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Migrations

L’intégration est un bienfait pour l’Europe

 

La crise actuelle des réfugiés nécessite une réponse audacieuse, systématique et mondiale. Dans le même temps, les pays de l’OCDE devraient adapter leurs politiques afin de favoriser l’intégration des réfugiés appelés à rester dans leur pays d’accueil. Si cette démarche implique des coûts initiaux importants, elle est aussi essentielle pour bénéficier à moyen et à long terme d’importants avantages économiques et sociaux.

L’Europe et le Moyen-Orient traversent une crise humanitaire sans précédent, dont le coût humain est terrifiant et inacceptable. Les pays voisins de la Syrie accueillent près de 5 millions de Syriens, tandis que l’Union européenne est confrontée à des pressions constantes à la fois sur ses frontières extérieures et sur son système d’asile. Avec deux fois plus de demandes d’asile en 2015 que l’année précédente, le nombre de réfugiés en Europe est sans équivalent dans l’histoire récente.

L’attention du public est largement concentrée sur les arrivées massives de réfugiés syriens en Europe, alors qu’en réalité, les Syriens ont représenté en 2015 moins d’un quart des demandes d’asile dans l’OCDE. Depuis janvier 2016, ils constituent moins de la moitié des personnes qui ont rejoint la Grèce en bateau depuis la Turquie. D’où viennent alors les demandeurs d’asile ? En 2015, le principal pays d’origine des réfugiés en France était le Soudan ; au Royaume-Uni et en Suisse, c’était l’Érythrée ; en Finlande, c’était l’Irak ; en Italie, c’était le Nigéria suivi du Pakistan. En Suède, en Allemagne et au Danemark, la Syrie arrivait en tête, mais en Suède, l’Afghanistan occupait la deuxième place, alors qu’en Allemagne, c’était l’Albanie, et au Danemark, l’Iran.

Il importe également de noter que seuls quelques pays en Europe ont été durement frappés par la crise, et en particulier les principaux points d’entrée (l’Italie et la Grèce, mais aussi la Slovénie et la Hongrie) et certains pays de destination clés, comme l’Allemagne, la Suède et l’Autriche. D’autres pays ont été beaucoup moins exposés ou n’ont enregistré que récemment une hausse importante du nombre de demandeurs d’asile.

La diversité des nationalités, des motifs d’émigration et des profils des demandeurs d’asile, ainsi que la concentration des entrées dans quelques pays seulement, représentent un défi considérable pour les systèmes d’asile et les collectivités d’accueil en Europe. Ces éléments entravent la coordination qui est indispensable aux niveaux européen et international.

Les perspectives limitées d’amélioration prochaine en Syrie et en Libye suscitent aussi des inquiétudes. Avec la destruction de plusieurs villes et une instabilité politique chronique, des millions de Syriens pourraient encore être déplacés. La situation en Libye reste également instable, avec la présence marquée de réseaux de passeurs bien organisés, liés à des groupes islamiques armés, qui s’assurent que les itinéraires clandestins via la Méditerranée centrale restent ouverts.

L’Europe peut-elle faire face ?

Aujourd'hui, l’Europe devient une destination majeure pour les travailleurs migrants légaux. Mais, au cours des décennies, elle a également connu plusieurs afflux inattendus de demandeurs d’asile et de réfugiés. Dans les années 1970, ce fut les boat people vietnamiens ; dans les années 1990, les personnes contraintes de partir en raison des conflits en ex-Yougoslavie ; et au début des années 2000, les personnes fuyant les guerres en Irak et en Afghanistan. Les parallèles historiques les plus proches avec la crise actuelle – seulement en termes d’ampleur, cependant – sont les flux de rapatriés français et portugais dans les années 1960 et 1970, ou l’arrivée en Allemagne de plus de 3 millions d’individus d’origine allemande à la fin des années 1980 et au début des années 1990.

Les pays européens ont le plus souvent été pris au dépourvu par ces arrivées massives et inattendues. Mais, de façon générale, ils ont aussi réussi à faire face, parvenant à intégrer les immigrés restés sur leur territoire. Ils ont bien souvent également retiré des avantages économiques de cette immigration, du moins à long terme. Aujourd'hui, les défis à relever sont redoutables, mais l’Europe possède à la fois les moyens et l’expérience pour trouver une solution à la crise actuelle.

Pour ce faire, elle doit toutefois trouver la bonne solution. Jusqu’à présent, la priorité européenne a été de sauver des vies en mer ; d’apporter une aide d’urgence aux réfugiés et aux demandeurs d’asile ; de renforcer les contrôles aux frontières ; et d’améliorer la coordination internationale et les mécanismes de partage des coûts, comme les mécanismes de coordination avec les pays d’origine et de transit. Ces actions sont déterminantes et doivent être poursuivies, voire dans certains cas renforcées. Mais il est primordial de les compléter par des mesures visant l’intégration des réfugiés susceptibles de rester dans le pays d’accueil et de leurs enfants. Il faut également rétablir la confiance sur les questions migratoires et combattre les réseaux de passeurs et la corruption associée à l’immigration irrégulière.

L’intégration est à notre portée

À la question de savoir si nous sommes en mesure d’intégrer les réfugiés, la réponse est claire : nous en avons les moyens. Mais nous en avons surtout le devoir ! Une intégration réussie apporte non seulement des avantages économiques et financiers, mais elle est également un important facteur de cohésion sociale.

L’intégration représente cependant d’importants défis. Le plus urgent est de renforcer l’assistance pour répondre à l’afflux croissant de réfugiés. Mais une intégration réussie passe également par des mesures générales bien adaptées, qui prennent en considération le pays d’origine des réfugiés, leur formation et leur situation familiale. Avec l’intensification et la diversification des flux de réfugiés, il faut de plus en plus adapter les politiques d’intégration aux besoins.

Le traumatisme qu’ont connu de nombreux migrants, mais aussi le fait qu’ils n’ont eu pour la plupart que peu de temps pour préparer leur départ, rendent leur intégration plus complexe. La mauvaise maîtrise de la langue et l’absence de documents justifiant de leur niveau de compétences compliquent encore davantage le processus. Un investissement de départ considérable est nécessaire pour permettre aux réfugiés de s’installer et de développer leurs compétences. De nombreux pays européens proposent déjà aux réfugiés des programmes d’accueil, mais ceux-ci doivent bien souvent être transposés à plus grande échelle. Ces programmes doivent également être disponibles dans l’ensemble du pays, adaptés aux besoins des réfugiés et accessibles le plus tôt possible, même avant la fin de la procédure de reconnaissance. Le récent rapport intitulé Les clés de l’intégration − Les réfugiés et autres groupes nécessitant une protection (OCDE, 2016) fournit de nombreux exemples de bonnes pratiques et d’enseignements pour aider les pays à relever le défi.

Il est aujourd'hui impossible de prédire avec certitude quelle sera l’évolution de la crise en 2016. Il est cependant peu probable que les flux se tarissent. Ce qui est sûr, c’est que cette crise a révélé des failles dans les systèmes de gestion de l’immigration qui doivent être réparées.

Aucun pays européen ne peut gérer seul une si grande crise humanitaire ; et l’Europe ne peut pas non plus agir seule. La réponse doit être mondiale. L’Union européenne devrait coopérer étroitement avec les pays d’origine et de transit. Une coopération internationale est nécessaire pour endiguer l’immigration irrégulière, notamment par le biais du partage d’informations, d’interventions coordonnées contre les réseaux de passeurs, de retours organisés et de la mise en place de campagnes d’information. Dans le même temps, de nouvelles mesures doivent être prises pour développer plus avant les voies d’immigration régulières et la gestion de la mobilité internationale.

Pour gérer la crise actuelle des réfugiés et relever les futurs défis migratoires liés aux changements démographiques et géopolitiques permanents, une nouvelle approche des migrations sera nécessaire. Cette nouvelle façon de voir devra être plus proactive, systématique et régionale, et cibler davantage la prévention des crises que leur résolution. Il est aujourd'hui temps de mener cette réflexion stratégique au niveau international.

Voir www.oecd.org/migration-insights

Référence

OCDE (2016), Les clés de l’intégration −Les réfugiés et autres groupes nécessitant une protection, Éditions OCDE

 

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‌‌‌‌Stefano Scarpetta

Stefano Scarpetta
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Jean-Christophe Dumont

Jean-Christophe
Dumont
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