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De nombreuses subventions gouvernementales entraînent la surpêche

Trop souvent, les subventions à la pêche entraînent la surpêche. Voici une solution.

15 avril 2019 | Roger Martini

Pendant des siècles, la pêche a alimenté nos tables. Elle est profondément enracinée dans les identités culturelles et les coutumes alimentaires des communautés côtières du monde entier. La pêche est non seulement une source alimentaire importante pour beaucoup, mais elle procure également des revenus aux pêcheurs et aux entreprises du secteur, et elle contribue à la sécurité alimentaire mondiale par le biais du commerce international - le poisson et les produits à base de poisson figurent parmi les produits alimentaires les plus échangés. Environ un tiers de la production mondiale de poisson traversera une frontière entre le bateau et la table.

Cependant, sur les 600 stocks de poissons évalués par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), 33% sont actuellement surexploités ou en voie d'épuisement, et la plupart des autres sont exploités au maximum. La surpêche peut causer des ravages sur les écosystèmes marins et perturber un élément crucial de la chaîne alimentaire sur lequel l'homme et d'autres animaux s'appuient.

Comment en est-on arrivés là?

De nombreuses communautés côtières, où la pêche est une activité importante, ne bénéficient pas du même niveau de développement économique que leurs homologues urbaines. Ainsi, le soutien aux pêcheurs est souvent perçu par les gouvernements comme un moyen de contribuer au développement local de ces communautés côtières et d’améliorer la sécurité alimentaire.

Les gouvernements dépensent environ 35 milliards de dollars US par an dans le monde pour soutenir le secteur de la pêche, ce qui représente, en moyenne, environ 20% de la valeur totale des poissons capturés en mer et débarqués au port. Malheureusement, nombre de ces subventions sont préjudiciables à la santé du secteur à long terme et peuvent conduire à la surpêche et à la surexploitation des ressources halieutiques.

Les subventions les plus préjudiciables sont celles qui réduisent les coûts de fonctionnement des pêcheurs. Elles comprennent des mesures telles que le soutien à la construction ou à la modernisation des navires, à la consommation de carburant, ou à l’achat d'engins de pêche. L'accès à ces types d'intrants à des prix inférieurs aux prix du marché accroît en effet les activités de pêche, la pression sur les ressources halieutiques et peut finir par entraîner l'épuisement des stocks de poissons, la baisse des rendements de la pêche et des revenus des pêcheurs. Ces types de subventions tendent également à favoriser les plus gros pêcheurs, et non les plus petits, les pêcheurs traditionnels, portant souvent considérés comme les plus vulnérables et comme ayant le plus besoin de soutien.

Une nouvelle étude de l'OCDE montre qu'il existe des alternatives viables à ces subventions et qu'une meilleure compréhension de la manière dont les subventions affectent le secteur de la pêche peut aider les gouvernements à atteindre leurs objectifs économiques et sociaux, sans pour autant épuiser les ressources. En fait, ironiquement, la voie de la prospérité pour les pêcheurs consiste souvent à réduire les activités de pêche afin que les stocks de poissons puissent atteindre des niveaux plus importants, qui assurent leur durabilité.

Tracer une meilleure voie à suivre

Au cours des 20 dernières années, les gouvernements ont eu de nombreuses discussions sur la manière dont ils pourraient travailler ensemble pour réduire les subventions à la pêche les plus préjudiciables. Ils ont entrepris des négociations aux niveaux bilatéral et régional et sont actuellement engagés dans des négociations multilatérales à l'Organisation mondiale du commerce. Pour renverser la tendance actuelle à subventionner le secteur de la pêche de manière non durable, les gouvernements devront cependant adopter une approche totalement nouvelle de la manière dont ils soutiennent les pêcheurs.

Il n’est pas question de priver les pêcheurs de toute aide du gouvernement, mais les incitations à la surpêche doivent être éliminées. Des mesures existent qui peuvent améliorer les revenus des pêcheurs sans les pousser à pêcher excessivement, comme, par exemple, des programmes garantissant que les institutions financières peuvent fournir le fonds de roulement nécessaire aux petites entreprises de pêche, ou des programmes permettant d’accroître les compétences commerciales et opérationnelles des pêcheurs. Les paiements qui ciblent directement les revenus des pêcheurs, tels que les paiements en cas de catastrophe naturelle ou les programmes d’assurance-emploi, permettent également de soutenir équitablement les acteurs du secteur de la pêche.

Que se passerait-il si les fonds actuellement consacrés aux subventions les plus préjudiciables étaient transférés aux subventions les plus performantes? Plein de bonnes choses ! D'une part, les pêcheurs pourraient toucher environ 2 milliards de dollars (USD) de revenus supplémentaires chaque année, mais ils pourraient aussi pêcher plus de poisson, peut-être jusqu'à un demi-million de tonnes par an. Les stocks de poisson pourraient également augmenter. Les bénéfices potentiels d’une telle réforme sont importants et réalisables.

Si aucune solution n’est trouvée pour s’attaquer aux mauvaises subventions au niveau de la communauté internationale, l’état déjà précaire des stocks mondiaux de poisson risque de s’agraver encore. Et bien que aidions l'homme à pêcher aujourd'hui, nous risquons d’échouer à nourrir les générations futures.

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