Forum du Club : l'avenir des espaces saharo-sahéliens

 

Sahel

Abidjan, 28 novembre 2013

Réunissant un panel représentatif des parties prenantes, le Forum a permis d’engager un dialogue sur le potentiel de développement de l’espace saharo-sahélien et sur l’impact d’une coopération renforcée entre l’Afrique du Nord, de l’Ouest et du centre notamment en termes de sécurité. Le Secrétariat du Club capitalisera les débats et les analyses en cours depuis mi-2013 (POAESS) dans un Atlas à paraître dans le cadre de la série des Cahiers de l’Afrique de l’Ouest de l’OCDE. 

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À propos du Forum

Cette rencontre a rassemblé une centaine de décideurs politiques, hauts représentants d’organisations internationales et régionales, chercheurs et acteurs locaux.

La journée a alterné présentations qui ont exploré les caractéristiques politiques, sécuritaires, économiques et géographiques du Sahara-Sahel et tribunes politiques avec la volonté de partager les connaissances et de générer un débat informé et inclusif avec l’audience. Dans ces dernières, trois ou quatre intervenants y ont argumenté du besoin d’une lecture renouvelée des politiques et pratiques pour appréhender les enjeux socio-économiques et sécuritaires de la zone. L’accent y était également mis sur l’enchevêtrement des échelles temporelles et spatiales des dynamiques et sur la nécessité d’une réponse adaptée à ces particularités.

 

Plus spécifiquement, les tribunes visaient à :

  • Questionner les initiatives « sécurité et développement », leur cohérence et leur échelle d’action ;
  • Partager les expériences vues de la perspective des développementalistes, des experts en sécurité, des acteurs économiques, des chercheurs et des politiques ;
  • Discuter de mécanismes et échelles de coopération innovants et des solutions pérennes pour promouvoir le développement et la sécurité des populations dans les espaces saharo-sahéliens.

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Haut-Représentant de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel S.E. Président  Buyoya et Président du Club De Donnea > images

Ordre du jour

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Session 1 : Trajectoires politiques et géographies du Sahara-Sahel

Présentation 1 : Instabilités et géopolitiques régionales

La plupart des conflits passés étaient géographiquement localisés ; or, les crises actuelles possèdent une dimension transnationale qui rend leur règlement dépendant de solutions régionales. Cela suffit-il à expliquer l’intensité des violences actuelles ? Après une revue des facteurs et acteurs en jeu, les incidences des événements politiques récents (coups d’État, révolutions arabes) sur les relations entre l’Afrique du Nord et de l’Ouest sont interrogées. Quels territoires pour quelles réponses ? Quel rôle pour les frontières ?

Présentation 2 : Une histoire géographique à partir des circulations

La croissance et la diversification des mobilités saharo-sahéliennes renouent et multiplient les jonctions entre rives maghrébine et sahélienne du Sahara. Quel est le rôle des réseaux dans le développement des circulations et comment ces dernières influent la structuration des territoires ? Les dynamiques migratoires y sont-elles structurantes et/ou déstructurantes ?

Présentation 3 : Sociétés nomades et recompositions

L’analyse des identités et des organisations socio-politiques des sociétés nomades (pastoral, agro-pastoral, commercial et caravanier…) permet de mieux appréhender les évolutions récentes de leurs conditions d’existence. Or, si leur avenir dépend d’enjeux régionaux et globaux, les sociétés nomades en recomposition perpétuelle participent également des conditions de la stabilité. Comment transformer les risques en potentiels de consolidation de l’interface entre Afrique du Nord et de l’Ouest ?

Débats

Tribune 1 : Les initiatives sécurité et développement face aux défis transnationaux : quel est le point de vue du monde scientifique ?

Les panélistes sont invités à argumenter : Les mécanismes de dialogue politique et d’action des stratégies « dites » Sahel ou des initiatives « Sécurité et développement » sont-ils adaptés - temporellement, spatialement, opérationnellement – aux tensions actuelles ?

Débats

Session 2 : Réalités économiques, dialogues politiques et perspectives de coopération du Sahara-Sahel

Présentation 4 : Histoire des relations économiques et politiques

Depuis, la fin des années 1990, on assiste à un regain d’intérêt des pays d'Afrique du Nord pour leur sud : accords économiques et commerciaux, coopération sécuritaire, organisations régionales. Mais pour autant, le Maghreb et le Machrek continuent de regarder plus vers l’Europe et le Monde et les échanges commerciaux transsahariens restent faibles. Comment constituer ou reconstituer un espace commun ?

Tribune 2 : Quelles mesures pour renforcer la coopération économique entre les pays du Sahara – Sahel ?

Les trois panélistes s’expriment sur : Quels sont les intérêts économiques communs aujourd’hui et à long terme des pays des deux rives ? Quels potentiels valoriser, investissements et mécanismes de dialogue proposer pour une réponse adéquate et durable ? Quelles perspectives politiques pour la coopération transsaharienne ?

Débats

Tribune 3 : Comment construire la cohérence des politiques pour une stabilité durable ?

Les panélistes issus d’institutions internationales et régionales expriment leurs visions sur comment construire ou favoriser une coopération mieux partagée et cohérente à partir des initiatives existantes et à venir. Ils débatent notamment des échelles temporelles et spatiales à prendre en compte et leur opérationnalisation au niveau des actions de développement et de sécurité, etc. L’objet est de parvenir à des consensus sur des approches ou outils innovants à partir du partage d’expériences.

Débats

 

Débats

Il ressort des débats que :

  • Les menaces sécuritaires qui pèsent sur les espaces saharo-sahéliens sont de nature transnationale, qu’elles concernent solidairement l’Afrique de l’Ouest, du Centre et du Nord et la Communauté internationale ;
  • Ces dynamiques conflictuelles sont complexes et multiformes. Elles ne pourront être durablement écartées que par des stratégies associant le court, le moyen et le long terme et par la prise de conscience que les enjeux de sécurité et développement étant étroitement imbriqués, les réponses doivent s’adapter ;
  • Les espaces saharo-sahéliens disposent de potentiels partagés, susceptibles d’assurer leur développement commun et de conforter celui des pays et régions auxquels ils appartiennent.

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Présentations

Walther 
par Olivier Walther, Professeur assistant, Département des Affaires Internationales, Rutgers University
 
 
Denis Retaillé
Une histoire géographique à partir des circulations I
par Denis Retaillé, Professeur à l’Université de Bordeaux, CNRS 

PPT à venir
 
Ali Bensaâd
Une histoire géographique à partir des circulations II
par Ali Bensaâd, Maître de Conférences à l’Université Aix-Marseille

PPT à venir
Laurent Gagnol
par Laurent Gagnol, Chercheur associé à l’UMR 5194 PACTE, Université J. Fourier de Grenoble

 

Antonin Tisseron  Histoire des relations économiques et politiques 
par Antonin Tisseron, Docteur en Histoire et Chercheur associé à l’Institut Thomas More
Mohamed Ayadi 

Infrastructure transfrontalière et son impact 
par Mohamed Ayadi, Secrétaire général du Comité de liaison de la route transsaharienne

Points de vue

Quelle stratégie pour le Sahel ?

Si la définition d’une stratégie intégrée globale est illusoire, envisager une harmonisation ainsi que l’ouverture d’une réflexion sur certains enjeux communs est possible et à construire. Dans quelle mesure ces stratégies élaborées dans l’urgence sont-elles négociées avec les pays et institutions régionales concernées ? Comment faire converger les préoccupations centrées sur la lutte contre le terrorisme et celles sur le développement ?  Quelles échelles géographiques ? Quels mécanismes de mise en oeuvre et de financement des activités multilatérales ?

 

Pierre Buyoya, Haut-Représentant de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel

« La stratégie de l’Union africaine vise à relever trois grands défis : la sécurité, la gouvernance et le développement, y compris l’aspect humanitaire. Comment amener les pays du Sahel et de l’espace saharo-sahélien à coopérer en matière de sécurité ? Cette stratégie est mise en œuvre à travers ce que nous appelons le processus de Nouakchott. Nous visons à créer dans la région des mécanismes de coopération au niveau stratégique et opérationnel pour faire face aux problèmes de sécurité que nous rencontrons. Deuxième élément, quelles sont les problématiques de gouvernance communes dans cette région ? Par exemple, la radicalisation au niveau religieux, la question de décentralisation, les questions de marginalisation des minorités, le problème d’emploi des jeunes, etc. Nous essayons avec les pays de la région d’approfondir les réflexions pour savoir comment faire face à ces questions-là. Le troisième pilier de notre stratégie concerne la question de développement économique. Il faut reconnaitre que la sécurité et le développement sont deux faces d’une même médaille. L’insécurité dans le Sahel est très liée à la pauvreté et nous devons améliorer la résilience des populations à travers les programmes de renforcement de l’agriculture, de l’élevage, de la lutte contre les aléas climatiques, et ensuite travailler sur les questions qui peuvent changer à terme le visage économique de la région. »

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Michel Reveyrand de Menthon, Représentant spécial de l’Union européenne pour le Sahel

« L’Union européenne était la première grande institution à avoir développé une stratégie pour le Sahel qui articule étroitement la sécurité et le développement : « pas de sécurité sans développement, pas de développement sans sécurité ». […] L’un des grands enjeux aujourd’hui, c’est de parvenir à créer une approche régionale de cette crise Sahara-Sahel. La communauté internationale doit arriver à mettre en place un cadre de gestion de ces crises à la bonne échelle. Il y a deux approches qui se combinent et se renforcent : l’une des approches est d’essayer d’aider des États concernés –les États du Sahel et du Sahara – à mettre ensemble une coopération à l’échelle de la crise, en particulier dans le domaine de la sécurité. Il est très important que l’ensemble des États concernés travaillent entre eux et créent peut-être une structure, un pool de rencontres régulières à l’échelle de cet espace Sahara-Sahel. L’autre aspect, c’est la coordination de l’ensemble de la communauté internationale qui est intéressée par ces crises ; […] Il faut que l’ensemble de ces acteurs trouvent leurs places, coordonnent leurs actions…nous devons être d’accord sur l’essentiel – nous sommes d’ailleurs d’accord sur l’essentiel et c’est pourquoi nous pouvons être plutôt optimiste aujourd’hui sur l’avancée sur cet agenda régional. »

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Peter Robert Sampson, Chef de l'unité Conseils en médiation, UNOWA

« Au cours des deux dernières années, la stratégie de l'ONU a essentiellement évolué d’une stratégie basée sur une réaction à la crise en Libye vers une stratégie fondée sur une réaction à la crise au Mali pour se transformer enfin aujourd’hui en stratégie axée sur le Sahel. La stratégie des Nations Unies repose sur trois piliers : la gouvernance, la sécurité et la résilience, - avec une attention particulière accordée au développement des infrastructures. Elle couvre  une zone allant de l'Érythrée à la Mauritanie, ciblant plus particulièrement cinq pays sahéliens. Sa mise en œuvre est coordonnée par l'UNOWA. Suite à l'approbation de la stratégie, la visite conjointe au Sahel de l'ONU, de l'UE, de la Banque mondiale, de la Banque africaine de développement et de la Banque islamique de développement, était une étape clé vers le développement d’une approche cohérente. La visite témoigne de la prise de conscience de la communauté internationale sur la situation au Sahel. Elle a permis de mettre en place un mécanisme conjoint de coordination tout en offrant aux pays concernés une opportunité d’identifier leurs propres priorités dans chacun de ces trois piliers. »

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Lori-Anne Théroux-Bénoni, Chercheuse principale à l’Institut d’études de sécurité (ISS) - Dakar

« À l’heure actuelle, il y a une dizaine de stratégies Sahel qui ont été développées ou qui sont en cours d’élaboration par différents acteurs, qu’il s’agissent des États partenaires, des organisations internationales, des institutions financières, ou encore, des États sahéliens eux-mêmes. La multiplication des stratégies n’est pas un problème en soi. Le problème, c’est plutôt de s’assurer qu’il y ait une cohérence d’ensemble entre toutes ces stratégies et que, finalement, les intérêts des partenaires extérieurs ne répondent pas seulement à leurs propres intérêts mais également aux intérêts des pays ciblés, tant au niveau gouvernemental qu’au niveau des populations locales. »


Quelles perspectives pour la coopération transsaharienne ?

Les participants du Forum ont souligné qu’il faudrait repenser la manière dont les États peuvent coopérer aux niveaux transfrontalier et transnational autour des trois défis majeurs du Sahel : la sécurité (force des groupes armées face à la faiblesse des États) ; la gouvernance (faiblesse des budgets réservés à la justice et à l’armée) ; et le développement (pauvreté, insécurité alimentaire notamment). Il existe des pistes à travers par exemple la décentralisation, la coopération transfrontalière ou encore le développement des infrastructures. Voici quelques points de vue : 

Abdourahamane Maouli, Maire d’Arlit, Niger

« La plupart de ces situations que nous vivons, dérivent d’un problème central : la pauvreté, la misère et le manque de moyens pour faire face à cette situation. Je pense qu’un développement des moyens de communication comme par exemple des infrastructures routières ou bien de télécommunications, nous permettraient de relancer le secteur économique et de développer ainsi notre région. […] Il faudrait aussi apprendre à se faire confiance. Sans confiance, tous les efforts sont voués à l’échec. Il faudrait également pousser davantage la décentralisation pour renforcer le contact direct avec la population et accompagner nos communautés. »

 

Antonin Tisseron, Docteur en Histoire et Chercheur associé à l’Institut Thomas More

« Il faut être pragmatique et travailler avec les acteurs sur des programmes concrets auxquels ils souhaitent participer. En effet, d’une part, les structures existantes fonctionnent très mal et d’autre part, elles sont marquées par un climat de méfiance et des rivalités entre les États du Maghreb – notamment le Maroc et l’Algérie – mais aussi entre les pays sahéliens. Donc on est dans une situation difficile dans laquelle il faut avancer petit à petit, privilégier plutôt un cadre bilatéral tout en mettant en place, en parallèle, un forum destiné à améliorer la coordination sur le plan politique. »

Denis Retaillé, Professeur à l’Université de Bordeaux, CNRS

« Longtemps, le Sahara est resté comme une tache blanche sur les cartes. Lorsque cette tache blanche a été remplie d’information, le Sahara est apparu comme un vide. Or, le Sahara n’est pas vide, il est traversé et plutôt que d'insister sur la faiblesse de son peuplement, nous devons prendre en compte la vigueur de l’animation qui y règne par d'incessants passages. L’espace saharo-sahélien est ouvert et animé. La sécurité et le développement trouvent dans cette animation par les circulations, le meilleur de leur fondement, plutôt que dans le cloisonnement et la concentration autour de quelques sites d'exploitation directement branché sur le monde extérieur. La circulation est un gage d'intégration. »

Olivier Walther, Professeur assistant, Département des Affaires Internationales, Rutgers University

« En étudiant le conflit malien, nous avons cherché à comprendre comment des individus avec des objectifs si éloignés (MNLA versus AQMI) avaient pu s’unir contre le gouvernement de Bamako. Nous avons choisi d’analyser ces alliances à travers les réseaux sociaux. Les acteurs sont extrêmement souples dans leurs stratégies sociales et spatiales. Les initiatives institutionnelles pourraient s’inspirer de cette souplesse pour promouvoir le développement et la sécurité dans la région. »

 

Ali Bensaâd, Maître de Conférences à l’Université Aix-Marseille

 « Il y a un véritable processus d’interpénétration entre le Maghreb et le Sahel. Cela peut paraître paradoxal de le dire quand on voit comment les États se tournent le dos. Pourtant, on peut observer la réalité de ce phénomène sur le terrain où des réseaux d’échanges informels, en dehors des États, s’organisent et prospèrent. Ils épousent la même trame que celle des oasis qui ont été dans le cadre du commerce transsaharien non pas des systèmes hydro-agricoles mais des nœuds dans un système relationnel. Les échanges d’aujourd’hui les font revivre. Les États ne veulent souvent pas voir cette réalité. »

 

Salim Chena, Éditeur associé des Dynamiques internationales

« Des rencontres telles que ce Forum du Club encourage une prise de conscience de la nécessité de rapprocher l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest et le Sahel dans la perspective de gérer les défis qu’ils ont en commun. Ceci dit, il existe une demande car les pays coopèrent, même s’ils coopèrent plutôt à deux que tous ensemble. Pour avancer, il y a aussi la possibilité de coopérer sur des sujets très particuliers et précis qui intéressent directement les parties concernées sans fixer ou cristalliser les différences qui peuvent exister et qui sont aussi légitimes entre les États souverains. En terme prospectif, il reste évidemment beaucoup de chose à faire, beaucoup de coordination entre les différents programmes et organismes qui sont actifs dans la région. Mais c’est un pas dans la bonne direction pour à terme arriver à gérer les problèmes et défis que connaît cette région par les premiers concernés que sont les États souverains sur ces grandes espaces. »

Points de vue recueillis le 28 novembre 2013 par Julia Wanjiru, Secrétariat du CSAO.

 

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