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Échanges de colis : le bon, la brute et le truand ?

Échanges de colis : le bon, la brute et le truand ?

14 mars 2019 | Evdokia Moïsé

Quel est le point commun entre un créateur de vêtements et un fabricant de médicaments de contrefaçon ? Pour Praew, prometteuse styliste responsable de Lanna Clothes Design en Thaïlande, et Paul, qui fabrique et vend des médicaments contrefaits dans le monde entier, la réponse est simple : tous deux se servent du commerce électronique pour développer leur activité et envoyer chaque mois des centaines de colis à des clients étrangers.

Mais si l’activité de Praew crée des emplois au profit de sa communauté rurale en Thaïlande, celle de Paul constitue une menace pour la santé de consommateurs non informés, dans son pays et à l’étranger. La difficulté pour les services douaniers aujourd’hui consiste à déterminer quels sont les colis qui contiennent des produits licites et doivent passer la frontière aussi vite que possible, et ceux qui renferment des produits illicites et doivent être confisqués.

De bonnes choses en petits paquets

Ces dernières années ont été marquées par une explosion du nombre de colis qui franchissent les frontières, grâce aux technologies numériques qui contribuent à la rencontre de l’offre et de la demande à l’échelle mondiale, facilitent les paiements et soutiennent la logistique de livraison. Selon les estimations, les transactions électroniques mondiales s’élevaient en 2015 à 260 milliards USD, et les envois intérieurs y restaient largement majoritaires (76 %). Mais les expéditions internationales progressent près de deux fois plus vite que le commerce électronique intérieur, et devraient s’accroître de 25 % par an environ jusqu’en 2020. Les plateformes numériques, les services de livraison express, les transitaires et les services postaux sont des éléments déterminants de cet écosystème de l’expédition de colis en pleine mutation.

La nature et la composition des échanges de colis évoluent elles aussi. Les transactions interentreprises (B2B) étaient les plus nombreuses au départ, mais les échanges d’entreprise à consommateur (B2C) devraient représenter près de 30 % des échanges de colis en 2020. Les consommateurs apprécient de plus en plus la diversité des produits et les prix dont ils peuvent bénéficier en commandant en ligne et à l’étranger.

Beaucoup de petites entreprises – comme celle de Praew – profitent de l’explosion de la transformation numérique pour acquérir une envergure internationale à moindre coût, en élargissant leur clientèle, en accroissant leurs ventes, en créant de nouveaux emplois et en améliorant le niveau de vie des communautés locales. En six ans, Lanna Clothes Design a enregistré une croissance de 70 %, ses effectifs sont passés de cinq à 35 personnes et les commandes en ligne génèrent jusqu’à 85 % du chiffre d’affaires total.

Cependant, le nombre de colis envoyés pose à lui seul des problèmes nouveaux aux autorités douanières et aux autres organismes chargés du contrôle des marchandises aux frontières. Sous l’effet de la hausse des envois individuels à dédouaner et à inspecter à la douane, la charge de travail augmente et pousse à ses limites la capacité des autorités frontalières à saisir les marchandises illicites ou à identifier correctement les déclarations frauduleuses concernant la valeur des produits. Les stratégies d’évaluation des risques qui doivent permettre de différencier entre les envois de pantalons de yoga de Praew et ceux de médicaments contrefaits de Paul risquent aussi d’être plus difficiles à mettre en œuvre.

Les échanges de colis ouvrent d’intéressantes perspectives aux entreprises, en particulier à celles qui n’ont pas accès à une clientèle suffisamment nombreuse sur le territoire national. Les pouvoirs publics peuvent soutenir ces entreprises – souvent petites et moyennes – en supprimant les barrières administratives qui les empêchent de livrer leurs produits rapidement et efficacement à leur clientèle internationale. La connectivité numérique permet de surmonter certains obstacles à l’accès aux marchés internationaux, mais la livraison des marchandises comporte des coûts qui lui sont propres et qui pèsent proportionnellement davantage dans le cas des colis de faible valeur. La rationalisation des procédures administratives de traitement des colis aux frontières comptera davantage pour ces articles que pour ceux qui passent par les voies habituelles.

Repousser la brute et le truand, sans perdre le bon de vue

Les organismes présents aux frontières ont l’importante responsabilité de lutter contre les menaces que représentent les envois de produits illicites, en protégeant la santé publique et la sécurité des consommateurs et en défendant la réputation des marques et l’innovation. Un renforcement indiscriminé des contrôles risque cependant d’être sans effet sur le repérage des colis illicites en raison des ressources limitées dont disposent ces organismes, mais aussi de faire obstacle à des envois tout à fait légitimes et d’accroître le coût de franchissement des frontières au point d’empêcher de petites entreprises comme celle de Praew d’accéder au marché.

En revanche, il faudrait parvenir à mieux cibler les marchandises, de façon que les organismes aux frontières puissent saisir les articles litigieux sans entraver les flux commerciaux légitimes. Pour ce faire, on pourrait différencier les envois de faible valeur et de valeur élevée, recenser les opérateurs de confiance et s’appuyer sur la coopération entre pays pour évaluer les risques, en particulier par une meilleure utilisation des technologies numériques. La notification électronique préalable d’informations sur les marchandises et l’évaluation automatisée des risques contribuent dès à présent à l’efficacité des contrôles aux frontières, et l’analyse des données massives ou la reconnaissance des formes peuvent offrir d’autres solutions non intrusives.

Pour faire face aux défis très particuliers que présentent les échanges de colis, les pouvoirs publics devront envisager des mesures qui tiennent compte des risques aussi bien que des opportunités. C’est à cette condition seulement qu’il sera possible d’acheminer sans problème les produits légitimes de Praew vers leurs destinataires et d’envoyer les médicaments contrefaits de Paul à l’incinérateur.

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