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Un nouvel agenda pour la croissance inclusive

 

Une vérité simple s’impose désormais dans la sphère économique.

 

Les responsables publics et politiques savent comment mondialiser l’économie, mais ignorent comment mettre la mondialisation au service de la majorité des électeurs. Nous en subissons aujourd’hui les conséquences lors des élections partout dans le monde. Les inégalités dans les pays avancés alimentent une immense instabilité politique.

 

Depuis la chute du mur de Berlin en 1989, nous avons réussi à créer un marché mondial d’une portée sans précédent. Mais c’est un marché dominé par les très riches, les élites, où les 1 % les plus aisés contrôlent désormais la moitié de la richesse mondiale.

 

Sur ce marché gigantesque, comment répartir les gains plus équitablement et renouer avec une partie de la stabilité d’antan ?

 

Avant, nous pensions que les inégalités étaient la conséquence des « progrès technologiques favorisant la main-d’œuvre qualifiée ». Rémunération et niveaux d’études étaient liés, et les responsables publics croyaient avoir la réponse que l’ancien Premier ministre du Royaume-Uni Tony Blair résumait ainsi : « l’éducation, encore l’éducation, toujours l’éducation ».

 

Mais aujourd’hui, il est clair que cette vieille formule ne suffit plus. Les hypothèses d’hier semblent obsolètes, avec pour conséquence une stagnation des salaires de millions de travailleurs dans la zone OCDE. Par exemple, réduire les impôts et alléger la réglementation ne garantit plus l’investissement. La déréglementation mondiale n’a pas empêché de grandes multinationales de cesser d’investir et d’accumuler d’abondantes liquidités pour leur propre compte. Mais quand les entreprises investissent moins, la productivité s’enraye et les salaires stagnent.

 

Comme le montrent les recherches de l’OCDE, dans la nouvelle « économie des plateformes » dominée par des géants tels que Google, Apple, Alibaba et Facebook, les gains de productivité ne semblent pas irriguer l’économie autant que la théorie du marché libre le suggère. Par conséquent, les gains de productivité dans la plupart des entreprises sont faibles, comme la croissance des salaires.

 

De nouvelles réponses s’imposent. Si le marché n’est pas capable de mobiliser l’investissement dont la société a besoin pour générer des progrès bénéficiant à tous, les pouvoirs publics doivent intervenir. Cela va à l’encontre des anciennes orthodoxies des années 1980, mais le monde a radicalement changé.

 

Premièrement, il est clair que les emprunts d’État à grande échelle n’entraînent plus une hausse des taux d’intérêt ou de l’inflation. Ainsi que Ben Bernanke, Robert Gordon, Paul Krugman et Larry Summers l’ont affirmé – en avançant des explications différentes – les excédents d’épargne mondiale dépassent l’investissement. Les taux d’intérêt et les anticipations d’inflation sont historiquement bas, même si la dette publique atteint 80 à 90 % du PIB dans plusieurs pays de l’OCDE.

 

Rien ne prouve non plus qu’un « État développé » soit un frein à la croissance économique. Notamment, il est désormais évident que les dépenses publiques consacrées à la science bénéficient au secteur privé. Huit pays affichent des dépenses de R-D équivalentes à 3 % du PIB, et tous sauf un ont enregistré, au cours de la dernière décennie, des gains de productivité bien supérieurs au Royaume-Uni, qui dépense beaucoup moins.

 

Le progrès passe désormais par la création d’une nouvelle génération d’institutions publiques-privées chargées de démocratiser les chances offertes par cette nouvelle ère, ce qui est une urgence absolue dans le domaine de la fiscalité. La capacité de la politique monétaire d’alimenter la demande mondiale atteint ses ultimes limites, et de nouvelles institutions publiques-privées sont nécessaires pour stimuler l’investissement. Mais il faut trouver l’argent quelque part, et c’est là qu’intervient la réforme fiscale.

 

Nous avons des institutions – l’héritage de Bretton Woods – qui peuvent contribuer à dynamiser la croissance, mais nous n’avons pas trouvé la solution pour taxer la nouvelle richesse des nations. Par conséquent, selon certaines estimations, 7 500 milliards USD sont dissimulés dans des paradis fiscaux, dont environ 6 000 milliards n’ont jamais été taxés.

 

Que faut-il changer ? Premièrement, nous devons radicalement renforcer la surveillance démocratique des dispositifs fiscaux. Nos autorités fiscales ne veulent à aucun prétexte mêler les responsables politiques à l’élaboration des accords fiscaux – pour des raisons légitimes tenant à la lutte contre la corruption – mais la conséquence en est que la charge fiscale des grandes entreprises résulte d’un processus informel échappant à tout contrôle.

 

Deuxièmement, la transparence fiscale, dont l’OCDE est le héraut, doit devenir réalité. Les citoyens doivent savoir où les multinationales paient leurs impôts, et les pouvoirs publics devraient recourir à de nouveaux accords commerciaux imposant aux multinationales de produire des déclarations pays par pays des impôts acquittés.

 

Troisièmement, nous devons amplifier le nouveau débat sur la fiscalité du patrimoine. Les années d’austérité et de politique monétaire très accommodante ont été propices aux détenteurs d’actifs. Si vous avez la chance de posséder un logement ou des actions, votre situation financière s’est améliorée depuis 2010 : le marché boursier et les prix de l’immobilier sont en hausse, mais la fiscalité du patrimoine a pour l’essentiel échappé à toute réforme.

 

Quatrièmement, nous devons renforcer les autorités fiscales et, surtout, changer le discours qui entoure la fiscalité, qui ne doit plus être un simple pourvoyeur de recettes, mais le prix que nous devons tous payer pour le progrès.

 

« L’art de l’imposition », a déclaré l’homme l’État français Jean-Baptiste Colbert, « consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris. » Ceux qui crient actuellement ne sont pas ceux qui le devraient : ce sont les pauvres, et non les riches. C’est une autre vérité de la recherche économique récente qu’il nous faut désormais changer.

 

Voir http://liambyrne.co.uk

 

Les articles signés expriment l’opinion de leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement les vues officielles de l'OCDE ou de ses pays membres de l'OCDE. 

© L'Annuel de l'OCDE 2017

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Liam Byrne
Président, UK All-Party Parliamentary Group on Inclusive Growth, et ancien Secrétaire en chef du Trésor de Sa Majesté

© L'Annuel de l'OCDE 2017

 

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