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Argent : que savent les ados ? Blog par Andreas Schleicher

 

Argent : que savent les ados ?

Par Andreas Schleicher, Directeur de la Direction de l’éducation et des compétences

 

Avant, on se demandait simplement quoi faire avec l’argent de ses babysittings ; aujourd’hui, c’est à qui aura la meilleure gestion. Mais qu’en est-il vraiment ? Qu’est-ce que les jeunes de 15 ans comprennent vraiment aux questions d’argent ? Sont-ils capables de prendre des décisions réfléchies en matière d’épargne ou de dépenses ? Savent-ils faire la différence entre un bon placement et un risque financier ? (Et d’ailleurs, combien d’entre nous peuvent en dire autant ?)

Pour ne pas laisser ces questions sans réponse, 18 pays participant à l’enquête PISA ont administré la première évaluation de la culture financière des jeunes jamais menée dans le monde entier. Les résultats de cette évaluation, publiés aujourd’hui, font l’objet de ce nouveau numéro de PISA à la loupe.

L’évaluation de la culture financière, administrée à titre d’option en parallèle du test PISA, a été menée auprès de 29 000 élèves – représentant environ 9 millions de jeunes de 15 ans – dans les pays et économies participants.  

Cette évaluation montre avant tout à quel point la connaissance et la compréhension qu’ont les élèves des questions d’argent peut varier. Parmi les 13 pays et économies de l’OCDE participants, seul un élève sur dix atteint le niveau de compétence le plus élevé en culture financière – soit le niveau 5. Ces élèves sont capables de résoudre des problèmes financiers qui sortent de l’ordinaire, comme le calcul du solde d’un relevé de compte, déduction faite des frais bancaires, et de montrer qu’ils ont compris le paysage financier au sens large, par exemple les implications des tranches d’imposition sur le revenu. À l’autre extrémité du spectre de compétence, 15 % des élèves, en moyenne, se situent en deçà du seuil de compétence – soit le niveau 2. Ces élèves sont au mieux capables de reconnaître la différence entre ce qui relève d’un besoin ou d’un souhait, de prendre des décisions simples à propos de dépenses quotidiennes, d’identifier l’objet de documents financiers courants, comme des factures, et d’effectuer une seule opération arithmétique fondamentale (addition, soustraction ou multiplication) dans des situations qu’ils sont susceptibles d’avoir déjà rencontrées.  

Les élèves de Shanghai (Chine) obtiennent les meilleurs résultats en culture financière, en moyenne, avec un score de 603 points, soit 103 points de plus que la moyenne de l’OCDE. En moyenne, les élèves d’Australie, de Communauté flamande de Belgique, d’Estonie, de Nouvelle-Zélande, de Pologne et de République tchèque se situent également au-dessus de la moyenne de l’OCDE.

Au lendemain de la plus grande crise économique mondiale jamais connue depuis la Grande Dépression – ressentie particulièrement durement par des millions de jeunes adultes ne parvenant pas à trouver un emploi une fois leur diplôme en poche – et à une époque où les produits et services financiers deviennent de plus en plus complexes, les résultats de l’évaluation montrent que, même dans les pays ayant obtenu de bons scores, un nombre important d’élèves n’ont pas certaines compétences financières essentielles. Cette situation est préoccupante. Les élèves qui éprouvent des difficultés face à des choses simples, comme évaluer le passif à long terme découlant d’une dette, risquent de tomber dans le piège des taux d’intérêts exorbitants de leurs cartes de crédit. Or n’oublions pas que parmi les éléments déclencheurs de la crise financière mondiale se trouve le mélange corrosif d’une tendance à vivre au-dessus de ses moyens alliée à des pratiques de prêts pour le moins peu scrupuleuses.    

Mais alors, que faire face à cela ? Les pays adoptent des approches très différentes pour préparer leurs élèves à un monde financier de plus en plus complexe. Certains d’entre eux ont commencé à introduire l’éducation financière dans leurs programmes scolaires, pouvant ainsi aider à renforcer les liens entre école et vie réelle. Mais bien sûr, d’autres groupes d’intérêt plaident également pour leur cause : il y les partisans d’une bonne éducation numérique pour renforcer la culture numérique, de l’éducation à la santé pour l’alphabétisation sanitaire, de l’éducation environnementale pour la sensibilisation à l’environnement, et ainsi de suite, de sorte que les élèves se retrouvent souvent avec un programme de cours à rallonge, mais sans réelle substance, qui manque donc de la profondeur nécessaire à la construction de bases solides pour leur apprentissage. Ce constat peut également expliquer pourquoi certains pays où les élèves sont le plus exposés à l’éducation financière ne réussissent pas particulièrement bien à l’évaluation de la culture financière – ni à aucune autre des évaluations PISA d’ailleurs. 

D’autres pays accordent la priorité au renforcement de la compréhension conceptuelle des élèves dans des domaines clés, comme les mathématiques, afin qu’ils soient en mesure d’appliquer cette compréhension dans d’autres contextes, notamment financiers. Mais cette approche n’est pas sans risque : elle peut déconnecter les élèves de la réalité. Toutefois, le fait que ce dernier groupe de pays inclue Shanghai (Chine), en tête du classement pour cette évaluation et dont les élèves, même s’ils sont rarement exposés dans le cadre scolaire à des problèmes s’inscrivant dans des contextes financiers, affichent un niveau de compétence en culture financière supérieur à celui des élèves de tout autre pays, montre que le débat sur la meilleure façon de développer les compétences en culture financière reste ouvert.

Quel que soit le juste équilibre pour les programmes scolaires – entre une approche plus conceptuelle ou plus ancrée dans la réalité –, les résultats sont sans appel : nombre d’élèves doivent étoffer leur niveau de culture financière. 

 

 

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