent se trouver gravement compromises par les stratégies et institutions extérieures (notamment dans le domaine des échanges et de l'investissement) sur lesquelles ces pays n'ont guère de prise. Les agences de développement peuvent contribuer à amener les parties prenantes au niveau international, y compris le secteur privé, à prendre conscience de ces vulnérabilités.

 

7. Comment peut-on suivre la mise en oeuvre des stratégies de développement durable ?

Le suivi de la mise en oeuvre est un volet essentiel des stratégies de développement durable. Il doit s'appliquer aux processus de formulation de stratégies (pour vérifier la qualité des systèmes de participation et d'information), aux résultats obtenus et à au contexte national et international qui ne cesse d'évoluer. Le suivi n'est pas un exercice distinct qu'on entreprend après coup : le processus et les indicateurs de résultats doivent au contraire faire l'objet d'une surveillance régulière de la part des parties prenantes, conduite parallèlement à l'examen des finalités et des objectifs de la stratégie.

Les mécanismes de notification et d'échange d'informations sur la mise en oeuvre des stratégies de développement durable (qui devrait s'inscrire dans le cadre d'un système international harmonisé de suivi de l'ensemble des OID) doivent être définis au sein des enceintes internationales compétentes.

Les présentes orientations préconisent de ne pas s'inspirer pour ce faire d'un seul modèle, mais de tenir compte de la grande diversité des stratégies de développement durable qui, tout en étant conformes à la définition et aux principes formulés ici, peuvent incarner des conceptions très différentes.

 

 

 

 

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