Partager

France

Lancement de Regards sur l’éducation 2018

 

Allocution d’Angel Gurría

Secrétaire général de l’OCDE

Le 12 septembre 2018 - Paris, France

(Discours tel que préparé)

 

 


Mesdames et messieurs:


J’ai le plaisir de vous présenter aujourd’hui Regards sur l’éducation 2018. Ce rapport, le 27ème de la série, met les pleins feux sur la question de l’équité.

 

Omniprésente dans les travaux de l’OCDE, l’équité est l’une de nos grandes priorités de ces dix dernières années. Le plus récent de nos instruments, le Cadre d’action de l’OCDE pour les politiques de croissance inclusive, fournit des indications propres à guider les choix des pouvoirs publics dans des domaines clés, qu’il s’agisse par exemple d’investir dans les personnes et les territoires laissés de côté, d’assurer l’égalité des chances ou de renforcer l’inclusivité des marchés du travail. L’éducation demeure au cœur de ces différents objectifs.

 

La France, notre pays hôte, a fait de la promotion de l’équité le point d’ancrage de sa politique éducative, un choix opportun et nécessaire. Les données de notre enquête PISA de 2015 révèlent en effet que l’influence du milieu socioéconomique des parents sur les résultats des enfants s’y exerce beaucoup plus fortement qu’il y a dix ans. Il y a donc urgence à agir pour inverser cette tendance alarmante. Il nous incombe de veiller à ce que ni leur situation personnelle ni leur situation sociale n’empêche les élèves de s’accomplir et ce, quel que soit leur âge. Voilà la promesse que l’éducation devrait faire à tous.

 

Permettez-moi de vous exposer quelques-unes des principales conclusions de ce rapport et les enseignements que l’on peut en tirer en ce qui concerne la France.

 

Faire en sorte que chacun prenne un bon départ

Commençons par les premières années de l’existence. Les recherches menées par l’OCDE confirment que des services d’éducation et d’accueil des jeunes enfants – ou EAJE – financièrement abordables et de qualité peuvent exercer une action positive sur le développement cognitif et socio-émotionnel en même temps qu’ils contribuent à réduire la pauvreté et favorisent la mobilité sociale. Il apparaît que les enfants qui ont fréquenté l’EAJE pendant deux années au moins gagnent environ 15 points (l'équivalent de 5 mois de scolarité) à l’épreuve scientifique du PISA une fois pris en compte le milieu socioéconomique. Malgré cela, les pays continuent de consacrer moins d’argent public au financement de l’EAJE qu’à celui de l’enseignement supérieur.

 

Tous les enfants de trois ans ou presque allant à l’école maternelle, la France affiche un taux d’inscription en EAJE (99 %) nettement au-dessus de la moyenne OCDE, qui est de 76 %. À partir de l’année prochaine, la scolarisation des enfants en maternelle sera rendue obligatoire dès l’âge de trois ans.

 

Le taux d’encadrement, en revanche, se révèle bien plus faible en France que dans d’autres pays de l’OCDE. On compte aujourd’hui 23 enfants par enseignant de maternelle, soit huit de plus que la moyenne.

 

Compte tenu de l’influence déterminante de l’EAJE sur le développement de l’enfant, ses apprentissages et son bien-être, nous devons veiller à ce que chacun reçoive l’attention et l’instruction qui lui sont nécessaires. Il est impératif à cet effet de densifier l’encadrement. Un personnel d’EAJE plus qualifié, issu d’une formation spécialisée, sera mieux à même de favoriser l’épanouissement des enfants dans toutes ses dimensions. Et cela est particulièrement vrai pour les enfants défavorisés, qui tirent sans doute le plus grand bénéfice de tout ce qui est fait pour les moins de trois ans, car c’est au cours de ces toutes premières années que le cerveau construit les bases sur lesquelles se développeront plus tard les compétences.

 

Accorder plus d’autonomie aux enseignants et aux chefs d’établissement pour obtenir de meilleures décisions

Le rapport révèle aussi combien il est important de donner plus de latitude aux enseignants et aux chefs d’établissement et de les associer à la prise de décisions.

 

L’amélioration du système éducatif est l’affaire de toutes les parties prenantes : le ministère de l’Éducation, les autorités locales, les enseignants, les chefs d’établissement et les autres membres de la communauté éducative. De nombreux pays, à l’heure actuelle, ont ouvert un débat au sujet de la structure idéale des responsabilités et du niveau auquel doit se décider la politique éducative. La question est complexe. Un système éducatif centralisé, dans lequel les ressources sont réparties de manière uniforme, ne garantit pas nécessairement l’obtention de résultats conformes à l’équité.

 

En France, plus de la moitié des décisions concernant le premier cycle de l’enseignement secondaire sont prises par les autorités centrales quand 10 % seulement le sont au niveau de chaque collège. On s’écarte ici quelque peu de la moyenne OCDE et ses 30 % de décisions laissées à l’appréciation des établissements.

 

En encourageant le perfectionnement professionnel des enseignants et des chefs d’établissement et en leur ménageant l’espace nécessaire pour qu’ils prennent des décisions adaptées aux besoins de leurs élèves, la France fera beaucoup pour la qualité et l’équité de son système éducatif.

 

Il apparaît tout aussi important de rendre les professions d’enseignant et de chef d’établissement plus attractives, en particulier dans l’enseignement primaire. En France, les directeurs d’école primaire reçoivent une rémunération inférieure de près de 40 % à celle de leurs homologues placés à la tête d’un collège. Il s’agit là de la plus forte différence de rémunération entre les deux niveaux d’enseignement que l’on puisse trouver à l’échelle de l’OCDE. À cela s’ajoute, en ce qui concerne le primaire, que les chefs d’établissement ne gagnent que 7 % de plus que leurs enseignants ; là aussi, c’est le plus faible écart observé dans la zone OCDE.

 

Le champ d’action laissé aux directeurs d’école primaire, d’autre part, est particulièrement restreint en France, non seulement par rapport aux autres pays de l’OCDE, mais aussi par comparaison avec les directeurs de collège. Il sera impératif de conforter le statut et le rôle des directeurs d’école et des enseignants pour favoriser la réussite scolaire de tous les élèves.

 

S’appuyer sur l’enseignement professionnel pour l’intégration des jeunes sur le marché du travail

Comme les éditions précédentes, Regards sur l’éducation 2018 vient confirmer à quel point le deuxième cycle de l’enseignement secondaire est décisif pour l’entrée dans la vie active. En France, l’écart de taux d’emploi entre les personnes qui possèdent un diplôme de fin d’études secondaires, ou équivalent, et celles qui n’en possèdent pas est de 20 points de pourcentage (73 % contre 53 %), ce qui est légèrement plus que la moyenne des pays de l’OCDE (18 points).

 

Dans de nombreux pays de l’OCDE, la situation socioéconomique ou l’origine de l’élève pèsent lourdement dans le choix d’orientation entre l’enseignement professionnel et l’enseignement général. En ce qui concerne la France, seuls 10 % environ des élèves entrant dans l’enseignement secondaire général ont des parents qui n’ont pas achevé leurs études secondaires ; ils sont plus de 20 % dans la filière professionnelle.

 

Malgré ces inégalités, le système d’enseignement professionnel français ne manque pas d’atouts à exploiter pour assurer la promotion de ces jeunes. Ceux-ci bénéficient par exemple d’un taux d’encadrement particulièrement favorable, avec un enseignant pour neuf élèves contre un pour treize à l’échelle de l’OCDE, et un pour treize également dans le cas de leurs camarades de l’enseignement général. En outre, les dépenses par élève de la filière professionnelle sont supérieures de 35 % à la moyenne de l’OCDE (15 000 USD contre 11 000 USD).

 

La France, à l’instar de nombreux autres pays de l’OCDE, est surtout mise au double défi d’améliorer l’enseignement professionnel sur le plan qualitatif et de renouveler l’image que le public a des formations proposées. La filière générale, classique, reste en effet considérée comme la voie royale et les séries professionnelles comme une solution de dernier recours pour ceux qui décrochent. Il faut absolument développer et promouvoir l’apprentissage pour que les regards changent et que les cursus favorisent l’égalité des chances et la réussite de tous les élèves.

 

Les atteintes à l’équité changent mais persistent

Si l’édition 2018 de Regards sur l’éducation fournit des clés pour remédier au manque d’équité dans l’éducation depuis la petite enfance jusqu’à l’âge adulte, en France et dans d’autres pays, elle met également en lumière certains problèmes tenaces, qui se présentent notamment sous l’angle de l’égalité entre hommes et femmes. Les garçons sont plus enclins que les filles à redoubler, à abandonner l’école et à ne pas faire d’études supérieures. Leurs meilleurs résultats scolaires n’empêchent toutefois pas les femmes d’être toujours moins bien servies en termes d’emploi et de rémunération, ce dont leurs choix d’orientation sont en partie la cause. Ainsi, 6 % seulement des femmes diplômées du supérieur ont suivi une formation d’ingénieur, contre 25 % des hommes.

 

Le rapport nous montre aussi que les enfants et les jeunes issus de l’immigration, à commencer par les immigrés de première et de deuxième générations, continuent de se heurter à des difficultés : ainsi, leurs chances d’obtenir un diplôme de licence sont moindres (dans les pays pour lesquels on dispose de données). Il est de notre commune responsabilité de corriger ces inégalités.

 

Mesdames et messieurs,


« L’éducation est l’arme la plus puissante qui soit pour changer le monde ». Je suis certain que Nelson Mandela parlait de l’éducation de qualité et de la lutte ultime à mener contre les inégalités jusqu’à leur élimination complète. Pour atteindre l’un et l’autre de ces objectifs, les pouvoirs publics doivent pouvoir s’appuyer sur des données fiables et comparables. Nous voulons croire qu’ils trouveront dans notre rapport de quoi concevoir, formuler et mettre en œuvre des politiques d’éducation meilleures pour une vie meilleure.

 

Je voudrais maintenant inviter nos experts de la direction de l'Education et des Compétences à me rejoindre sur l'estrade pour répondre à vos questions.  Je vous remercie.

 

 

Voir aussi:

Commuiniqué de presse: De nouveaux efforts s’imposent pour davantage d’équité dans l’enseignement

Travaux de l'OCDE portant sur l'éducation

Travaux de l'OCDE portant sur la France

 

Documents connexes