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Les normes du financement du développement

Questions fréquentes : la modernisation de l’aide publique au développement (APD)

 

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En 2012, le Comité d’aide au développement (CAD) a engagé un processus de modernisation de son système statistique afin d’en améliorer l’exactitude, tout en reflétant les changements majeurs survenus dans le secteur de la coopération pour le développement.

Dans le cadre de ce processus, le CAD a pris un ensemble de décisions lors de ses Réunions à haut niveau de 2014, 2016 et 2017, concernant la mesure des prêts concessionnels au secteur public, les instruments du secteur privé (ISP), les dépenses afférentes à la paix et à la sécurité et le coût des réfugiés dans les pays donneurs.

Ce processus a donné lieu à un débat entre responsables de l’action publique, statisticiens, organisations de la société civile et autres observateurs qui estiment que l’aide publique au développement (APD) est la norme de référence en matière d’aide extérieure. Les décisions du CAD ont-elles renforcé ou affaibli l’intégrité de l’APD ? Ces changements affectent-ils les engagements pris par les membres du CAD, et dans quelle mesure ? Les gouvernements des donneurs retirent-ils des avantages, financiers ou symboliques, de ce processus ?

Cette FAQ, qui accompagne notre condensé en ligne sur la Modernisation du système statistique du CAD, aborde les aspects techniques qui sous-tendent ce débat, dans l’optique de promouvoir un dialogue transparent, éclairé et constructif.

Modernisation de l’APD

Question 1. Pourquoi modifier la façon de comptabiliser l’APD ?

Forts d’une meilleure compréhension des défis liés à la pauvreté, les pays élaborent de nouveaux outils pour se soutenir mutuellement. Aujourd’hui, les donneurs ont le choix entre un large éventail d’outils, tels que les dons, les prêts, l’allégement de la dette et les garanties. Afin de refléter cette diversification et de continuer à mesurer les « efforts » des donneurs avec exactitude au fil du temps, les règles de comptabilisation de l’aide apportée devaient évoluer.

En 2012, le Comité d’aide au développement (CAD) a engagé un processus de modernisation de son système statistique afin d’améliorer l’exactitude et la comparabilité des données, tout en reflétant les changements majeurs survenus dans le secteur de la coopération pour le développement, tels que la diversification des instruments financiers, mais aussi le recoupement croissant entre les objectifs des politiques en la matière et ceux qui relèvent d’autres domaines, comme les migrations et la sécurité.

Dans les faits, le processus de modernisation de l’APD a débuté en 2013 14, porté par un « Groupe d’experts de référence » qui a réuni des acteurs de terrain et des théoriciens issus de pays membres de l’OCDE, d’institutions multilatérales, de groupes de réflexion et d’organisations de la société civile (OSC). Le groupe s’est réuni à trois reprises, et a débattu d’une liste fournie de problématiques liées à la mesure de l’APD : davantage d’informations sont disponibles ici. La liste d’experts figure à l’Annexe 1 de cette note.

Point central de cette réforme, la modernisation de la comptabilisation des prêts dans l’APD visait à corriger les défauts de la méthode fondée sur les flux financiers en mesurant ces prêts selon la méthode de l’équivalent-don. Le raisonnement a été le suivant :

  • Historiquement, les statistiques de l’APD calculaient les dons et les prêts de la même manière : en comptabilisant les apports de fonds octroyés sous forme de dons, ou la valeur nominale des prêts consentis aux pays en développement, déduction faite des remboursements déjà effectués. Cette méthode, fondée sur les versements et les remboursements effectifs ou sur les flux financiers, a été utilisée pour produire les chiffres clés de l’APD jusqu’en 2018 (notification des dépenses d’APD de 2017).
  • Cette méthode était simple, mais elle ne reflétait pas avec exactitude l’effort réellement consenti par les pays donneurs. En effet, un don représente un effort plus important qu’un prêt ; de même, un prêt assorti d’un taux d’intérêt très faible et remboursable sur une longue durée représente un effort plus important qu’un prêt assorti d’un taux d’intérêt élevé et remboursable sur une courte durée. La mesure de l’APD nette sur la base des flux financiers ne reflétait pas non plus l’effort consenti par un gouvernement en termes d'aide au cours d’une année donnée puisque les remboursements de prêts anciens étaient déduits. Pour cette raison, lors de leur Réunion à haut niveau de 2014, les membres du CAD ont décidé d’adopter une nouvelle méthode plus juste pour la mesure des prêts consentis au titre de l’aide, selon laquelle seul l’« équivalent-don » d’un prêt est comptabilisé au titre de l’APD. La décision de 2014 fait également la distinction entre les pays à revenu faible et intermédiaire, favorisant un plus grand degré de concessionnalité pour les pays à faible revenu.
  • Au lieu d’enregistrer les flux réels entre le prêteur et l'emprunteur, la mesure globale de l’APD est désormais fondée sur les « équivalents-don » des prêts : plus le prêt est généreux, plus la valeur en APD est élevée.

Aujourd’hui, même si le système fondé sur l’équivalent-don est devenu la norme et qu’il est repris par l’OCDE pour la publication annuelle des chiffres clés de l’APD, les données relatives à l’APD continuent d’être recueillies et publiées en parallèle sur la base des flux financiers à des fins de transparence et de comparabilité.

Question 2. Le processus de modernisation de l’APD a-t-il été transparent ? Qui a pris part à ce processus ?

La révision des règles relatives aux statistiques des apports d'aide consiste en un processus de recherche, d’analyse, de dialogue, de débat et, en fin de compte, de négociation. Les visions diffèrent parmi les membres du CAD et les solutions techniques, même lorsqu’elles reposent sur des données factuelles, nécessitent un consensus – c’est l’essence même de tout travail au sein d’une organisation multilatérale. Les décisions prises par le CAD en 2014 sur le système de l’équivalent-don et sur les prêts comptabilisés au titre de l’APD ont découlé d’un processus similaire. Ce dernier a été d’une transparence totale – l’ensemble des documents ont été diffusés sous la catégorie « non classifiés » ; il a également été inclusif, avec la participation de nombreux experts techniques, responsables de l’action publique et autres parties prenantes clés issues de pays membres du CAD, d’organisations de la société civile et d’autres instances. 

Plus précisément, les décisions se sont appuyées sur les conclusions formulées par un « Groupe d’experts de référence » qui a réuni des acteurs de terrain et des théoriciens issus de pays membres de l’OCDE, d’institutions multilatérales, de groupes de réflexion et d’organisations de la société civile.

Question 3. La mesure de l’APD s’est-elle dégradée ? La qualité de l’aide a-t-elle baissé ?

Pour pouvoir évaluer une éventuelle dégradation de la mesure de l’APD, un point de comparaison est nécessaire. Pendant les premières décennies, pour la mesure de l’APD, seules les données agrégées étaient recueillies et publiées, et elles étaient difficilement contestables. Aujourd’hui, grâce aux informations très détaillées concernant les apports d’APD au niveau des activités, notifiées par les tous les pays, la transparence est renforcée et toutes ces informations sont accessibles à tous ici.

Les décisions du CAD ont amélioré la mesure de l’APD, en corrigeant les défauts antérieurs du système fondé sur les flux financiers, et en donnant lieu à une mesure plus objective et transparente. L’adoption du système de l’équivalent-don et d’une définition quantitative de la concessionnalité visait à gommer les divergences majeures qui existaient entre les membres du CAD quant à leur façon d’interpréter le terme « caractère concessionnel » dans les règles relatives à l’APD. Les clarifications apportées aux règles de notification des dépenses relatives à la paix et à la sécurité et au coût des réfugiés dans les pays donneurs ont levé les ambiguïtés existantes et ont permis de garantir l’uniformité, la cohérence et la comparabilité des rapports statistiques.

À l’instar de tout système statistique mondial adopté par consensus, la mesure de l’APD n’est pas parfaite et peut ne pas être strictement alignée sur les particularités de chaque pays. Il est toujours possible d'apporter des améliorations. Néanmoins, dans l’ensemble, nous estimons qu’elle fournit une représentation juste des efforts consentis par les donneurs à titre collectif et que la transparence inhérente à ce système garantit la redevabilité des donneurs.

Pour ce qui concerne la qualité de l’aide : même si son mandat premier – aider les pays les plus pauvres à améliorer le niveau de vie de leur population – demeure inchangé depuis sa création dans les années 60, le CAD se concentre de plus en plus sur la qualité, l’efficacité et l’impact de la coopération pour le développement. Promoteur de l’efficacité du développement et membre actif du Partenariat mondial pour une coopération efficace au service du développement (PMCED), le CAD encourage l’ensemble des donneurs et des partenaires à adhérer aux principes suivants : développement dirigé par les pays, redevabilité mutuelle, partenariats inclusifs, transparence et orientation sur les résultats. Les mécanismes de responsabilisation du CAD favorisent l’intégrité, la qualité et la transparence de l’aide. Ils prévoient des examens par les pairs réguliers de chacun des membres du CAD – qui, en moyenne, mettent ensuite en œuvre 80 % des recommandations formulées –, ainsi que des évaluations indépendantes rigoureuses.

Question 4. Le soutien public en faveur du secteur privé est-il comptabilisé de façon excessive dans l’APD ?

Lors de la Réunion à haut niveau de février 2016, les membres du CAD se sont accordés sur les principes à appliquer pour mieux prendre en compte, dans l’APD, l’effort fourni par les donneurs lorsqu’ils utilisent des instruments du secteur privé (ISP), à savoir les prêts accordés à des entreprises du secteur privé, les investissements sous forme de prises de participation, le financement mezzanine et les garanties.

Toutefois, malgré des efforts certains, les parties n’ont pas réussi à s’entendre quant aux règles à appliquer pour prendre en compte les ISP dans l’APD conformément aux principes convenus. Le principal point de désaccord concernait les taux d’actualisation à utiliser pour le calcul de l’équivalent-don des ISP. Des modalités provisoires de notification ont alors été mises en place conformément aux décisions et aux procédures des années antérieures : l’APD totale et le rapport APD/RNB sont calculés en ajoutant les versements nets au titre des ISP (approche institutionnelle et approche fondée sur les instruments) aux équivalents-don des prêts – souverains et multilatéraux – et aux opérations d’allégement de la dette. Puisque les ISP ne représentent que 2 à 3 % de l’APD totale, cette solution a été jugée acceptable en attendant que les travaux des membres aboutissent à une solution plus permanente.

Le CAD procède actuellement à l’examen de ces modalités provisoires de notification.

Il convient de souligner que tout financement privé mobilisé au moyen des instruments du secteur privé n’est pas inclus dans l’APD, mais intégré aux « sommes mobilisées » dans les statistiques du CAD.

Système de l’équivalent-don et taux d’actualisation

 Question 5. Le système de l’équivalent-don comptabilise-t-il de façon excessive les prêts dans l’APD ? Quel est l’impact de la modernisation de l’APD sur les chiffres globaux de l’APD ? 

Par construction, l’adoption du système de l’équivalent-don augmentera les chiffres de l’APD sur le long terme par rapport à un système fondé sur les flux financiers dans lequel un prêt a un effet nul en termes d’APD nette. À court terme, toutefois, pour certaines années et certains pays spécifiques, les chiffres de l’APD fondés sur le système de l’équivalent-don peuvent être inférieurs à ceux fondés sur les flux financiers. Nos rapports de suivi du système de l’équivalent-don fournissent des exemples : voir l'édition 2020 et l'édition 2021.

Conformément aux prévisions établies lors de l’adoption de la nouvelle méthodologie en 2014, les données révèlent que la mise en place de l’équivalent-don n’a qu’un faible impact sur les volumes annuels d’APD dans leur ensemble. Pour les pays membres du CAD pris dans leur ensemble, et par rapport aux chiffres calculés selon la méthode des flux financiers, les niveaux d’APD étaient plus élevés en 2018 (+2.3 %) et en 2019 (+3.6 %), et plus bas en 2020 (-0.2 %). Les données préliminaires de 2021 indiquent que la méthodologie de l’équivalent-don pour le calcul de l’APD a relevé de 0.7 % l’APD totale au niveau du CAD cette année là. La nouvelle méthodologie n’a donc pas entraîné une augmentation massive des volumes d’APD calculés, même si les effets peuvent être significatifs pour certains pays pris individuellement (+12 % pour le Japon en 2021, +9 % pour l’Espagne et -7 % pour la France).

Question 6. Les taux d’actualisation approuvés par le CAD ont-ils gonflé les chiffres de l’APD de façon excessive ? Des taux d’actualisation différenciés offriraient-ils une meilleure option ?

Les taux d’actualisation approuvés par le CAD en 2014 (9 % / 7 % / 6 %) sont parfois taxés d’être exagérément élevés et de gonfler les chiffres de l’APD. Leurs détracteurs suggèrent de leur préférer les taux d’actualisation différenciés.

De fait, la mesure et la quantification du degré de concessionnalité ne sont ni directes ni universelles. Avant d’opter pour une méthode en particulier, il convient de prendre en compte plusieurs paramètres. Les taux d’actualisation différenciés utilisés par les participants à l’Arrangement sur les crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien public constituent une autre méthode – différente, par exemple, de celle du Fonds monétaire international (FMI) –, non reconnue comme une référence universelle. Déterminer si les chiffres de l’APD sont gonflés par rapport à ces taux est donc affaire d’interprétation.

L’accord de 2014 relatif à la concessionnalité a été l’aboutissement de débats transparents et approfondis entre des experts techniques, des responsables de l’action publique, des OSC et d’autres parties prenantes, qui ont étudié toutes les options avec rigueur. Ces débats sont documentés dans nombre de publications accessibles à tous, dont :

  1. Proposal for clarification of concessional in character [DCD/DAC/STAT(2012)22] (en anglais)
  2. Modernising the DAC’s development finance statistics [DCD/DAC(2014)9] (en anglais)
  3. Options on concessionality [DCD/DAC(2014)29] (en anglais)
  4. Possible use of risk premiums for assessing the concessionality of loans in DAC statistics [DCD/DAC/STAT/RD(2014)2/RD1] (en anglais)

Pour plus d’informations, voir notre condensé en ligne sur la Modernisation du système statistique du CAD.

La réforme de 2014 des taux d’actualisation a amélioré la quantification du degré de concessionnalité et instauré notamment des règles bien plus rigoureuses en la matière pour les pays les moins avancés (PMA) et les autres pays à faible revenu (taux d’actualisation de 9 % et seuil de 45 %, contre respectivement 10 % et 25 % auparavant). Après examen des implications des différentes options (coût pour le donneur par rapport aux avantages pour le bénéficiaire, effort budgétaire par rapport à l’effort consenti par le donneur), le CAD a décidé d’utiliser le taux uniforme de 5 % du FMI comme base pour les taux d’actualisation appliqués pour le calcul de l’APD, puis d’opérer une différenciation entre les pays bénéficiaires en fonction de leur groupe de revenu. Les nouveaux taux d’actualisation (entre 6 et 9 %) sont plus bas que les taux antérieurs à la réforme (10 %), ce qui devrait être reconnu comme un pas en avant.

Lors de l’adoption des taux d’actualisation différenciés en fonction des groupes de revenu, les compromis entre précision et stabilité des statistiques de l’APD ont été pris en compte. En utilisant les taux uniformes pour le calcul de l’APD, il est possible de maintenir une certaine stabilité tout en appliquant un taux de base volatile, là où des primes de risques auraient généré de l’instabilité : un prêt comptabilisé au titre de l’APD une année ne le serait plus l’année d’après et pourrait l’être de nouveau l’année suivante. Le manque de prévisibilité qui s’ensuit au niveau des budgets d’APD soulèverait un problème de taille pour les gouvernements des donneurs comme pour les pays bénéficiaires. Le CAD a donc fait le choix délibéré de privilégier la stabilité à la précision et d’appliquer des taux d’actualisation uniformes, différenciés selon les groupes de revenu, dans l’optique de calculer les efforts des donneurs dans les statistiques du CAD.

L’effet du choix des taux d’actualisation sur la valorisation des prêts est relativement faible.Les dons ont toujours représenté l’essentiel de l’APD, les prêts comptant pour environ 20 % du total des engagements. Lorsque l’équivalent-don sert de base pour la mesure, la part des prêts dans l’APD est encore plus réduite : les prêts représentent alors moins de 10 % de l’APD (8.5 % en 2020). Historiquement, dans le cas de quelques pays, les prêts comptent pour la part la plus importante du portefeuille (par exemple 21 % pour la France et 48 % pour le Japon, tel que mesuré selon la méthode de l’équivalent-don). Plus important encore, on n’observe aucune évolution significative des pratiques de prêt parmi les membres depuis l’adoption du système de l’équivalent-don.

Enfin, les décisions du CAD permettent d’effectuer un suivi et un examen minutieux. Le CAD évaluera régulièrement s’il est nécessaire d’ajuster les taux d’actualisation, en particulier en cas de modification du coefficient de base (taux du FMI). Le prochain examen est prévu pour 2023.

Question 7. Existe-t-il une double comptabilisation des risques dans la notification des prêts et des opérations d’allégement de la dette au titre de l’APD ?

Le traitement convenu de l’allégement de la dette est instauré alors que les pays en développement et la société civile appellent à une intensification des efforts d’allégement de la dette à l’échelle internationale. Les créanciers au sein du Club de Paris, enceinte regroupant des créanciers publics chargée de négocier des opérations de restructuration de la dette, ont également demandé à ce que le système encourage les remises de dette et les rééchelonnements de la dette. Ce nouvel accord ouvre la voie à une action plus résolue pour que soit allégé le fardeau de la dette qui pèse sur les pays en développement, à l’heure où ils doivent surmonter les conséquences économiques et sociales de la pandémie de COVID-19.

Il n’y a donc pas de double comptabilisation : seul l’élément supplémentaire de concessionnalité impliqué dans la restructuration de la dette est comptabilisé au titre de l’APD. Par ailleurs, de fortes mesures de sauvegarde ont été ajoutées dans le système de l’équivalent-don pour prévenir toute augmentation excessive de l’APD, sous la forme d’un plafond strict pour l’allégement de dette portant sur des créances issues de l’APD, y compris les intérêts de retard et les pénalités / en valeur nominale.

Parallèlement, le maintien de la notification de l’allégement de la dette sur la base des flux financiers offre de la transparence sur les opérations effectuées et les montants concernés. L’OCDE continue d’examiner les répercussions de la méthode retenue pour l’allégement de la dette, notamment l’évolution des prêts d’APD par rapport aux dons.

Question 8. La nouvelle méthodologie encourage-t-elle les donneurs à proposer des prêts plutôt que des dons, avec potentiellement une aggravation de la crise de la dette ?

Sachant que les règles adoptées en 2014, et mises en œuvre en 2018, ont instauré une mesure globalement plus restrictive du degré de concessionnalité, les prêteurs doivent recourir à des prêts plus concessionnels de manière à ce qu’ils soient, en partie, comptabilisés au titre de l’APD. Les répercussions de ces décisions font l’objet d’un suivi rigoureux et sont soumises à examen. À l’heure actuelle, les analyses ne révèlent aucun signe de modification majeure du comportement des donneurs : les dons continuent de compter pour environ 80 % du total de l’APD.

La réforme a également introduit une nouvelle mesure de sauvegarde concernant la viabilité de la dette : les prêts assortis de conditions non conformes à la politique du FMI sur les plafonds d’endettement et/ou à la politique de la Banque mondiale en matière d’emprunts non concessionnels/de financement du développement durable pourraient ne pas être comptabilisés dans l’APD. Voir les Directives convergées pour l’établissement des rapports statistiques, paragraphe 60.

Question 9. La réforme influence-t-elle la composition du financement climatique de façon négative ? Les chiffres de l’OCDE sont-ils gonflés ?

Les chiffres du financement climatique sont pour une large part décorrélés du système de l’équivalent-don adopté par le CAD :

La vaste proportion des prêts dans le total du financement climatique publique reflète le volume important des prêts octroyés par les banques de développement multilatérales, et non par les membres du CAD, dont les prêts d’APD représentent moins de 20 % du financement climatique. Le système de l’équivalent-don ne s’applique pas aux banques de développement multilatérales et n’a aucune incidence sur leurs décisions en matière de financement.

L’essentiel de l’APD (85 %) et la majeure partie du financement climatique concessionnel bilatéral (64 %) sont aujourd’hui encore fournis sous forme de dons. L’introduction du système de l’équivalent-don dans les statistiques du CAD n’a pas entraîné d’augmentation de la proportion des prêts dans l’APD. Le CAD et l’OCDE continuent de surveiller cet aspect. Dans tous les cas, la Recommandation du CAD sur les conditions financières et modalités de l’aide oblige toujours les pays membres à maintenir un degré élevé de concessionnalité dans leurs apports d’APD (élément de libéralité moyen minimum de 86 %) et notamment pour les pays les plus pauvres (90 % pour les pays les moins développés). 

Enfin, la mesure du financement climatique ne fait pas partie du mandat du CAD. La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a une latitude totale pour choisir de mesurer le financement climatique sur la base des flux financiers ou des équivalents-don, et pour définir les paramètres devant être appliqués dans ce contexte. Lors de la COP26, la CCNUCC a adopté un nouveau format tabulaire commun pour la communication des informations à partir de 2024 : la mesure reste fondée sur les flux financiers, mais elle permet également aux parties de notifier l’équivalent-don à titre volontaire (sans préciser les taux d’actualisation appliqués à ces fins).

Allégement de la dette

Question 10. La méthodologie entraîne-t-elle une non-comptabilisation dans l'APD des opérations d'allégement de la dette portant sur des créances issues de prêts non-APD ?

La comptabilisation des opérations d’allégement de la dette portant sur des créances issues de prêts non-APD ne découle pas de la réforme de modernisation de l’APD. Les règles du CAD ont toujours autorisé la comptabilisation dans l’APD de l’intégralité de la valeur nominale d’un crédit commercial annulé, à laquelle s’ajoutent les intérêts cumulés et les pénalités.

Le principal argument à cela est que les opérations d’allégement de la dette sont considérées comme étant à l’appui du développement, et par conséquent comptabilisables au titre de l’APD, puisqu’elles allègent le fardeau de la dette pour le pays bénéficiaire en modifiant l’encours de la dette ou ses conditions de remboursement.

L’allégement de la dette est une composante intrinsèque du cadre des ODD, notamment au travers de la cible 17.4 qui appelle à aider davantage « les pays en développement à assurer la viabilité à long terme de leur dette au moyen de politiques concertées visant à favoriser le financement de la dette, son allégement ou sa restructuration, selon le cas, et réduire le surendettement en réglant le problème de la dette extérieure des pays pauvres très endettés ». Il est généralement admis que la hausse de la dette publique peut avoir pour effet de réduire les capacités des pays en développement à mobiliser des ressources pour la mise en œuvre des ODD.

Instruments du secteur privé

Question 11. L’acquisition d’actions dans des structures financières est comptabilisée au titre de l’aide, mais leur cession n’est pas déduite. Le traitement des instruments du secteur privé gonfle-t-il les chiffres de l’aide de façon excessive ?

Dans le cadre des modalités provisoires de notification pour les instruments du secteur privé, les prises de participation ne peuvent être comptabilisées dans l’APD que si elles reflètent une intention claire d’appui au développement, conformément au critère d’éligibilité de l’APD. La décision du CAD de 2016 a supprimé les mesures de dissuasion concernant l’utilisation des prises de participation dans la coopération pour le développement en instaurant un plafond sur les retours de capitaux. Les profits réalisés ne sont toutefois pas dissimulés : en vertu des modalités provisoires de notification, les pays membres doivent fournir à l’OCDE des informations détaillées concernant les cessions de parts et les dividendes aux fins de la surveillance nécessaire pour garantir la fiabilité des données notifiées.

Dons de vaccins contre le COVID-19

Question 12. Les pays riches envoient-ils des doses de vaccins achetées pour leur propre population – dans certains cas périmées – à destination des pays pauvres, et les comptabilisent-ils au titre de l’APD ?

Les dons de doses de vaccins ont représenté 1 % seulement du total de l’APD en 2021. Les directives de l’OCDE pour la déclaration de ces dons en 2021 a aidé à protéger les budgets alloués au développement, puisque tous les membres du CAD sauf un ont appliqué ces directives. Elles ont été rédigées à l’issue de plusieurs consultations et sur la base de la contribution d’experts internationaux d’organisations de santé de premier plan.

Les Directives du CAD pour l’établissement des rapports statistiques, instaurées de longue date, autorisent la comptabilisation des dons en nature au titre de l’APD, en supplément des contributions directes sous forme de financement. Les dons de doses de vaccins excédentaires sont une forme d’aide en nature.  Même si les doses n’ont pas été initialement achetées à des fins de développement, les dons en eux-mêmes profitent aux pays en développement. Face aux inégalités en matière de vaccination à l’échelle mondiale et au taux de vaccination très bas dans les pays à faible revenu, les pays à revenu élevé ont été appelés à partager rapidement des doses de vaccins contre le COVID‑19, notamment par l’intermédiaire du mécanisme COVAX. De nombreux donneurs se sont engagés à partager et faire don de doses, par exemple, dans les communiqués du G7 et du G20 en 2021, et dans le dernier rapport d’étape relatif aux dons de doses dans le cadre du mécanisme COVAX.

Sachant que les Directives du CAD autorisent déjà la notification des dons de vaccins, les débats ont porté sur la nécessité d’orienter la détermination du prix des vaccins et d’établir des mesures de sauvegarde supplémentaires. Le prix de 6.72 USD par dose recommandé par l’OCDE visait à préserver l’intégrité et la crédibilité de l’APD et des statistiques du CAD, en proposant une méthode simple, mais fiable, alignée sur le mécanisme COVAX, tout en garantissant la transparence et la comparabilité des données communiquées par les pays membres.

Dans de nombreux cas, le prix moyen de 6.72 USD est sous-valorisé par rapport aux coûts réels assumés par les pays membres du CAD qui ont donné des vaccins issus de différents laboratoires, y compris ceux dont le prix était le plus élevé. Il s’agit donc là d’une mesure de sauvegarde efficace contre toute augmentation de l’APD. Lorsque les pays ont pour l’essentiel donné les vaccins les moins chers, ils ont ajusté leurs chiffres pour 2021 afin de ne pas surévaluer leur APD, conformément aux orientations appliquées par l’OCDE lors du traitement des données.

En outre, avec le prix de 6.72 USD par dose, la notification des contributions en espèces et des dons au titre de l’APD reste cohérente : il s’agit du prix auquel le Gavi/COVAX fera l’acquisition des doses en utilisant les contributions en espèces des donneurs. Établir un prix plus élevé pourrait avoir un effet dissuasif sur les contributions en espèces, qui est l’option privilégiée du mécanisme COVAX à long terme.

Les doses périmées ne sont pas comptabilisables au titre de l’APD. Par défaut, les doses données doivent avoir une durée de conservation de 10 semaines minimum une fois parvenues dans le pays bénéficiaire, conformément aux recommandations des organisations internationales de santé concernées.

Les données de l’APD de 2021 publiées par l’OCDE établissent clairement une distinction entre les niveaux d’APD selon qu’ils incluent ou non les dons de vaccins.

Voir aussi notre blog sur les vaccins contre le COVID‑19 et l’APD.

Vous ne trouvez pas la réponse à votre question ? Ecrivez-nous à dac.contact@oecd.org.

 

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