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Examens par les pairs des membres du CAD

Suède: Examen de l'aide principales conclusions et recommandations

 

 


La Suède se situe toujours dans le peloton de tête des pays Membres du Comité d'aide au développement (CAD) par le pourcentage de son produit national brut (PNB) qu'elle consacre à l'aide publique au développement (APD), et ce en dépit du programme d'austérité économique qu'il lui a fallu mettre en oeuvre récemment. Les coupes opérées depuis 1995 dans toutes les composantes du budget de l'Etat ont néanmoins entraîné une diminution des versements totaux d'APD, qui sont revenus du niveau record de 2.0 milliards de $ des Etats-Unis ($) en 1992 à 1.7 milliard de $ en 1999. De ce fait, le rapport APD/PNB est tombé de 1.03 % en 1992 à 0.70 % en 1999. Dans le cadre du programme d'austérité, le Parlement a suspendu l'objectif de 1 % qu'il avait précédemment fixé pour le rapport APD/PNB et l'a remplacé par un niveau plancher de 0.7 %. Maintenant que les réformes économiques ont produit les effets qu'on en escomptait, le rapport APD/PNB devrait à nouveau augmenter pour atteindre 0.81 % en 2003. La volonté manifestée par la Suède de maintenir son rapport APD/PNB à un niveau élevé même dans une période où son économie traversait une phase difficile constitue un exemple louable, dont pourraient s'inspirer de nombreux autres Membres du CAD.

Depuis 1962, la finalité globale de la politique suédoise de coopération pour le développement est de contribuer à relever le niveau de vie des plus démunis. Cette orientation doit beaucoup au propre vécu de la Suède en matière de développement économique et social. La lutte contre la pauvreté est considérée comme appelant une démarche holistique et pluridimensionnelle, et des objectifs ont été fixés dans six domaines - croissance économique, indépendance, équité, démocratie, protection de l'environnement et égalité homme-femme - qui, ensemble, sont censés concourir à la réalisation du but ultime, à savoir faire reculer la pauvreté. Comme le veut ce dernier, l'APD bilatérale, qui prend surtout la forme de dons, est concentrée sur des pays affichant un faible niveau de revenu par habitant. C'est ainsi que près de la moitié de l'APD bilatérale ventilable de la Suède prend le chemin de l'Afrique subsaharienne. Au plan sectoriel, la Suède a affecté 15 % de son APD bilatérale aux services sociaux de base en 1997-98, alors que leur part se situe à 10 % dans la moyenne des pays du CAD. La Suède déploie aussi des efforts considérables à l'échelon multilatéral, ainsi qu'en témoignent l'ampleur de ses contributions financières aussi bien que le zèle qu'elle met à proposer des réformes institutionnelles.


Le rôle de pionnier que joue la Suède en matière de formulation des politiques dans les domaines de la coopération pour le développement et de la lutte contre la pauvreté est bien connu. La Suède expérimente aussi activement de nouvelles approches dans ses opérations sur le terrain afin d'améliorer l'efficacité de son aide. C'est ainsi que, dans tous les principaux pays bénéficiant de son aide, les représentations locales de l'Agence suédoise de coopération pour le développement international (Asdi) ont été fusionnées aux ambassades pour constituer des « ambassades intégrées ». Un projet pilote a été lancé au Nicaragua, en Tanzanie et au Viêt-nam en vue de déléguer des responsabilités accrues aux ambassades intégrées. Les conséquences qu'on peut en attendre au niveau des coûts et des effectifs risquent certes de se révéler non négligeables, mais les résultats de l'évaluation de cet exercice ne manqueront certainement pas d'intéresser de nombreux Membres du CAD. Dans le cadre d'un autre projet pilote, il est envisagé que l'Asdi fasse office de représentante de l'Agence norvégienne de coopération pour le développement dans les pays où celle-ci n'a pas de bureaux locaux et inversement. Les initiatives prises par la Suède pour mettre en place de nouveaux modèles d'aide, par exemple en instaurant des modalités novatrices destinées à assurer le respect des obligations redditionnelles liées à l'octroi d'un soutien budgétaire tout en déléguant aux gouvernements partenaires la haute main sur les programmes afin qu'ils les fassent vraiment leurs, témoignent d'une conception louable des relations de coopération, avec les risques qu'elles impliquent. La Suède figure aussi au nombre des donneurs les plus actifs en matière d'approche sectorielle.


La Suède met un grand soin à appliquer les enseignements de l'expérience et procède à des réexamens réguliers de ses méthodes de travail. A l'Asdi, la culture de l'évaluation est bien ancrée et bien développée, au niveau des divers départements comme à celui de l'agence dans son ensemble. Il a été entrepris une évaluation rigoureuse du programme-pays pour la Tanzanie, qui témoigne de l'attention portée par la Suède à la qualité de sa programmation. L'Asdi vient par ailleurs d'achever une étude de son processus d'évaluation afin de voir si les évaluations sont utiles et si leurs résultats sont exploités par les partenaires. Les conclusions de cette étude pourraient intéresser de nombreux autres donneurs.


La Suède concentre ses activités d'aide bilatérale sur une vingtaine de pays où son action est guidée par des stratégies à long terme et des accords de coopération bilatérale. Parallèlement, elle entretient des relations de coopération avec une centaine d'autres pays. En conséquence, moins de la moitié de l'APD bilatérale suédoise est actuellement financée sur les enveloppes budgétaires spécifiquement affectées aux pays avec lesquels son partenariat s'inscrit dans le long terme. Cela s'explique en partie par la mise en place progressive de lignes budgétaires renvoyant aux neuf domaines d'intervention de l'Asdi, lesquelles peuvent être dépensées dans n'importe quel pays. Cela tient aussi à l'augmentation des sommes allouées à l'aide humanitaire et à la prévention des conflits, lesquelles absorbent aujourd'hui 20 % du budget de l'APD bilatérale. Sans compter les multiples facteurs qui incitent à apporter une aide à un nombre toujours croissant de pays. Etant donné l'objectif de lutte contre la pauvreté poursuivi par la Suède, le CAD se demande si cette dilution des ressources ne risque pas d'être préjudiciable aux efforts plus ciblés déployés dans les pays de programme et constate que la Suède n'a pas de stratégie précise en matière de retrait ou concernant la manière de mettre progressivement un terme à ses activités. Le CAD aimerait aussi savoir comment l'Asdi s'assure que les activités des ONG - qui absorbent un tiers de l'APD bilatérale -sont conformes aux politiques et priorités des autorités suédoises.


La Suède souscrit sans réserve à la stratégie de partenariat pour le développement définie dans Le rôle de la coopération pour le développement à l'aube du XXIe siècle. Le CAD note que, pourtant, il n'est fait expressément référence ni au fait que l'aide à pour but ultime de faire refluer la pauvreté ni aux objectifs internationaux de développement (OID) dans les documents stratégiques de l'Asdi. La Suède pourrait s'appliquer à établir un lien plus explicite, en particulier au niveau des opérations sur le terrain, entre les six objectifs connexes fixés par le Parlement et le but suprême qu'elle assigne à son aide, à savoir faire refluer la pauvreté. Cela vaut notamment pour les activités spécifiquement axées, par exemple, sur les droits de l'homme et la gestion démocratique des affaires publiques, domaines auxquels une importance grandissante est accordée dans les programmes de l'Asdi.


La Suède appuie les efforts déployés par la communauté internationale pour définir des indicateurs appropriés des progrès accomplis vers les OID et compte les utiliser, lorsqu'ils auront été arrêtés, pour évaluer les résultats de son programme d'aide. En attendant, la Suède est invitée à faire une plus large place aux OID dans ses activités, dans le cadre des mesures qu'elle a entrepris de prendre pour renforcer la gestion axée sur les résultats et se doter d'un système global de suivi des questions transversales, et en particulier des problèmes d'égalité homme-femme.


Il s'opère en Suède une évolution de la manière dont l'opinion publique et le secteur privé perçoivent le rôle de l'APD. Le soutien manifesté par les citoyens à l'égard de l'aide au développement reste certes suffisamment vigoureux pour que l'aide puisse être maintenue à des niveaux élevés mais certains signes tendent à indiquer qu'il s'effrite. Les sondages d'opinion font apparaître une certaine lassitude à l'égard de l'aide et un fléchissement de la confiance placée dans l'APD en tant que catalyseur de réduction de la pauvreté.

Parallèlement, le secteur privé est convaincu que la Suède comme les pays pauvres auraient tout à gagner à un resserrement des relations commerciales. Des pressions s'exercent donc pour qu'une plus large place soit faite aux intérêts économiques de la Suède dans le programme de coopération pour le développement. A un niveau plus général, la coopération pour le développemernt entre par ailleurs de plus en plus en concurrence avec tout un éventail d'autres priorités de la politique étrangère, concernant par exemple les relations avec les Etats baltes et les pays des Balkans, ou le rôle de la Suède dans l'Union européenne.


Face à ces intérêts concurrents, les autorités suédoises ont reconnu la nécessité d'une plus grande cohérence entre les politiques et priorités affectant les pays en développement. En 1995-96, a donc été opérée une réorganisation en profondeur du ministère des Affaires étrangères et de l'Asdi afin d'améliorer la cohérence des relations extérieures de la Suède. Si les objectifs poursuivis ont pour l'essentiel été atteints, il subsiste néanmoins au ministère des Affaires étrangères quelques problèmes importants de cohérence, et il conviendrait notamment de mieux accorder les politiques visant les échanges, l'environnement, la sécurité, l'agriculture et les réfugiés à l'objectif de lutte contre la pauvreté. De son côté, l'Asdi devrait s'appliquer à assimiler totalement la fusion ; à cet effet, l'Agence manifeste l'intention de mieux intégrer les activités relatives au secteur des infrastructures et à la coopération à la recherche au système d'aide dans son ensemble ainsi qu'à l'action menée à l'échelon des pays.


Les considérations de cohérence pourraient aussi être davantage prises en compte à d'autres niveaux, qu'il s'agisse des crédits à l'exportation, de l'allégement de la dette ou du déliement de l'aide. A titre d'exemple, la Commission de garantie des crédits à l'exportation (EKN) respecte certes les directives concernant l'environnement établies par l'Asdi lorsqu'elle agit pour le compte de cette dernière mais pour ses autres opérations dans les pays en développement elle applique la politique environnementale qu'a récemment arrêtée son propre conseil d'administration. A en croire certaines ONG, la mise en oeuvre effective de cette politique risque de soulever des problèmes. Nul n'ignore par ailleurs que la Suède fait beaucoup, depuis longtemps, pour alléger la dette des pays en développement ; il n'en reste pas moins que, en 1999, elle détenait encore, au titre de ses crédits à l'exportation, pour 2.6 milliards de $ de créances sur les pays à faible revenu. La question de savoir dans quelle mesure les fonds consacrés à la coopération à la recherche et aux concours aux ONG échoient à des entités suédoises mériterait également d'être examinée plus avant.


Par rapport à ce qui passe dans plusieurs autres pays Membres du CAD, en Suède, le Parlement intervient largement dans la gestion de la coopération pour le développement. Exemple parlant à cet égard, une commission d'enquête, la Parliamentary Commission of Inquiry into Swedish Policy for Global Development, a été nommée récemment afin d'étudier comment formuler des politiques cohérentes au service de la lutte contre la pauvreté dans le contexte nouveau résultant de la mondialisation. Celle-ci est censée remettre son rapport et des propositions complètes pour la révision de la politique suédoise en octobre 2001.


Au vu des conclusions qui précèdent, le CAD :

  • Approuve sans réserve l'intention de la Suède d'accroître son APD de telle sorte qu'elle représente 0.81 % de son PNB en 2003, et l'encourage à rétablir, avec une date butoir, l'objectif de 1 % qu'elle s'était pendant longtemps fixée pour son rapport APD/PNB.
  • Préconise que des précisions soient apportées sur le statut des pays avec lesquels la Suède entretient des relations de coopération à long terme et sur la part qui doit leur revenir dans l'APD bilatérale. L'élaboration de lignes directrices concernant les mesures à prendre pour assurer la viabilité des activités et opérer une stratégie de retrait pourrait par ailleurs se révéler utile pour la formulation des projets et des programmes par pays.
  • Suggère que la Suède envisage, compte tenu de sa ferme adhésion à la stratégie de partenariat pour le développement, de réaffirmer la primauté de son objectif de lutte contre la pauvreté.
  • Invite la Suède à faire une plus large place aux OID et à la gestion axée sur les résultats, et à se doter d'un système global de suivi des questions transversales. Les activités d'APD considérées comme n'ayant pas d'effet direct sur la réduction de la pauvreté, ou n'ayant sur cette dernière qu'un effet indirect, devraient être réexaminées afin de s'assurer qu'elles sont compatibles avec l'objectif affiché.
  • Encourage la Suède à continuer d'appliquer des approches nouvelles et novatrices dans ses opérations sur le terrain en vue d'améliorer l'efficacité de son aide - et en particulier à finir de mettre au point son plan de décentralisation et de délégation de pouvoirs élargis aux représentations locales.
  • Préconise un renforcement des mécanismes destinés, au sein du ministère des Affaires étrangères, à assurer la cohérence des politiques, notamment en accordant l'action entreprise dans les autres domaines relevant des relations extérieures à l'objectif de réduction de la pauvreté, ainsi qu'une amélioration des compétences du personnel en la matière.
  • Se félicite de l'intention affichée par l'Asdi de mieux intégrer les activités relatives au secteur des infrastructures et à la coopération à la recherche au système d'aide dans son ensemble et à l'action menée à l'échelon des pays.
  • Loue le soutien vigoureux accordé par la Suède aux institutions multilatérales et l'engage à poursuivre ses efforts dans ce sens.
  • Suggère que l'Asdi recherche des moyens appropriés de donner suite aux conclusions et recommandations de sa récente étude sur l'utilité des évaluations.

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