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PISA à la Loupe N°43blog: Qui sont les élèves les plus susceptibles de redoubler ? Indice : ce n’est peut-être pas qu’une question de mauvaises notes…

 

Qui sont les élèves les plus susceptibles de redoubler ? Indice : ce n’est peut-être pas qu’une question de mauvaises notes…  

 

C’était le genre de sujet dont vous parliez à voix basse avec vos camarades de classe, tandis que pour les élèves concernés – des garçons en général –, c’était une source de honte que certains d’entre eux tentaient, sans grand succès, de transformer en objet de fanfaronnade. Le redoublement n’a jamais rien eu d’une plaisanterie et continue de concerner des millions d’élèves chaque année – même si les bénéfices qu’ils en retirent à titre individuel sont maigres.   

D’après les différentes éditions de l’enquête PISA, le redoublement n’a pas apporté la preuve évidente de ses bénéfices, que ce soit pour les élèves redoublants ou pour le système d’éducation dans son ensemble. En outre, le redoublement est une solution coûteuse face à la difficulté scolaire : les redoublants sont en effet plus exposés au risque de décrochage scolaire ou restent plus longtemps dans le système scolaire, ce qui retarde leur entrée dans la vie active.   

Certains pays commencent à prendre conscience que le redoublement n’est ni économique, ni particulièrement efficace pour aider les élèves en difficulté. Ils délaissent donc cette pratique en faveur d’un dépistage et d’un soutien plus précoces à ces élèves. Ainsi, les 13 pays et économies qui affichaient des taux de redoublement supérieurs à 20 % en 2003 enregistrent en 2012 une diminution de ces taux de 3.5 points de pourcentage, en moyenne. Cette diminution est particulièrement marquée en France, au Luxembourg, à Macao (Chine), au Mexique et en Tunisie.   

Mais les résultats de l’enquête PISA 2012 mettent également au jour une autre bonne raison d’en terminer avec la pratique du redoublement : comme les élèves issus d’un milieu socio-économique défavorisé sont plus susceptibles de redoubler que leurs pairs issus d’un milieu favorisé, le redoublement tend à creuser les inégalités du système scolaire. Dans les pays de l’OCDE, un élève issu d’un milieu socio-économique défavorisé sur cinq (20 %) indique ainsi avoir déjà redoublé au moins une fois depuis le début du primaire, contre seulement moins d’un élève issu d’un milieu favorisé sur dix. En Belgique, en Espagne, au Luxembourg, au Portugal, en Tunisie et en Uruguay, c’est plus d’un élève défavorisé sur deux qui est dans ce cas.      

Il est encore plus préoccupant de constater que, même à niveau de compétence similaire en mathématiques, en compréhension de l’écrit et en sciences, la probabilité pour un élève d’avoir déjà redoublé est souvent liée à son milieu socio-économique. Dans 33 des 61 pays et économies à l’étude, la probabilité de redoubler est significativement plus forte parmi les élèves défavorisés que parmi les élèves favorisés, même après contrôle des différences de performance en mathématiques, en compréhension de l’écrit et en sciences. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, à niveau de compétence similaire, les élèves défavorisés sont ainsi 1.5 fois plus susceptibles que les élèves favorisés d’avoir déjà redoublé.      

Ce constat montre que la faiblesse des résultats scolaires n’est pas la seule raison motivant le redoublement d’un élève ; d’autres facteurs liés au désavantage socio-économique entrent également en ligne de compte. Le redoublement peut ainsi être utilisé davantage comme une forme de sanction à l’encontre des élèves perturbateurs que comme moyen de remédier au retard scolaire. Les données de l’enquête PISA montrent ainsi que les élèves défavorisés sont nettement plus susceptibles que leurs pairs plus favorisés d’arriver en retard à l’école ou de sécher les cours. On ignore cependant dans quelle mesure le fait de recommencer la même année d’études peut aider à améliorer le comportement d’un élève en classe et sa motivation à l’égard de l’école. Ce que l’on sait, en revanche, c’est que les retards à l’école ou les cours séchés sont autant d’opportunités manquées d’apprentissage qui, à leur tour, renforcent les inégalités liées au milieu socio-économique. 

En imposant aux élèves en difficulté de redoubler, on fait ressentir une source supplémentaire de honte et de gêne à des élèves qui sont peut-être déjà démotivés et en rupture avec l’école – et ce sans bénéfices évidents. Au lieu d’exposer ces élèves aux médisances de leurs camarades, ne vaudrait-il pas mieux veiller à ce qu’ils soient au centre de toute l’attention, de tout le soutien et de tous les encouragements dont ils ont besoin – et ce dès qu’ils en ont besoin ?